Chapitre 22.1

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PDV Léo 

Le cœur lourd, mais toujours rigide en apparence, je pénètre dans le dortoir et me dirige vers mon lit. Après cette journée, le brouhaha est plus fatigant que les autres soirs.

À ma gauche, un groupe de latinos aboient sur des blancs tandis qu'à ma droite, un conflit entre deux détenus éclate sans que les gardiens ne s'en préoccupent ; au contraire même, les deux surveillants quittent leur poste avec une boîte de donuts. J'ai beau connaître cet endroit, l'indifférence de ces gens à notre égard et leur négligence au sujet de notre sécurité m'écœurera toujours autant. Si je pouvais m'endormir et ne plus réveiller avant cinq ans...

Quelques mètres plus loin, trois jeunes détenus suspendent le long d'une structure de lit une série de photos d'Owens et sa famille, celles qu'il gardait sous son matelas et embrassait chaque soir depuis un an. Ma gorge se serre et mes yeux me piquent. J'aurais aimé présenter mes condoléances et mes excuses à la mère et au frère d'Owens.

Comment feront-ils, à présent, sans revenus ? Si cette pauvre femme décède prématurément par ma faute... Je ne peux pas accepter ça. Dès demain, j'établirai un virement régulier de mon compte vers celui de leur foyer. Je m'occuperai d'eux et de leurs frais médicaux aussi longtemps qu'il le faudra.

L'un des garçons du trio me fusille du regard lorsque je passe près d'eux.

— Barre-toi, connard !

J'agrandis aussitôt la distance entre eux et moi, l'oreille basse. Ignorant le vacarme infernal, je me glisse dans mon lit et déroule mon rideau de linge afin de couper ma vision sur Tucker. Me réveiller après un cauchemar et ouvrir les yeux sur lui est la pire chose qui me soit déjà arrivée en pleine nuit.

Un garde daigne finalement interrompre les rixes. L'heure du couvre-feu a sonné. Le silence s'installe en quelques minutes et le noir s'abat sur le dortoir. La clarté de la lune inonde la salle à travers les larges lucarnes des murs dans un doux halo bleuté.

Malgré les deux couvertures dans lesquelles je suis emmitouflé, je grelotte. La vague de froid polaire annoncée par les infos a déjà commencé à congeler la prison. Je me force à garder les yeux fermés pour trouver le sommeil, mais entre le regard livide d'Owens, gravé sous mes paupières, et le sifflement sonore du vent, mon cerveau tourne à plein régime. La culpabilité me tord les boyaux, j'en ai mal au ventre.

Alors que je somnole, un terrible grondement me fait sursauter. Je chute dans le vide, sans pouvoir me raccrocher à rien. Mes hurlements sont muets, mes membres sont paralysés. Un poids sur mon corps, une ombre au-dessus de moi... Je me raidis et ouvre la bouche pour crier, mais une main se plaque sur mes lèvres.

— C'est moi.

Rafael... Je me relâche dans le lit.

— Tu m'as fait peur... murmuré-je d'une voix fébrile.

En remuant, je réalise qu'il s'est faufilé entre mes jambes, m'a écarté les cuisses et me caressait le ventre, sous le t-shirt.

— Tu ne veux plus de ça ? s'inquiète-t-il.

— Si, si... Je... je ne suis juste pas très en forme.

Il prend appui sur un coude pour ne pas m'écraser sous son poids et dépose un baiser sur mon front. Je pousse un long soupir contrarié.

— Ce putain de vent... peste Rafael.

Je ne peux qu'imaginer les températures extrêmes que nous allons subir. Pour une fois, je me réjouis de notre surnombre, la chaleur humaine devrait nous maintenir un tant soit peu au chaud. Je vois très bien Hamilton lové dans son lit douillet avec sa femme, dans une maison surchauffée... Nos conditions de vie ne peuvent qu'engendrer la rancœur.

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant