— Léo ?
Nous levons la tête et trouvons Simon au pied de nos lits.
— Elie ? Tu es encore plus pâle que ce matin... !
L'état de Simon me surprend moi-même. Son sourire fragile ainsi que les poches sous ses yeux bouffis révèlent de nombreuses nuits d'insomnie et de souffrance.
— T'inquiète pas, j'ai juste perdu l'appétit.
— Mytho.
— Rafael !
Simon me rend un rictus gêné.
— Pour un avocat, t'es du genre aveugle.
— Ne vous disputez pas à cause de moi, se désole Simon, je voulais juste... enfin... je voulais te donner ça.
Il tend à Léo un sac contenant de la nourriture, deux oreillers et trois couvertures, ainsi que quelques habits froissés, mais en bon état.
— Comme je sais que tu distribues pas mal de choses à ce qui ont besoin...
— D'où ça vient ? répond Léo en acceptant les affaires.
— Mes amis me les ont donnés.
— La brute et le nazi ?
— Oui, la brute et le nazi, plaisante-t-il avec une moue attendrie. Tu sais, ils ne sont pas si mauvais que tu le crois...
Ce genre de propos, face à d'autres détenus, lui auraient valu un aller simple pour l'hôpital.
— Comment va Emma ? demande Léo. Comment va le... comment vont-ils ?
Ils... ?
— Ça va. J'ai beaucoup de chance de les avoir...
Sa voix faiblit sur les derniers mots et son regard s'éteint, malgré un profond désir de paraître fort. En ce moment, il traverse une sale période. Affecté par ses souffrances, Léo lui offre quelques paroles encourageantes, puis Simon nous souhaite à tous les deux une bonne nuit et se dirige vers l'entrée après nous avoir adressé un petit signe de tête amical. Léo hésite un instant, mais finit par sauter hors du matelas.
— Elie !
— Oui ?
— Je... je suis désolé, je n'ai pas été très présent, dernièrement.
Simon revient vers lui et pose les mains sur ses épaules avec un doux sourire.
— Le principal, c'est que tu te sentes mieux, aujourd'hui. Tu ne mérites pas de te retrouver ici.
— Toi non plus.
— Ha, ha ! Moi, j'ai toute ma place en prison, et je ne regretterai jamais ce que j'ai fait.
Léo fronce un sourcil intrigué et Simon lui ébouriffe les cheveux à l'image d'un meilleur ami ou d'un grand frère. J'ai l'impression de me revoir avec ma sœur...
— Est-ce que tu me raconteras les raisons de ton incarcération, un jour ?
— Je te raconterai tout demain, c'est promis.
Les yeux de Simon scintillent alors qu'il le contemple de longues secondes.
— Tu viendras me rendre visite, lorsque tu sortiras ? Mon enfant aura cinq ans, je tiens à ce que tu le rencontres.
Mon regard s'agrandit. L'infirmière et lui attendent donc un bébé ! Pour quelqu'un qui n'a plus que quelques années à vivre, je ne saurais dire si c'est plus un signe de courage que de stupidité.
— Bien sûr que je viendrai vous voir !
Simon ricane. L'émotion est palpable dans sa voix.
— Je ne bougerai pas, répond Simon. Toi, ne m'oublie pas...
Léo lui renvoie un large sourire, puis Simon me salue et tourne les talons pour rejoindre le duo bruto-nazi qui l'attend pour se rendre à la salle de bain. Léo se rassoit, décomposé.
— Je suis un ami affreux.
— Je confirme.
Il me fusille du regard.
— Et toi, tu es le pire petit copain !
— C'est faux.
— Mmh... bon, OK, c'est faux, ronchonne-t-il en croisant les bras. Mais tu n'es pas censé me répondre ça.
Je l'attire vers moi, sous les couvertures, et m'enroule autour de son corps pour m'imprégner de sa chaleur. Mes paupières se ferment toutes seules.
— Sois plus présent pour lui, à partir de demain. Je serai complètement guéri.
— Une fois que tu seras parti, je passerai plus de temps avec lui.
— Léo, on ne traîne pas avec ses proches uniquement lorsqu'on n'a rien de mieux à faire. Si tu agis comme ça, tu le perdras.
— Profiter de mes derniers moments avec toi, ce n'est pas quelque chose d'important ?
Il siffle entre ses dents avec un air bougon.
— Arrête de bouder.
— Je ne boude pas !
Il attrape son oreiller et me frappe avec. Dans mon état de fatigue, quelques attaques suffisent à me clouer sur le dos. Il se positionne au-dessus de moi pour savourer sa victoire et me toise d'en haut. Le poussin qui se prenait pour un coq...
— Je te maîtrise comme je veux.
Malgré ma gorge douloureuse, j'éclate de rire.
— Je t'ai rarement vu rire comme ça ! s'offusque-t-il. Espèce de...
— Avoue qu'il y a de quoi, Maître...
— Tu m'énerves !
Sa moue grincheuse est adorable. J'imagine désormais à quoi ressemble un poussin énervé en plein plaidoyer, au tribunal. Je le fais rouler sur mon torse et écarte une mèche de son visage pour mieux l'admirer. Une aussi forte personnalité dans un corps si doux...
Si sa carrure avait été à l'image de son caractère, il aurait été un rival de qualité. Un puissant rival que j'aurais pris plaisir à dompter...
— Tout le monde à sa place ! hurle la gardienne Brown. Extinction des feux dans cinq minutes !
Une vague de détenus s'engouffre entre les matelas au sol pour rejoindre les lits. Une fois tous les hommes réinstallés, le brouhaha diminue vite en bavardages. Tout le monde est exténué par la dernière nuit.
— Sinon, tu comptes me parler de cette histoire dans ton carnet ?
— Bordel, tu lâches vraiment rien...
Un sourire taquin aux lèvres, il s'allonge confortablement entre mes jambes, le menton posé sur ses bras, croisés sur mon torse.
— J'espérais que tu m'expliques un peu mais, si tu n'y tiens pas, je n'insisterai pas.
— Petit privilégié...
Je fige mon regard au plafond et entame le bref résumé de l'histoire qui aurait pu être ma vie, si le destin en avait décidé autrement. Si elle avait été encore là.
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De roses et d'acier (MxM)
Romance🔞Léo Pasquier est un jeune avocat français téméraire et audacieux. Il est victime d'un complot qui le conduit à l'incarcération dans une prison new-yorkaise et se retrouve brisé par ceux qui règnent sur cet enfer. Un homme se démarque toutefois au...