Chapitre 26.2

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PDV Léo

Mes forces m'abandonnent entre les portes d'une cabine. Mon cœur vient de voler en éclats. Je tombe à genoux devant le corps inerte d'Elie, gisant près d'un tube vide de médicaments. Le temps s'arrête, les bruits alentour s'estompent en écho.

Il me faut de longues secondes avant de pouvoir tendre les mains vers lui. Je n'ose pas le toucher ni palper sa carotide, la vérité est évidente... mais je la refuse.

— Elie... Réveille-toi !

Je cueille son visage entre mes mains tremblantes sans réaliser que mes joues ruissellent de larmes.

— Elie !

— Elie ?!

Mon sang se glace. Cette voix... Je me retourne et lève les yeux vers Emma, aussi pâle qu'un linge. Elle se jette aux pieds de son fiancé et le secoue en hurlant son nom. De violents sanglots agitent son corps. Je m'écarte en réflexe et retombe sur le carrelage froid. Dès qu'elle prend le tube entre ses doigts, l'horreur déforme ses traits. Elle effleure son ventre bombé, balbutie des mots imperceptibles, puis se braque sur moi.

— Toi !

Ses doigts se referment autour du col de ma chemise.

— Je t'avais demandé de le surveiller ! Tu m'avais juré de veiller sur lui !

Je la fixe, pétrifié par la plus horrible des idées. La culpabilité me transperce. C'est donc ça... Si je l'avais écouté toutes ces fois où il est venu me voir et que j'avais pris soin de lui, il serait toujours en vie... Il traversait une mauvaise période et moi, je l'ai ignoré.

— Tout est de ta faute !

Une gifle magistrale s'abat sur ma joue, puis ses mains s'enroulent autour de ma gorge. C'est à ce moment que des surveillants interviennent. Ils la relèvent pour la calmer, mais une fois debout, Emma hurle de douleur et se contracte, les deux mains pressées sur son ventre.

— Mon bébé !

Son enfant. Leur enfant... Les gardiens l'évacuent avec précautions en se frayant un chemin parmi la masse de détenus. Ses pleurs et ses cris résonnent encore quand une paire de bras me relève avec force. Je me retrouve plaqué contre une paroi de la cabine.

Face à moi, les deux camarades d'Elie. L'homophobe referme la porte et le nazi se plante devant moi. Je sais ce qui m'attend, et j'accepte d'avance ma sanction. Un poing s'encastre dans ma pommette, un autre s'enfonce dans mon ventre. Je m'écroule, plié en deux. Les coups pleuvent autant que mes larmes. Si le ciel m'entend, je lui en conjure, qu'il efface ces dernières minutes et m'emporte à la place d'Elie !

— J'ai su quel genre de petite merde t'étais dès que t'es arrivé.

Le nazi me crache dessus avant de me coller un violent coup de pied dans le bras.

— Tu mériterais de crever la gueule ouverte, putain d'bourge !

Une chaussure me retourne sur le dos. Je les contemple d'en bas, yeux mi-clos, essoufflé et souffrant. Je ne peux pas leur en vouloir, j'étais le seul en mesure de réconforter Elie. Derrière la brutalité, je lis leur peine. Peut-être même leur propre culpabilité de ne pas avoir su l'épauler. Emma connaissait leur incapacité à agir pour Elie, elle connaissait aussi l'affection qui nous liait, lui et moi. C'est pour cette raison qu'elle m'avait choisi. Si Elie a mis fin à ses jours, c'est à cause de mon égoïsme. Je suis le seul responsable.

Le nazi écrase son talon sur mon sternum et s'y appuie de tout son poids. Je sens mes poumons se compresser. Je m'agrippe à son pied, les yeux inondés de larmes. D'un instant à l'autre, mes côtes craqueront.

— Si je le broie maintenant, je prendrai combien de plus, tu crois ? demande-t-il à son collègue.

La porte est enfoncée avec violence. Le pied se retire et j'entends les deux se faire éjecter de la cabine. À ma grande surprise, ce n'est ni Rafael, ni un allié qui se penche vers moi, mais un uniforme bleu. Lorsque ma vision se réajuste et que Miller apparaît, ce qui me reste d'estomac se liquéfie. Il me saisit par le bras pour me relever mais, à bout de souffle et le corps contusionné, je manque de m'effondrer dans la foulée dans l'encadrement de la porte.

— Debout !

En tirant sur mon bras fragilisé, il m'arrache un cri. La douleur est si vive que j'ai l'impression qu'il vient de me briser l'épaule. Il me projette de toutes ses forces contre l'évier et je m'écroule sur le carrelage à ses pieds, le dos fracassé. Ma tête tourne, ma vue se trouble à nouveau.

— Tout ça, c'est ta faute à c'qui paraît ? Réponds ou j'te colle un rapport !

Elie, où que tu sois, je te demande pardon...

La voix de Rafael retentit, d'autres avec elles. Du peu que j'aperçois, il bouscule Miller et lui hurle dessus. Les insultes et les menaces fusent des deux côtés, mais Miller finit par quitter la pièce après un glaçant « j'te jure que vous me le paierez cher ! ». Rafael et Ash se penchent au-dessus de moi. Lorsqu'ils m'aident à me relever, une barre me transperce du thorax à la colonne vertébrale et mon souffle se coupe. Une nausée, un vertige... Je me sens flotter, à deux doigts de l'évanouissement.

En voyant les sbires de Miller déposer un drap blanc sur Elie, la douleur physique devient dérisoire. Il n'existe aucun mot pour décrire le poids de mes remords. J'ai laissé mourir le seul véritable ami que j'ai jamais eu.


De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant