Chapitre 11

1.2K 143 53
                                    

PDV Rafael


J'attends que les autres déjeunent tout en ressassant ma discussion avec Léo, bras croisés sur la table et le regard vagabond. Mon cerveau tourne à plein régime. Je ne sais plus quoi penser. Ayant capté trois mots de ma discussion avec Mateo, c'est toute la table qui se lance sur ce sujet, et chacun y va de son avis.

— Quand tu picoles, tu sais à quoi à t'attendre.

— Quand t'es une meuf, surtout, ajoute un second. Les gonzesses, aujourd'hui, ça se respecte plus.

Tous approuvent.

— C'est comme les nanas qui vont en jupe à ras la chatte. Et en plus elles boivent comme des bonhommes ? Ah ! Santa Maria, si tu me montres la nourriture, donne-moi à manger !

Hilarité générale.

— Elles se bourrent la gueule, te chauffent, et après elles jouent les prudes ? Nena, (fille) si tu joues avec moi, assume et va jusqu'au bout, sinon viens pas me voir !

— Les gens qui boivent trop et partent avec quelqu'un, faut pas venir se plaindre de ce qu'il se passe après.

Leurs paroles résonnent dans mon esprit. Je lève les yeux pour les poser sur Léo, au milieu du réfectoire, seul, comme d'habitude. Il reste immobile devant son plateau. Son regard est vide.

— Moi, si tu me chauffes, t'as pas intérêt à être effrayé par la bête parce que tu peux plus reculer après !

Il mime un sexe énorme. Tout le monde éclate de rire.

— Vous êtes de gros malades, tonne Diego, qui n'a pas fait de conneries dans sa vie ? Ne parlez pas comme ça des femmes ! Et si on parlait comme ça de votre mère ?

— Mama, elle est pas comme ces femmes.

— Moi, les gonzesses, je leur parle comme ça, répond un autre en simulant un cunnilingus.

Nouveaux rires. Diego crache quelques jurons en espagnol.

— Les gens qui boivent trop, ils cherchent à se la prendre, affirme un gars du nom de Pedro. De grosses putes. Moi j'vous l'dis, ils disent non à l'extérieur, mais oui à l'intérieur. Ils aiment jouer avec le feu. Et quand ça leur tombe dessus, ils vont pleurer, alors que par derrière, ils en redemandent.

Ces paroles font écho dans mon esprit. « C'est le genre à jouer les durs, mais en secret, il en redemande encore. » Je hoche la tête. Ma première réaction depuis toute la conversation. Les hommes me fixent, dans l'attente d'un commentaire, mais je regarde simplement celui qui vient de prononcer ces mots. Je réalise à quel point mes émotions m'aveuglaient, juste parce que cette histoire concernait Léo.

— T'en penses quoi, Martinez ? me fait un gars.

— En fait, je me posais beaucoup de questions sur le sujet, et je dois dire que vous m'avez pas mal éclairé. Comme un con, je m'orientais sur la mauvaise voie.

— Ah ouais ?

— Ouais. La vôtre.

Ils échangent un air surpris.

— Vous êtes de grosses merdes sans respect. Vos mères auraient honte de vous. Diego est le seul ici à avoir une putain de conscience.

— Martinez, se défend Pedro, j'suis désolé, y'a des gens qui méritent de s'faire baiser.

— Sous quel prétexte ?

— Parce qu'ils l'ont cherché.

— Je vois.

Je le chope par les cheveux et lui explose la tête violemment sur la table. Il se redresse, le nez en sang.

— Pourquoi tu...

— J'ai jugé que t'avais cherché à te bouffer cette putain de table ! Maintenant, casse-toi avant que je n'explose réellement sur toi, sale enfoiré !

Je le fixe, dents serrées. La haine me fait bouillonner. Un mot de plus...

— Martinez, tente un autre...

Je me lève brusquement, la lèvre retroussée et la rage pulsant dans les tempes. Le silence se fait. Toute la table s'écrase et les nez retombent dans les plateaux. Pedro se fourre une serviette contre les narines.

Mon regard se plisse et se déplace au-dessus de leurs têtes. Ils m'écœurent tous autant qu'ils sont. Sur la dizaine d'hommes qui compose ma famille carcérale, seuls deux ou trois d'entre eux possèdent des valeurs saines. Si je leur avais confié ma sœur, je suis sûr qu'au moins l'un d'entre eux l'aurait mal traitée. A partir de quand ce monde a-t-il commencé à aller si mal ?

Mon attention se reporte sur la salle. Lorsque je tombe sur Léo, mon cœur s'alourdit. Notre conversation n'est pas terminée. Je dois lui parler en privé.


De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant