Chapitre 24.2

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— Dis, je voudrais te parler de quelque chose de sérieux. C'est au sujet de ta jalousie. J'aimerais que tu sois... plus calme.

Cette remarque me refroidit instantanément. Pourquoi ma jalousie le dérange-t-elle ?

— Si je te dis ça, c'est pour que tu ne t'attires pas de problème. Tu sors très bientôt et je ne veux pas que tu fasses de bêtise sur un coup de tête.

Je m'écarte et me réinstalle sur le dos, les yeux rivés au plafond. J'ai pris sur moi à un point qu'il ne s'imagine même pas, depuis que je l'ai rencontré. Je ne peux pas tout changer en si peu de temps. Et puis, changer quoi, exactement ? Mes réactions sont naturelles. Je sais comment fonctionnent les détenus et je connais l'esprit territorial de cette prison. Mais par-dessus tout, je connais Luiz.

— Ne te referme pas, s'il te plaît...

— Tu m'en demandes trop.

— Juste de ne pas t'emporter, c'est trop ?

Je me redresse pour m'assoir et il m'imite pour ne pas me lâcher des yeux.

— Je t'ai dit que j'avais réussi à me calmer avant que tu n'arrives.

— Tu es capable de t'apaiser à nouveau, si tu le veux réellement.

— Ha ! Vraiment ? Tu penses que c'est facile de doser cette rage qui bouillonne toujours en moi ? J'ai déjà essayé de lutter pour ne plus ressembler à mes parents, j'ai essayé seul, dans cet environnement. Vous, dehors, vous avez des psys pour travailler sur vos torts, des amis qui vous distraient sur commande quand il vous arrive une merde. Vous pouvez aller prendre l'air ou vous faire un restau quand ça vous chante. Tu en vois beaucoup des restaus et des psys toi, en taule ? Je dois faire comment pour gérer ma colère, hein ? Demander conseil à une gentille meilleure amie et aller faire du shopping ?

Je me retiens de hausser davantage le ton. Ce manque de compréhension me blesse tout autant qu'il m'exaspère.

Je me prends le front dans la main et glisse mes doigts crispés dans mes cheveux. Ne pas répondre à ses attentes de garçon distingué me fait me sentir inférieur, et merdique. Il sait que j'ai des problèmes de colère, il sait que je baigne dans la violence depuis mon plus jeune âge et que je serai bientôt livré à moi-même dans une société où le moindre de mes faits et gestes sera jugé. Il est à mille lieues de se douter de la pression que j'ai.

— On vient pas du même monde.

— Et alors ?

— Si tu as besoin d'un mec classe et posé, tu devras attendre ta sortie pour en trouver un.

— Quand est-ce que j'ai dit ça ? Pourquoi tu le prends comme ça ? Je pense juste qu'avec mon aide, tu pourrais arriver à... diminuer tes accès de colère ?

— Ton aide ? C'est depuis toi que je déraille complet, Léo ! Depuis toi et tout ce qu'il s'est passé que mes envies de meurtres sont revenues ! Et malgré tout, je n'ai buté personne ! T'as beau ne pas le voir, pour moi, c'est un putain de progrès. Et ça me fait mal que tu ne le voies pas. T'as retenu mes menaces contre Luiz, mais tu oublies que tous les hommes qui t'ont fait du mal respirent encore !

Il baisse la tête. Un long silence plane entre nous. Pourquoi ai-je cette impression que je ne serai jamais assez bien pour lui ? Ma gorge se noue à cette pensée. Il n'accepte pas l'idée de tuer pour se défendre, mais ma passivité nous aurait coûté la vie à tous les deux. Comment devrais-je agir ? Les gens de l'extérieur ne peuvent pas comprendre, à plus forte raison ceux comme Léo... Entre taulards, nous sommes les seuls à en être capables sans même prononcer un mot.

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant