Chapitre 7.2

1.2K 138 84
                                    

Isolé par de petits pans de murs, je compose le numéro de Steven et patiente. Les secondes sont interminables... Je me demande si mon père est au courant de mon transfert. Au plus profond de moi, j'ai envie de croire qu'il reviendra me voir à Glenwood et s'inquiètera de ne pas m'y trouver. Mais je sais aussi que sa rancœur envers moi se transformerait en mépris, dès qu'on lui parlerait de mon transfert pour « mauvais comportement ».

De toute façon, il n'y a aucune chance que cela arrive. Il ne me considère plus comme son fils. C'est la seule vérité que j'ai fini par accepter.

— Léo ?

— Steven ! Ah, que je suis heureux de t'entendre... soupiré-je en m'accrochant au bloc téléphonique.

— Hmm, oui, ça fait un moment. Désolé j'ai pas eu le temps de...

Des cris stridents retentissent dans le combiné. Un... bébé ? Steven et Elsa auraient-ils eu un enfant ?

— Tu... c'est...

— C'est ma fille, excuse-moi, souffle-t-il, entre agacement et fatigue.

Il a l'air éreinté.

— Comment vas-tu ? fais-je sur un ton soucieux.

Il laisse un long silence planer entre les pleurs du bébé.

— Elsa est à l'hôpital. Elle a eu un accident de voiture.

— Oh, je suis désolé. Est-ce que c'est grave ?

— Un poids-lourd a percuté sa voiture, côté conducteur. Elle est dans le coma.

Je suis sans voix. Sa fatigue et sa charge mentale prennent un tout autre sens.

— Je dois trouver une baby-sitter pour s'occuper de Joyce en attendant que ma mère se décide à quitter son foutu Texas, et je dois trouver un chirurgien qui accepte d'opérer Elsa. L'intervention est très risquée. Mais si on ne fait rien...

Il pousse un soupire tremblant. Elsa et lui se sont connus au lycée et se sont mis ensemble sur les bancs de la fac. Je n'ose pas imaginer l'état de Steven si elle venait à mourir, après avoir donné naissance à leur petite fille...

— Je suis... vraiment désolé, Steven. J'espère sincèrement que la situation va s'améliorer.

Je crois l'entendre renifler.

— Ouais, pardon... Bref, toi, comment ça va ?

Je ne peux pas lui demander de m'aider, actuellement, et lui ajouter un poids supplémentaire. J'affiche un sourire qu'il ressentira dans ma voix.

— Rien de nouveau au paradis.

— L'indice à changer, tu n'es plus dans l'état ? J'ai pas fait attention en décrochant.

— Ils m'ont transféré.

— Où ça ?

— Northbury, Kentucky.

— Quoi ?

— Mais ne t'inquiète pas, ça va. Occupe-toi de toi, tu me rappelleras lorsque tu te sentiras mieux, OK ?

— OK. Bon... je vais quand même parler de toi à un ami.

— Ne t'en fais vraiment pas. Prends-soin de toi, de vous...

Je devine, à travers son silence, le hochement de tête affligé qui accompagne son « ouais » incertain. Je raccroche, plus abattu que je ne l'étais déjà. Mon seul soutien par-delà ces murs vient de s'envoler. Ou plutôt, même mon seul soutien tout court. Je mets de longs instants avant de me décoller du mur et retourne à pas lents dans la cellule. C'est là qu'un gardien m'intercepte.

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant