De roses et d'acier (MxM)

Chapitre 21.1

PDV Léo

Je rêve d'un massage thaïlandais. D'une nuit dans un lit king size et d'un bain à remous. Je veux retrouver mon confort matériel, ma sécurité et ma paix d'esprit. Aujourd'hui, plus que jamais, ma vraie vie me manque.

J'ai besoin d'être choyé, dorloté, consolé, réchauffé dans un plaid duveteux sous une montagne de nourriture. De longs câlins dans un canapé douillet et de papouilles dans les cheveux. De mots doux susurrés au coin de l'oreille et des senteurs biscuitées d'une bougie.

Je me sens de plus en plus fragile. Peut-être la fatigue de cette survie quotidienne ? J'ai l'impression d'avoir pris dix ans en une seule année.

Je referme le dossier de Hawk, posé sur mes cuisses, et pose la tête contre le mur en soupirant. Mon regard se pose sur le lit face au mien. On m'a dit que j'allais bientôt avoir un autre colocataire. J'espère ne pas tomber sur un autre cinglé, ou un membre de gang. Les gens qui partagent la même cellule sont associés au même trafic ou groupe de personnes. Je n'ai pas besoin de ce genre d'embrouilles alors que mon image se construit.

Mes yeux se ferment. Ces derniers jours, d'autres détenus sont venus me voir pour me demander de l'aide. Ils étaient d'une grande reconnaissance et m'ont traité avec beaucoup de considération. C'est fou comme la vie change lorsqu'on est pris pour un hétéro. Si personne n'apprend mon orientation, je pourrais peut-être enfin être respecté, ici – à l'exception du gang de Rafael, bien entendu.

Je me frotte le visage et pose le dossier à côté de moi, sur le lit. Les affaires des autres détenus sont relativement faciles, mais en ce qui concerne Hawk, c'est un lourd profil : un dealer enfermé depuis trente ans pour double homicide. J'espère qu'il croit en Dieu, parce que je ne suis pas magicien. Et si je ne réponds pas à ses attentes ? Je ne peux pas le laisser balancer Rafael...

Mon ventre gargouille et se tord en même temps sous le stress. Je croûle sous les Cheetos et la nourriture apportés par mes clients, mais je n'arrive plus à manger. J'ai une charge immense sur les épaules. Mettre Rafael à l'abri, garder son secret, c'est tout ce qui m'obnubile et me ronge les entrailles. Sans compter cette enclume sur la poitrine qui me pèse depuis trois jours.

L'infirmerie refuse de me délivrer mon traitement car il est expérimental et que je n'ai pas eu de prescription depuis plus d'un an. Il faudrait qu'on me laisse aller faire des examens en hôpital pour prouver à nouveau ma maladie cardiaque. Ils attendent sans doute que je fasse un infarctus pour m'y envoyer. A ce rythme, on est bien partis pour. Vu le manque de matériel médical dans cette prison, ils ne seraient même pas fichus de me réanimer à temps. Le diabétique du secteur a déjà du mal à avoir ses doses d'insuline...

Je presse une main sur ma poitrine. S'il te plaît, ne me lâche pas maintenant, je veux vivre...

— Tout va bien ?

Je rouvre les yeux en sursaut sur Rafael et retire ma main.

— O-oui. Qu'est-ce que tu fais là ?

— Tu manges pas, t'es de plus en plus soucieux...

— Les affaires sont les affaires, j'ai l'habitude.

— Être habitué au mal-être, c'est ça la vie d'un avocat ?

Je n'ai pas l'énergie pour lui répondre. Je me sens mal, dans mon esprit comme dans mon corps, et je dois en plus lui cacher ma douleur à la poitrine. Rafael a une grande maturité, mais lorsque l'on touche à des sujets sensibles, il peut se montrer imprudent et faire les pires choix possibles.

S'il apprenait pour mon cœur, il serait capable de péter un câble dans le bureau du directeur et de m'attirer plus d'ennuis, en plus de focaliser l'attention sur nous. Je ne peux pas le laisser faire ça. De toute façon, j'en ai vu d'autre. Tant que mon prochain infarctus n'est pas le dernier... Cette pensée n'a pas l'effet de légèreté escompté. Et si toute la tension et les chocs que mon corps a encaissé depuis la prison avaient aggravé ma santé ? Et si la prochaine fois, je ne me relevais plus ? Si je partais plus jeune que ma mère ?