Chapitre 24.1

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Cette partie va ravir les fans de Rafael ! 💕 Il commence à y avoir pas mal de révélations... Bonne lecture !

 

PDV Rafael

Mes paupières closes tremblent et mes cils papillonnent. La fièvre me colle au corps, mais mes pieds et mes mains sont glacés. Cette sensation fait naître une désagréable nostalgie. Quinze ans en arrière. Ce maudit papier peint orange, fané par le temps, l'odeur de cigarette froide et les relents de rhum, imprégnés jusque dans mon oreiller...

Je tourne la tête pour fuir tant le passé que la clarté du dortoir. Les bruits de toux et les éclats de voix résonnent entre mes tempes. Je fronce les sourcils. Un peu de calme, ce serait trop demander ? Je rouvre les yeux sur les lucarnes dont les vitres sont blanchies par le givre, puis me frotte le visage et déglutis avec peine. Ma gorge est pâteuse et mes ganglions sont douloureux.

Cette fragilité m'exaspère. Je suis censé suivre mon petit ami à la trace pour veiller sur lui et au lieu de ça, je suis cloué au lit, faible et inutile. Je ne supporterais pas qu'il arrive un nouveau drame par ma faute...

Léo prend soin de moi comme une mère le ferait avec son fils. Du moins, c'est ce que j'imagine. La mienne était trop occupée à vendre du crack pour se tirer de chez nous et larguer mon père. Moi, je n'étais qu'une chose gloutonne qu'ils devaient entretenir et qui traînait dans leurs pattes, lors de leurs engueulades. 

Glaciale et implacable, ma mère n'avait pas froid aux yeux. Elle savait se défendre et rendre les coups à mon père. L'alcool s'est chargé par la suite de le transformer en loque. Au fond, le fait qu'elle nous quitte me paraissait logique. Les visages des autres mères n'étaient pas régulièrement tuméfiés. 

Pour lui épargner une nuit en taule après avoir recadré un peu trop violemment une mère railleuse au portail de l'école, j'ai fini par rentrer par mes propres moyens à partir de neuf ans. Je ne voulais pas me l'avouer, mais j'avais honte de la voir arriver avec sa clope au bec et un coquard à peine dissimulé par son kilo de maquillage. 

Elle me rappelait les prostituées qui visitaient mon père lorsque son petit copain Carlos, un dealer plein aux as d'origine mexicaine, venait la chercher dans une Mercedes couleur bronze. Les enfants pleurent, habituellement, quand leurs mères quittent le foyer familial. Ai-je souffert de son départ ? Je ne sais pas.

Je crois que ma vie était trop chaotique pour discerner le bien du mal et m'attarder sur mes douleurs personnelles.

Lorsque je retrouvais mon père inconscient, en train de décuver sur le tapis crasseux du salon, je regrettais souvent de ne pas avoir eu le droit de la suivre et profiter du confort que lui offrait son nouveau compagnon. Je n'aurais pas eu à craindre une gifle en demandant un dessert ou une seconde tartine, ni en les suppliant de partir en colo pour oublier notre condition. Elle aurait été une mère plus calme, peut-être même souriante, de temps à autre.

Je ne me rappelle pas avoir déjà vu ses lèvres se tordre autrement que pour hurler. « Tu crois que si j'avais eu le fric je l'aurais utilisé pour que tu puisses te tirer de là, Rafa ? Si je peux pas me barrer, toi non plus, coño¹ ! No me jodas² ! ». L'argent ne fait pas le bonheur, qu'ils disent. Le dicton des bourgeois qui ne connaissent pas la misère. Dans mon univers à moi, une villa et des chaussures Luis Vuitton auraient tout changé.

Mais non. J'ai fini ma jeunesse avec mon père et ses copains alcooliques, scotchés devant du porno ou des films violents. Je n'étais plus un fardeau, mais le p'tit gars qui débarrassait les bouteilles vides et nettoyait la table blanchie par les rails de coke avant de me coller à la vitre pour surveiller les descentes de flics, quand tout le monde somnolait. 

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant