Chapitre 34.2

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Je sens une chaleur étrange sur mon corps et des bras serpenter sur mon ventre. Cette sensation effrayante perce mon rêve. J'ouvre grand les yeux et réalise que la cellule est dans la pénombre des néons et que je suis couché sous une couverture.

Je tourne brusquement la tête et trouve Rafael à ma gauche, lové contre moi. Ces bras et ce torse nu étaient les siens... Je repose la tête et reprends mon souffle. Mon cœur a déjà eu le temps de s'emballer.

— Je t'ai fait peur ? marmonne-t-il.

— C'est bon, c'est rien.

Je glisse mes doigts entre les siens sur mon ventre et fourre le nez dans ses cheveux pour inspirer son odeur. Il m'embrasse dans le cou.

— C'est moi. Rien que moi.

— Ce ne sera jamais plus que toi.

Ses mains se faufilent sur mon corps, sous mon tee-shirt et mon pantalon, et m'arrachent quelques soupirs tandis qu'il continue à semer ses baisers brûlants. Puis, il remonte sur ma poitrine. Je le stoppe aussitôt, pris d'angoisse.

— Ça ne va pas ? Tu ne veux pas que je te touche ?

Je déglutis. Ma gorge se noue.

— Bébé, dis-moi ce qu'il y a. Tu peux tout me dire, maintenant.

— ... Qu'est-ce qui te plaît chez moi ? Je veux dire physiquement.

Il se redresse et s'installe entre mes cuisses avec précaution pour ne pas cogner ma jambe gauche.

— La couleur de tes yeux et de tes cheveux, foncés le soir, mais clairs sous le soleil, tes mèches qui caressent tes cils comme des vagues, tes lèvres pulpeuses quand j'y presse mon pouce, ton ventre tout doux, tes tétons roses veloutés et tes fesses rebondies, la peau soyeuse de tes cuisses...

Je place mes bras en croix sur ma poitrine et tourne la tête.

— Je suis désolé.

— De quoi ?

Les mots n'arrivent pas à sortir. Moi-même, je n'arrive plus à me regarder dans un miroir. Avant, j'étais à la limite du narcissisme, concernant mon apparence mais, à présent, j'en suis arrivé à haïr mon corps. Les larmes montent malgré moi.

— Putain, je suis pas censé pleurer, pas ce soir !

— Parle-moi, s'il te plaît.

— Quel abruti inutile je fais.

— Eh, je t'interdis de t'insulter !

Il me prend les bras pour les décroiser. Je n'arrive pas à résister bien longtemps, vu ma faiblesse.

— Je... je ne peux plus me déshabiller devant toi, Rafael. Je ne peux plus, murmuré-je, au bord du craquage.

Ses sourcils se froncent, son inquiétude grandit.

— Léo, bébé, explique-moi pourquoi.

Les mots sont les plus difficiles. Il me dira que ce n'est rien, mais son désir pour moi ne sera plus le même, je le sais d'avance. J'inspire un grand coup et retrousse à contrecœur mon t-shirt jusqu'au cou. Ses yeux s'écarquillent et se fige entre mes pectoraux.

— Qu... qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?

— Une opération à cœur ouvert. Ils m'ont implanté un défibrilateur cardiaque.

Il détaille avec un regard choqué la balafre de dix centimètres sur mon sternum, encore boursoufflée.

— Quand je me suis vu le lendemain...

Je secoue la tête en grimaçant, confronté à cet horrible souvenir.

— Je ne savais pas qu'ils allaient m'opérer, j'étais inconscient, à mon arrivée. Je n'étais pas prêt, et... je ne peux toujours pas la regarder depuis que je me suis vu dans le miroir. Comment pourrais-tu aimer ça, toi ? Je ne suis plus le même beau garçon qu'il y a un an, Rafael. Mon corps a été ravagé alors que j'ai juste vingt-sept ans. Mes côtes et mon ventre ont été perforés par une lame, ma cuisse a été brûlée et entaillée en plusieurs endroits jusqu'à l'aine, ma poitrine a été abimée et ouverte sur plus de dix centimètres pour sauver un cœur malade...

Je déroule mon vêtement.

— Qui aurait encore du désir pour ce corps mutilé, ne me mens pas.

Il saisit mon poignet pour me stopper dans mon mouvement.

— Puisque mes mots seront inutiles, laissons mon désir parler.

Il retire complètement mon t-shirt, puis fait de même avec mon pantalon et mon caleçon. Je serre les dents, le regard figé au plafond. Je le sens ôter ses propres vêtements pour se mettre nu devant moi. Ses mains épousent mes cuisses et remontent le long de mes flancs, en prenant le temps de redessiner du bout des doigts chaque cicatrice qui marque un relief sur ma peau. Je frissonne sous son toucher. Mon cœur s'apaise au rythme de ses caresses chaudes et rassurantes.

— Ce que j'aime chez toi : c'est toi, Léo Pasquier. Tout entier et sans artifices. Et j'aime infiniment plus le Léo que j'ai en face de moi, aujourd'hui, que le garçon tout frais et intact d'il y a un an. Que faut-il d'autre à un humain brisé qu'un autre humain brisé ?

Je froisse un sourire chagrin.

— Regarde.

Je suis du regard les stigmates qu'il me désigne sur son corps. Des balafres aux bras, une entaille à la clavicule, une autre sur un trapèze, des brûlures de cigarette sur l'épaule et le torse, des perforations à l'abdomen, des cicatrices sur les cuisses...

— Au début, on ne voit que ça. Et pis, ensuite, elles font partie de nous. Parce qu'elles racontent une part de notre vie, comme eux.

Il brandit notre tatouage. Peut-être a-t-il raison ? Mon cœur se réchauffe.

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant