Chapitre 16

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Passage difficile à suivre

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PDV Léo

Face au nombre accru de demandes, Steven et moi avons conclu un accord : je lui transmets nos clients et il redistribue leurs dossiers à des collègues fiables, selon la peine et le profil de chacun. De cette manière, notre petite affaire grandit de jour en jour sans enfreindre les règles et nous y gagnons tous, à commencer par moi.

Certains détenus qui m'avaient insulté m'ont présenté leurs excuses afin d'avoir une chance d'être inscrits sur ma liste d'attente. Je ne suis pas dupe, ces regrets n'ont pour la plupart rien de sincère et je n'obtiendrai leur respect que si leur appel aboutit. Mais voir des homophobes s'écraser devant moi reste jouissif ; je saurai me contenter de cette petite satisfaction, pour le moment. Qui sait, peut-être changeront-ils d'avis lorsqu'ils remarqueront ma rigueur au travail ? 

Ces hommes doivent apprendre que les « soumis » – selon le code des taulards – ne sont pas des êtres fragiles et peuvent être aussi caractériels et influents que les « dominants ».

La dizaine de détenus que j'ai pour étudiants aujourd'hui sont tous des gens tolérants et sérieux ; dans la mesure où ils ne doivent pas devenir mes amis, cette relation prof-étudiant leur convient. J'examine le dossier qu'a commencé à rédiger le jeune homme d'hier soir. Owens, un Afro-Américain victime de violences policières à qui l'on a fait porter le chapeau pour un crime qu'il n'a pas commis, selon mes conclusions. Je compte bien insister auprès de Steven pour qu'il se charge lui-même de son dossier.

La porte s'ouvre soudain sur quelqu'un dont je me serais bien passé de voir.

— Pasquier, le cours est fini.

— Surveillant Miller... grommèle-je sur un ton sec.

Mon estomac se noue.

— Vous savez qu'il nous reste vingt minutes de cours ?

— Ben ça fera vingt-minutes en moins. Sortez tous !

Je le lorgne par-dessus les verres rectangulaires de mes lunettes. Cette espèce de...

Il s'avance vers moi, les mains dans les poches. Ce matin, je suis remonté. S'il pense pouvoir m'intimider, il se met le doigt dans l'œil. Toujours assis sur le bureau, je croise les jambes et les bras tout en soutenant son regard avec un air suffisant.

— On te croirait tout droit sorti d'un manga d'école, Pasquier. Le p'tit charmeur surdoué derrière lequel toutes les élèves en jupettes courent. Dommage que tu ne portes pas le même uniforme qu'elles...

— L'intello populaire auprès des filles, mais qui tombe amoureux du grand et beau ténébreux ? Il me semble que dans les hentai il n'y a pas de garçons comme moi, mais plutôt des vicieux comme vous. Êtes-vous sûr de ne pas regarder secrètement du yaoi ?

Il lâche un rire cynique. Je ne comprends toujours pas pourquoi il a tenu à raccourcir mon cours.

— Êtes-vous ici parce que je vous manque ou parce que vous cherchez à vous reconvertir, surveillant Miller ? Pour la seconde option, je suis désolé, vous êtes clairement sous-qualifié.

— Ha ! Si tous ces demeurés peuvent y arriver, n'importe qui le peut. Moi le premier.

— J'en doute fort. Il est évident que vous avez eu un retard d'apprentissage, sûrement dû au harcèlement que vous avez subi dans votre scolarité. Ou bien est-ce votre incapacité à être à la hauteur des espérances de vos parents qui ont conduit les autres à vous prendre pour cible ? Les deux explications sont plausibles.

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant