Chapitre 25.1

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PDV Rafael

Les beuglements des surveillants me réveillent. La voix de Léo et les protestations d'autres hommes résonnent dans le dortoir. Il se rassoit contre moi en grommelant.

— Qu'est-ce qu'il y a ? marmonné-je, encore groggy.

— Ils voulaient nous renvoyer dans notre dortoir alors que les vitres ont été rafistolées à la va-vite ! Avec la tempête, aucun réparateur n'a pu venir, c'était prévisible. Cette bande de connards égoïstes... Ils me foutent sur les nerfs.

— Ils veulent pas de bastons pour pouvoir aller pioncer tranquilles.

Léo me tend un nouveau grog et des comprimés blancs. Je m'assois et ingère sagement le tout. Est-ce une troisième couverture qu'il a déposée sur moi ? Je ne reconnais pas sa couleur. Grâce aux lucarnes, je constate que la nuit est déjà tombée sur la prison.

— Tu as mangé ?

— Oui. J'ai aussi vu Elie. Il m'a dit que ça allait, mais il n'a vraiment pas l'air bien. Son état m'inquiète. Il nous cache des choses à Emma et à moi, c'est évident.

— Tu devrais t'occuper de lui au lieu de moi.

— Emma prend soin de lui.

— Pas assez, visiblement. Elle t'avait pas demandé de veiller sur lui ?

Il se frotte le visage en soupirant. Je me doute que travailler sur les dossiers, veiller sur son ami et sur moi lui prend beaucoup de temps, mais je ne veux pas qu'il me fasse passer avant les autres.

— Comment tu as eu tout ça ?

Je désigne du bout du menton le tas de couvertures à mes pieds ainsi que la nourriture lyophilisée, les gâteaux et les boîtes de médicaments qu'il a déposé sur son matelas.

— Mon compte a été réapprovisionné, j'ai demandé à Steven de me faire transférer des fonds. J'ai de quoi retaper toute la prison, plaisante-t-il.

Je le tire vers moi, sourcils froncés.

— Évite de dire ce genre de choses à voix haute...

Il se retourne et comprend son erreur lorsqu'il réalise que les regards de tous nos voisins sont braqués sur lui. Je grogne dans ma barbe, dépité par son étourderie. Il me rappelle ces bourgeois des beaux quartiers qui étalent leurs richesses sans se préoccuper de l'insécurité. Je pousse un long soupir anxieux.

— Tu vas me faire mourir d'inquiétude quand je serai dehors...

— Mais non, mais non, j'ai mes accords.

— Qu'est-ce que tu crois que les chefs de gangs feront une fois qu'ils sauront que t'es blindé, hein ?

— Eh bien... je leur dirai que je ne gère pas mes fonds moi-même. Au pire, je renégocierai les contrats ?

Je secoue la tête. Comment pourrais-je partir l'esprit tranquille ?

— Allez, mange quelque chose. Demain tu iras mieux, mais pour le moment tu es encore faible.

Il me tend un pot de nouilles instantanées et dépose sur mon dos une chaude veste fourrée. Les effluves d'épices éveillent mes papilles. Un long frisson me parcourt lorsque la chaleur du pot en carton se répand entre mes mains.

— Je reviens, dit-il en se levant pour aller distribuer les vivres aux malades.

— Tu te prends pour Sœur Theresa ?

Il ricane, amusé, et se dirige vers les autres, les bras chargés de médicaments, de couvertures et de nourriture. Je le suis du regard, entre deux cuillérées, alors qu'il slalome entre les matelas pour offrir du réconfort comme s'il avait été envoyé par la Croix Rouge. Tout ce qu'il voit, ce sont les victimes d'une société corrompue et qu'un garçon de bonne famille tel que lui doit aider car il en a les moyens financiers, sans remarquer la haine que ses actes engendrent.

Les vautours rôdent en petits groupes et l'épient depuis leurs lits, planifient sûrement comment le dépouiller jusqu'au dernier centime. Quelques œillades me sont jetées en coin. Les charognards savent déjà à quel moment ils pourront passer à l'attaque...

Mon estomac se noue. Dès que je franchirai les portes de Glenwood, Léo subira toute la violence dont je le protégeais. Car les détenus qu'il n'a pas réussi à contrôler ou relier à un gang s'en prendront tôt ou tard à lui. En somme, tous ceux qui ne me connaissent pas réellement. C'est la première fois en quinze ans que mon envie de liberté s'effiloche.

Je termine tout juste mon dîner lorsqu'il se rassoit à mes côtés, satisfait d'avoir écoulé ses stocks.

— Puisque les gardiens ne font pas leur job, c'est moi qui m'en charge. Personne ne mourra cette nuit.

Je pose mon pot vide et balaye le dortoir d'un œil affuté. Les vautours le lorgnent toujours. Et cette audace commence fortement à m'agacer... Je harponne les détenus d'un regard noir et ils se détournent l'un après l'autre. Avant de partir, j'irai faire leur connaissance...

Je pense qu'un petit tête-à-tête s'impose. Ils apprendront par eux-mêmes d'où je tiens mon nom et ma réputation. Et si les futurs arrivants posent problème, je m'occuperai de leur cas depuis l'extérieur. J'ai de nombreux contacts à ma disposition. Le loup a suffisamment grogné, le temps des menaces est écoulé.


De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant