Chapitre 4.1

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Je prends un grand bol d'air. Enfin, je respire... Le soleil n'est pas encore haut dans le ciel, mais il tape déjà fort. Pourquoi fait-il si chaud en plein mois de septembre ? Peu importe, tant que je ne suis plus cloîtré entre quatre murs.

Aux informations que je capte autour de moi, j'apprends que le chantier sur lequel nous travaillons est un futur bâtiment de travail. Un large fossé se trouve devant nous et une ribambelle de pelles git à nos pieds. Vais-je vraiment creuser durant des heures comme un forcené ? J'ai beau avoir fait de la musculation et du footing à Glenwood, je suis loin d'être quelqu'un de manuel. Là-bas, j'aurais pu négocier un poste plus adapté à mon CV, mais ici, je n'ose pas ouvrir la bouche.

— Dis-toi que quand tu sortiras, tu s'ras taillé comme un beau gosse.

Je tourne la tête vers mon voisin, un roux aux boucles folles et au front dégoulinant de sueur, déjà torse nu. Son sourire jovial m'incite à lui rendre sa sympathie.

— C'était pas vraiment mon but, mais merci de positiver.

— Tu feras tomber les nanas, crois-moi. Les taulards musclés, elles adorent. Surtout quand ils ont des airs de mannequins.

Il me lance un clin d'œil. Cette insinuation me fait grincer des dents. Si je pouvais éviter d'attirer l'attention sur moi...

— Comment elle s'appelle ?

— Q-qui ça ?

— La fille qui t'attend. Me dis pas que y'en a pas, j'te croirai pas, ha, ha !

Je déglutis.

— L-Lucie.

— Comment elle est ?

— Belle... elle est belle...

Il s'esclaffe.

— Eh ben toi alors, on peut pas dire que tu vends du rêve, mon pote.

Je m'éclaircis la voix et reprends sur un ton plus assuré.

— Elle est brune, infirmière...

Sans le réaliser, le portrait d'Emma me revient en tête et je la décris pour garder un semblant de vérité.

— Elle est italienne.

— Wouah ! P'tit veinard !

Il m'assène un coup de coude avant de recommencer à creuser sous l'injonction d'un gardien.

— Combien à tirer ?

— Encore cinq ans. Et toi ?

— Dix-neuf. Buté mon meilleur pote. Il avait baisé ma nana. Un con, il m'a manqué d'respect, tu vois. Ces types-là, faut pas laisser passer, faut les corriger.

J'ouvre de grands yeux et me fige devant moi, ma pelle entre les mains.

— Toutes des putes, hein ? Enfin, sauf Lucie, pas vrai ?

— O-ouais... mais moi, j'ai pas de meilleur ami, je crains rien.

Il lâche un rire franc. Au moins, je commence à sympathiser avec quelqu'un, c'est une bonne chose. Je n'aurais jamais cru qu'être pris pour un hétéro serait un jour devenu mon vœu le plus cher.

— Eh, gringalet, tu la soulèves cette pelle ?

Des rires moqueurs retentissent à ma droite.

— Tapette.

Mon cœur s'accélère sur ce mot. Je m'empare de la pelle, la plante dans la terre et creuse à m'en brûler les biceps. Cette fois, je ferai tout pour cacher qui je suis. Peu importe ce qu'il m'en coûtera et le nombre de mensonges que je débiterai par minute, personne ne doit savoir. Personne.

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant