PDV Léo
Une lueur rougit sous mes paupières. Je fronce les sourcils, mes cils papillonnent. Je finis par rouvrir les yeux sur une pièce aux murs blancs. L'infirmerie. Alors, je ne suis pas mort...
Lorsque je tente de prendre une grande bouffée d'air, ma poitrine se comprime et je grimace. J'ai l'impression qu'une enclume appuie sur ma cage thoracique. Je tourne doucement la tête sur le côté et découvre Elie, assis sur une chaise, branché à sa perfusion. Son visage s'illumine dès qu'il me voit réveillé.
— Léo, comment tu te sens ?
Je regarde autour de moi dans un geste lent. Ma tête est si lourde...
— Comme quelqu'un qui sort d'un sommeil de mille ans...
Ma bouche est pâteuse et ma voix enrouée.
— C'est un peu ça. Ça fait plus de quinze jours que tu es là...
Je le fixe, halluciné. Quinze jours ? Cette information me reconnecte à la réalité en un éclair.
— Tu as été emmené à l'hôpital, l'équipe t'a gardé quelques jours avant qu'Emma ne prenne le relais ici.
À l'hôpital ? Pourquoi n'en ai-je aucun souvenir ? Je force sur ma mémoire, mais le peu d'images qui me revient est flou.
— Tu... tu nous as fait vraiment peur. Tu avais perdu tellement de sang et tu as mis tellement de temps à te réveiller...
J'ai donc frôlé la mort. Ce n'est que la quatrième fois. Je remue les membres, étonné de ne plus sentir aucune douleur. En revanche, les courbatures sont bien présentes. C'est quand je me redresse en position semi-allongée que mes plaies aux flancs et à l'abdomen me rappellent à l'ordre. Je reste en apnée quelques secondes. Évitons de faire sauter les points...
— Léo, tu as fait un arrêt cardiaque...
Je me statufie à ces mots.
— Pourquoi tu n'as jamais rien dit pour ton cœur ? Pourquoi tu... pourquoi tu ne m'as rien dit...
Parce que l'ignorance me donne l'impression de supprimer l'ombre qui court derrière moi.
— Je n'ai juste pas envie qu'on le sache.
— Mais tu...
— Elie, s'il te plaît, tout doit rester comme avant. OK ?
Il acquiesce avec un sourire chagrin. Je me prends le front dans la main dans un long soupir.
— Miller ?
— Hamilton a pété un câble, il l'a mis en « congés » prolongés et menacé. On l'a entendu gueuler depuis le couloir, mais on n'a pas compris la nature des menaces. A priori, il ne tient pas à ce que tu lui attires des ennuis par l'intermédiaire de tes collègues.
Je lâche un pouffement cynique.
— Il fait bien. Je ne compte pas m'arrêter là.
— C'est-à-dire ?
Je le dévisage avec un air sombre.
— Je veux dire que, peu importe le temps que ça prendra, Miller paiera pour ses actes. Et si personne ne veut s'occuper de lui, je m'occuperai moi-même de le coller devant le tribunal, une fois dehors. Un minable tel que lui, je le briserai comme une brindille.
Je fixe le mur devant moi, la haine frémissant au bord des lèvres.
— Il s'est attaqué à la mauvaise personne.
Elie ricane.
— Ravi de voir que tu n'as pas changé.
— J'ai changé. Beaucoup, même. Il le fallait. En sortant d'ici, je sais que je ne serai plus le même homme. Plus les mêmes valeurs, les mêmes priorités... tout sera différent, je le sais. Et tant mieux. J'atteindrai mes objectifs avec bien moins de scrupules qu'avant.
— Tu es quelqu'un de bien, ne perds ton identité en chemin...
— On a remplacé mon identité par une autre dès l'instant où je suis entré dans ces douches.
Je quitte l'infirmerie en compagnie de mon ami. Je n'ai pas besoin de me regarder dans un miroir pour savoir que mon expression est glaciale. J'ignore chaque détenu que je croise, je ne veux plus avoir le moindre échange avec ces gens.
À quelques mètres, dans le couloir, Rafael, Luiz, Andres et Ash. Dès que Rafael pose les yeux sur moi, je m'arrête net.
— Léo, me souffle Elie, il ne faut pas que tu...
Je me braque avant la fin de sa phrase. Au fond de moi, une porte s'est fermée. Finis les reproches, terminées les leçons de morale qui défendent indirectement les responsables et m'accusent de mes propres malheurs. À partir d'aujourd'hui, et puisque je ne peux pas compter sur quelqu'un d'autre, je n'écouterai que moi.
Je détourne le regard, placide, et reprends mon chemin tel un étranger, mais Rafael me barre la route. Je lis sur son visage un mélange de soulagement et d'inquiétude, mais également une joie révélatrice d'espoir. Ma froideur se charge de le faire déchanter. Nous nous fixons en silence. Je ne veux plus exposer mes sentiments, je ne dois plus. En prison, la vulnérabilité tue. Je ne confierai plus ma vie à qui que ce soit, même si pour ça, je dois étouffer mon cœur et le jeter loin derrière moi.
Je ne veux plus servir d'objet. Je ne veux plus être manipulé, utilisé comme un jouet. Je n'ai plus envie de croire en personne. Et pour mon propre bien, je ne veux plus croire en lui. Lui qui m'avait juré de me protéger, que tout irait bien, il s'est cru au-dessus des lois de Glenwood et c'est moi qui en ai payé le prix. Si un détenu de passage n'était pas intervenu, à cette heure, je serais mort.
Ma gorge se serre. Malgré la difficulté de ces mots, j'articule d'une voix acerbe :
— « Je ne les laisserai pas te détruire » « ne me fais pas de faux espoirs... » « je tiendrai mes promesses » ...
À ces paroles, le visage de Rafael se décompose, mon cœur avec lui.
— Léo... balbutie-t-il.
Mes lèvres commencent à trembler. Avant de montrer le premier signe de faiblesse, je le contourne pour m'éloigner. Cette fois, c'est Andres qui se met en travers de mon chemin.
— Tu ne peux pas réagir comme ça, c'est injuste envers Martinez et vraiment très con !
Mes yeux s'écarquillent. Suis-je en train de rêver ?
— Andres, ferme-la ! beugle Luiz.
Je m'approche d'Andres jusqu'à me retrouver à quelques centimètres de son nez, sans perdre un soupçon de contenance. Subir la cruauté de ce monde a le don de vous rendre invincible.
— Ne parle pas de ce que tu ne sais pas, Andres. Pas avant d'avoir été violé par plusieurs hommes, baisé par un objet, réduit à l'état de bout de viande et saigné comme un animal. Ne parle pas. D'ailleurs, ne m'adresse plus la parole.
Sa bouche s'entrouvre, je le bouscule et poursuis ma route. Rien ne saurait détruire ce qui l'est déjà.
On en apprend plus sur la santé de Léo... T-T.
Quelques brides de passé, aussi. Et vous verrez que ce n'est pas un passé très normal ^^'
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De roses et d'acier (MxM)
Storie d'amore🔞Léo Pasquier est un jeune avocat français téméraire et audacieux. Il est victime d'un complot qui le conduit à l'incarcération dans une prison new-yorkaise et se retrouve brisé par ceux qui règnent sur cet enfer. Un homme se démarque toutefois au...