Chapitre 23.2

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Nous entrons dans la cellule et je trouve Léo en train de lire un livre sur son lit, contre le mur. Dans la pièce, son odeur a été coupée par celle de l'autre connard. Mon corps se raidit et un tic nerveux fait tressaillir mon nez. En me voyant, Léo ouvre de grands yeux et repose le livre.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Tu ne dois plus venir !

— Je ne dois plus ?

Je lâche un rire moqueur, puis glisse une main crispée dans mes cheveux et prends une longue inspiration. Mateo m'attrape le bras et me lance un regard éloquent. Je ne dois pas y aller trop fort, oui, je sais. Mais actuellement, ma colère et ma tension atteignent des sommets. Je pars me planter devant son lit, l'air mauvais.

Il me contemple d'en bas tout en jetant des œillades vers l'entrée.

— Donne-moi les vraies raisons.

— Je te les ai données.

— T'as rien donné du tout à part une putain d'excuse foireuse sur un ex qui n'existe même pas !

Il reste muet. Sa crispation suffit à confirmer que j'ai raison. Pourquoi est-ce qu'il s'obstine comme ça ?

— Ecoute-moi bien, je partirai pas d'ici avant de savoir.

— Ce sont les surveillants qui te vireront, alors, parce que je ne te dirai rien.

Mon sang se met à bouillir, mes poings à trembler. Si j'écoutais ma folie...

— Tu as dit que tu accepterais de me laisser partir, se défend-il.

— Certainement pas comme ça, putain ! Jamais !

Ses yeux s'agrandissent. Une petite voix me dit que ce que je fais est mal, que je vais à l'encontre de mes promesses. Mais si je ne peux pas être avec lui, je n'ai aucune envie de me comporter en homme bien et civilisé. Je désirais une vie saine, après la prison, à ses côtés. L'amour était mon moteur et Léo était censé m'aider à décrocher ce rêve.

Si je ne l'ai plus auprès de moi, cette vie n'a plus lieu d'être. Je resterai cet homme bourru et associable, reclus dans sa maison dans les bois, loin de ce monde d'enfoirés.

Une flopée de phrases et de menaces défile dans ma tête. Elles seraient très efficaces pour l'obliger à parler.

Ses lèvres tremblent et la crainte luit dans ses yeux, malgré ses efforts pour me la dissimuler. L'angoisse doit lui retourner l'estomac. Il est effrayé. Par moi... Le voir dans cet état fait s'effondrer ma rage derrière la culpabilité.

Notre conversation dans le bureau me revient en mémoire. Ses traumatismes, son ex, sa peur de ma violence... Jamais je ne m'autoriserai à le martyriser, quelle que soit la raison. Je ne supporte pas de le voir apeuré devant moi.

Mes membres se relâchent et mon menton retombe.

— Je t'aime, Léo.

A en croire sa stupeur, il s'attendait à tout sauf à ça. Ses yeux se mettent à briller et il doit tourner la tête pour se cacher. Je vois bien qu'il se sent coupable.

— Tu ne m'aimes vraiment plus du tout ? en deux jours ?

Il se pince les lèvres, le regard toujours figé sur le matelas.

— Dis-moi que tu ne m'aimes plus, dans les yeux.

— Je t'en prie, à quoi ça servirait ?

— Fais-le, si c'est vrai.

Ses lèvres se froissent alors qu'il me dévisage avec toute la peine du monde. Il secoue lentement la tête.

— Ne m'oblige pas à le faire, je t'en supplie...

Je m'agenouille sur le lit, devant lui, et il replie les genoux pour ne pas me toucher, mais je compte bien lui rappeler l'alchimie qui nous lie et qu'il ne peut renier. Je pose ma main sur sa jambe.

— Dis-le moi.

— Non !

— Léo, dis-le moi !

— Non !

Un trémolo de larmes vibre dans sa voix. Il est incapable de le dire, car il m'aime toujours. Je n'ai pas besoin de plus.

Je glisse une main ferme dans sa nuque et l'embrasse à lui en couper le souffle. Mes lèvres s'écrasent contre les siennes et je m'insère entre elles de force pour retrouver le bout de sa langue chaude. Ce n'est qu'après de longues secondes à s'embrasser qu'il me repousse à deux mains. Nouvelle preuve, nouvelle raison de me battre.

Son regard est écarquillé, un millier d'émotions le traverse.

— Arrête !

— Jamais.

Je m'insère entre ses cuisses et fourre cette fois mes deux mains dans son cou pour capturer sa bouche et l'embrasser avec passion. Il me repousse vigoureusement, mais j'ai plus de forces que lui. Je lui attrape les poignets à une main, l'autre toujours dans sa nuque pour le maintenir face à moi.

— Je t'en prie, vas-t'en ! larmoie-t-il.

— Pas avant que tu m'aies dit la vérité.

— Mais c'est la vérité, je ne veux plus de toi ! Mes sentiments n'y changeront rien !

— J'y crois pas une seconde.

L'angoisse est palpable dans ses yeux embués. Il vérifie à nouveau l'entrée, anxieux.

— Pourquoi est-ce que tu es encore terrifié ?

— Je n'ai pas peur de toi, laisse-moi !

— Léo, tu m'aimes, je le sais.

— Et alors ? Les gens se séparent même lorsqu'ils s'aiment !

— Je ne te laisserai pas partir comme ça, bébé.

Il déglutit. Il semble paniqué. Il a pourtant vu que je ne lui ferai pas de mal, pourquoi est-il encore...

— Eh, qu'est-ce qu'il fout chez moi, Martinez ?

Je me braque vers la voix qui retentit à l'entrée. Jackson, cet enculé.

— Casse-toi, macaco¹, lance Mateo en se collant à lui, la tête haute.

— T'as dit quoi, fils de pute ?

— Mateo ! Tranquilo.

Mon meilleur ami recule sur mon ordre. Jackson le toise de toute sa hauteur et le bouscule pour rentrer. Lorsqu'il me voit entre les jambes de Léo, ses poignets liés entre mes mains, et qu'il voit son expression, il me dévisage d'un sale œil.

— Pasquier a pas l'air d'accord.

— Pasquier, c'est mon problème.

— Je crois pas, non. J'ai cru comprendre qu'il t'a jeté, qu'est-ce que tu fous ici ? Tu cherches à le violer ?

La haine fulgure à ces mots. Comment ose-t-il me dire ça, à moi ?! Je me lève et pars me planter devant lui, à quelques centimètres de son visage.

— Enfoiré de fils de pute ! C'est toi qui l'as poussé à faire ça ?!

— Non, c'est pas lui ! s'écrie Léo en se levant à son tour.

— J'en crois pas un mot.

Ma lèvre se retrousse. J'articule avec toute la haine du monde.

— Je vais plus te surveiller que ta mère lorsqu'elle t'a mis au monde.

Je m'écarte, crache à ses pieds et me dirige vers l'entrée. Je me retourne une dernière fois vers Léo, contemple sa mine déconfite, et repars en entraînant Mateo à ma suite. Cette histoire est loin d'être terminée.

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¹ : « macaque » insulte propre aux latinos envers les noirs.


De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant