Chapitre 32

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PDV Rafael


La semaine s'écoule dans un silence inhabituel, du côté de l'ennemi comme du nôtre. Je n'ai jamais été aussi calme et concentré. Ce que nous nous apprêtons à faire est notre coup le plus risqué et le plus ambitieux. Le dernier, aussi.

Assis sur notre table, comme d'habitude, le menton dans les mains et les coudes sur les genoux, je lève les yeux vers Sanchez, installé à l'autre bout de la salle avec son gang. Encore une fois, l'échange se passe de mots. Tout me paraît se dérouler au ralenti. Lewis avance au milieu de l'allée avec quelques-uns de ses hommes. Il intercepte mon regard et hoche la tête avec un air grave qui ne lui ressemble pas.

Nous sommes liés par le secret qui libèrera cette prison d'un poids. Si seulement nous réussissons. Car si nous échouons, nous finirons le reste de nos vies en QHS. Mais pour le moment, il est temps de passer un nouveau coup de fil avant de rencontrer quelqu'un au parloir.

Je me dirige vers le téléphone et m'empare du combiné, non sans amertume. Je prends une profonde inspiration.

— Allô ? Léo ?

— Non, ce n'est pas Léo. C'est... un ami proche. Maître Williams...

Je ferme les yeux.

— ... j'ai besoin de vous.

— Pardon ?

— Vous devez aller voir Léo à l'hôpital de Palmer Place et le faire quitter Northbury au plus vite. Il a fait un infarctus, il ne survivra pas s'il ne sort pas d'ici.

— Un... un infarctus ?

Steven laisse passer un long silence, puis lâche un soupir douloureux.

— Je n'ai pas été là pour lui, ces derniers temps. J'étais concentré sur ma femme, elle était dans le coma et... je l'ai perdue il y a quelques jours.

Mes lèvres se retroussent avec aigreur. Mais les ressentiments retombent lorsque mon propre deuil fait écho au sien. Les mots me coûtent. Mais j'ai décidé que je valais mieux que ça.

— Mes condoléances.

— Merci. Quoiqu'il arrive, j'aurais dû être là, il n'avait que moi.

— Je suis là aussi pour lui. Du moins... j'ai essayé, me désolé-je. A priori, j'ai échoué.

— Vous l'avez rencontré à Northbury ?

— Non. On a été transféré ensemble depuis Glenwood. On était déjà proches là-bas.

— Peut-être que je me trompe, mais, seriez-vous cet homme dont il m'avait parlé ? Celui qui l'avait aidé lors de ses agressions ?

Je mets un moment avant de répondre.

— Peut-être.

— Puis-je connaître votre nom ?

L'assassin de ton père.

— Je ne préfère pas.

— Bien, bien, pas de problème, pardonnez ma curiosité. Ecoutez, je vais reporter mes rendez-vous et foncer à Palmer Place.

— Sachez que j'ai pris contact avec deux responsables de groupes de soutien de Léo.

— Vraiment ? Comment ?

— La femme médecin de la prison connaît le médecin qui s'occupe de Léo, à Palmer Place, et il est un de ses supporters.

— Je vois.

— Les groupes de soutien relancent le buzz sur les réseaux depuis deux jours et il y a des gens qui manifestent actuellement devant la prison, dont des personnes qui se battent contre les discriminations faites aux LGBT, pour faire pression sur l'administration. Et à Northbury, on n'aime pas être mis en lumière, si vous voyez ce que je veux dire. L'un des actionnaires majoritaires de Northbury est un élu qui veut se présenter aux élections sénatoriales, il sera le premier en ligne de mire des médias. En bon démocrate, il sautera sur l'occasion pour s'offrir une bonne image. J'ai besoin que vous alliez à lui de vous-même pour nous assurer qu'il fera les bons choix. Et lui coller un autre petit coup de pression. Est-ce que vous pouvez faire ça ?

— Vous avez vraiment tout prévu de A à Z ! Je suis impressionné. Et je vous aiderai avec plaisir, c'est le moins que je puisse faire. Donnez-moi le nom de cet élu et laissez-moi les coordonnées de ces deux responsables, si vous voulez bien. Je les appuierai publiquement, cela aura plus de poids.

— Je vous ferai parvenir tout ça par l'intermédiaire d'un responsable. Utilisez votre nom, faites un scandale, mais faites tout ce qu'il faut. Il est temps que quelqu'un prenne soin de Léo.

— Je le ferai, vous avez ma parole.

— Et, Maître Williams...

Je me pince les lèvres.

— Lorsqu'il sera rentré à Glenwood, allez le voir au parloir dès que vous pouvez. Il n'aura que vous. Téléphonez-lui sur vos pauses déjeuner, déposez de la lecture à la bibliothèque pour qu'il y ait accès. Genre, des mangas, des comics, des trucs distrayants, pas vos trucs rasoirs du boulot. Il aidera déjà les détenus dans leurs dossiers, la journée. Et puis, la bouffe est dégeulasse en prison, assurez-vous qu'il ait toujours de quoi s'acheter de manger à la cantine. Il adore les Cheetos et les céréales. Il aime les grignoter sur son lit en lisant. Il pourrait engloutir trois kilos de ces chips à la con par semaine, sans prendre un gramme. C'est un véritable enfant.

Ma voix s'est réchauffée sans que je ne le réalise. Steven émet un rire léger.

— Effectivement, vous êtes très proches...

Je baisse les yeux et reprends après quelques instants.

— Maître Williams, s'il vous plaît, prenez soin de lui à ma place, à Glenwood.

— Je vous en fait le serment. Je m'en occuperai comme s'il était mon petit frère.

Je pousse un bref soupir soulagé.

— Je ne sais pas quand vous sortirez, mais je prierai le ciel pour que vous vous retrouviez dehors, Léo et vous. Qui sait, peut-être un jour prendrons-nous un café ensemble, tous les trois, sourit-il.

Un rictus froisse mes lèvres. Ça m'étonnerait.

— Je compte sur vous, Maître.

Je raccroche et me plaque contre la paroi qui me sépare des autres téléphones pour souffler un coup avant de passer mon autre appel. Mitchell s'approche alors qu'il surveille les détenus qui téléphonent et me fait un signe de tête.

— Martinez...

— Rien que cinq minutes, Mitchell.

Il secoue la tête et tourne les talons. Je pianote le numéro que je connais par cœur, mais que je ne compose jamais moi-même, et inspire un bon coup. Cette semaine aura bouleversé mes habitudes et ma manière de penser. Est-ce ce donc ça, mûrir ? Mettre sa fierté de côté et oublier les vieux ressentiments pour avancer ?

— Allô ?

J'ouvre la bouche, mais aucun son ne sort.

— ... Rafa ? Rafa, c'est toi ?

Je ferme les yeux et me mords la lèvre. Oui, ça doit être ça...

— Salut, maman.
  

Call le fils de l'avocat qui a défendu le meutrier de sa soeur pour lui demander de l'aide + call sa mère (avec leur background). LES PROGRES DE L'HOMME QUOI ! 💯 On est fiers de toi mon loup ✊🏻

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant