Chapitre 18.2

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— Qu'est-ce que tu foutais là ?! Putain, t'imagines pas à quel point ce que tu as fait était dangereux !

Je secoue la tête, bouche bée, incapable de savoir quoi répondre. Comment pouvais-je savoir que je ne pouvais plus quitter ma cellule à partir d'une certaine heure, alors que la grille était encore ouverte et qu'un gardien traînait juste à côté des sanitaires ? Comment pouvais-je savoir qu'ils allaient le tuer là-bas ? Je devais aller aux toilettes avant la nuit, je...

— Léo.

Il fait un pas vers moi et je recule avec un air affolé. Il hausse un sourcil.

— Vraiment ? Tu as peur ?

Il ricane et laisse peser un lourd silence entre nous.

— Tu prévois d'emménager avec un homme dont tu ne connais rien. Je crois même que tu t'es créé un idéal, autour de nous. Je pense qu'il est temps de corriger ça.

Il s'avance vers moi à pas lents. Je tourne la tête et garde le menton bas. Je ne veux pas voir ses mains maculées de sang séché.

— Tu m'as toujours pris pour un homme raisonnable et juste, alors que je n'arrêtais pas de te dire que j'étais tout l'inverse.

Je recule jusqu'à buter contre le bureau en chêne. Mon souffle se coupe en sentant le sien effleurer mes cheveux. Un frisson me traverse de la tête aux pieds.

— Je n'ai pas seulement tué ce fils de pute de Williams, j'ai tué plusieurs hommes en taule, Maître Pasquier. Je les ai tués, mais avant, je les ai fait souffrir le martyr. Parce que c'est ça qui me plaît, torturer les monstres. Après tout, j'en suis un. Qui serait mieux placé que moi ?

Je secoue la tête et ferme les yeux. Il me saisit par les joues.

— Tu n'as pas ton mot à dire sur celui que je suis, monsieur l'avocat. Si tu m'aimes, tu acceptes la violence qui grouille dans mon ombre et le sang que je fais couler.

Ma gorge se noue, les larmes montent.

— Pourquoi tant de douleur sur ce visage ? dit-il en relevant mon menton. Est-ce que c'est si dur, pour toi, d'accepter ma vraie personnalité ? Sois franc.

— Tu... tu sais ce que je suis, murmuré-je d'une voix fébrile.

— Ouais. Un putain d'avocat qui bosse avec le fils du connard que j'ai buté. Et pourtant, j'ai foutu ma liberté en l'air pour toi, sans hésiter une seconde.

Je serre les dents et tourne la tête, mais il me maintient droit face à lui.

— Si, moi, je t'ai accepté, pourquoi t'es pas foutu de le faire, en connaissant mon passé ?

— Pour moi, le passé n'excuse pas tout.

Son regard se noircit.

— Nos... nos méthodes sont... différentes, bredouillé-je.

— Tu défends des meurtriers !

— C'est faux, je n'en ai jamais défendu moi-même !

— Mais ton cabinet de salopards continuera toujours à le faire.

— Je ne décide pas pour les autres !

— C'est pour ça que les gens comme moi existent. Pour punir ceux qui volent la justice aux victimes.

— Et la justice, c'est toi qui la représentes ?

— Je représente la justice pour mes proches et les victimes qui leur ressemble, ouais ! Et si l'idée ne te plaît pas, je m'en branle !

Je dégage ma tête de ses doigts, mais il m'attrape sous la mâchoire. Je m'accroche à sa main, dents serrées.

— Le bon Rafael Martinez de tes rêves n'existe pas. Et pour que tu le réalises, il va falloir que tu saches tout. En détails.

— Je ne veux pas !

— J'ai séquestré Williams. Je l'ai ligoté à un radiateur et je l'ai écorché juste assez pour qu'il me dise ce que je voulais savoir. Il a avoué qu'il savait que Thompson avait commis d'autres crimes, mais qu'un gros chèque le tenait au silence. Quand je lui ai tourné le dos, ce connard a réussi à se détacher et a tenté de m'attaquer avec un couteau. Je lui ai retourné dans le ventre, puis je l'ai laissé se vider de son sang sur le plancher.

Je le fixe, horrifié par la scène qui se dessine dans mon esprit.

— Ensuite, je suis allé chez Thompson. Je lui ai brisé les os un à un. Je lui ai tranché certains bouts du corps et l'ai fait saigner comme un goret jusqu'à ce qu'il avoue ses sept meurtres. J'ai fait le travail dont la police s'est servie pour l'enfermer. C'est en taule, quand j'ai appris qu'il allait être interné en psychiatrie, que j'ai décidé d'en finir. Là, je lui ai tranché la gorge.

Mon pouls s'accélère.

— En ce qui concerne le connard qui a tué Emilia...

— Arrête !

— Tu dois savoir.

— Non !

Je le repousse brutalement, mais il me saisit les poignets.

— Mes mains sont pleines de sang, elles le seront toujours.

Je baisse les yeux sur ses doigts rougis. Il s'approche de moi jusqu'à me faire perdre l'équilibre et je me retrouve allongé sur le bureau, en dessous de lui, privé de tout mouvement. Mon estomac se tord. Il s'insère entre mes jambes et presse son corps contre le mien. Son regard noir s'enflamme.

— La question est : peux-tu supporter les mains d'un meurtrier sur toi, Maître Pasquier ?

Il cloue mes poignets au-dessus de ma tête d'une main et laisse redescendre l'autre le long de mon bras, jusque dans mon cou. Je déglutis. Son pouce se balade sur mon menton, sur ma pomme d'Adam, puis il glisse sa main sur ma poitrine avec une lenteur atroce. Du bout des doigts, il vient chatouiller mon mamelon jusqu'à me sentir me cambrer légèrement. Je me mords la lèvre. Pourquoi mon bas-ventre s'embrase-t-il alors que je suis pétrifié ?

Il me dévore des yeux. Chaque battement de paupière fébrile, chaque souffle court et chaque tressaillement de mes lèvres, il les capture avant même que je ne les perçoive moi-même. Je sens sa main continuer à descendre sur mon ventre, jusqu'à effleurer un bout de peau, sous mon sweatshirt. Je frissonne et me raidis contre lui, malgré moi. Un sourire danse sur ses lèvres. Il cherche à me prouver que ses meurtres ne changent rien à mon désir ou mes sentiments pour lui. Et visiblement, il a raison.

Où est ma conscience ? Moi qui ai toujours combattu le crime, où me suis-je égaré ? Je ne sais plus qui je suis, ni ce en quoi je crois. Je sais juste que je n'ai jamais eu aussi peur de l'amour de toute ma vie.


De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant