PDV Léo
Une dizaine de jours avant
Je ne me reconnais plus dans ma façon d'agir. Les cours de droit ont continué, mais je me sens de moins en moins légitime. Comment le pourrais-je ?
Céder face à l'insistance des autres pour boire le soir ou tirer sur un joint dans les douches afin de « relâcher la pression », dormir comme une loque en journée... Ma culpabilité les fait tous sourire – car dérisoire à leurs yeux – mais, pour moi, ce changement est tout ce qui me terrifiait lorsque je me regardais dans le miroir.
En un an, j'ai la sensation d'être devenu quelqu'un d'autre. Que reste-t-il du fier maître Pasquier, l'avocat qui a fait la une des médias pour avoir jeté en prison un grand chef de la police new-yorkaise ? Que reste-t-il de son implacable droiture morale ? Aujourd'hui, je me contente de dispenser ça et là quelques connaissances juridiques tel un vieux prof qui aurait trente ans d'enseignement derrière lui, loin de ses glorieux débuts. Ma verve insolente s'est estompée derrière les barreaux comme le soleil sous la grisaille.
— Olá, mon petit lion !
Luiz se laisse tomber sur mon lit, au bout de mes pieds. Je soupire. Lorsque cet homme a quelque chose en tête, ses oreilles disparaissent. En cinq mois, je ne compte plus le nombre de fois où je lui ai demandé de ne pas me nommer ainsi.
— Ramos...
— Aah, je sais, je sais. Mais y'a personne autour de nous.
— Je m'en fous.
— Si grognon, sourit-il.
Je me redresse sur les coudes et le toise.
— Tu ne veux pas aller voir ailleurs si j'y suis ?
— Tu sais que j'ai fait trente-huit ans ? Va falloir fêter ça.
— Sans moi.
— Ha, ha ! Allez, viens avec moi, je vais rejoindre Da Silva et Andres dehors. Cette tête de mule se met à la muscu, ça vaut le coup d'œil, non ? D'ailleurs, toi aussi, il faut entretenir tes nouveaux jolis muscles.
Je lui renvoie une moue blasée et m'assois sur le bord du lit. Cela fait déjà plusieurs semaines que j'ai cessé de me battre contre lui. Quoiqu'il arrive, il n'en fait toujours qu'à sa tête et revêt ensuite son air angélique. Il est bien le seul à croire en sa propre innocence.
— Ça va te faire du bien de prendre l'air.
Il me tapote la cuisse.
— Ne me touche pas !
Je gifle sa main avec une moue agacée et jette un œil autour de nous.
— Ne m'énerve pas ou ça va mal se passer, même devant les autres.
— Mais tu es encore plus mignon quand tu t'énerves...
Je serre les dents et contourne le lit dans la direction opposée à la sienne. Bien entendu, il me suit à la trace. Chaque jour qui passe, c'est la même rengaine. Pire qu'un moustique une nuit d'été. Existerait-il un répulsif pour une aussi grosse bête ? Je grommèle.
— Reste loin de moi.
— Pourquoi se cacher, mon petit lion ?
De chaque côté de l'allée, des détenus nous épient. Ma tension monte. Je m'arrête d'un seul coup et me retourne vers lui, exaspéré :
— Arrête ce petit jeu ! Et par pitié, cesse de me coller !
Je fais volte-face dans la foulée et presse le pas pour le distancer. Cette attitude devient de plus en plus pesante. Et embarrassante.
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De roses et d'acier (MxM)
Romance🔞Léo Pasquier est un jeune avocat français téméraire et audacieux. Il est victime d'un complot qui le conduit à l'incarcération dans une prison new-yorkaise et se retrouve brisé par ceux qui règnent sur cet enfer. Un homme se démarque toutefois au...