Chapitre 4.2

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PDV Léo

La belle infirmière qui m'accueille n'est autre que celle qui s'occupe d'Elie. Branché à une perf mon ami se redresse sur son fauteuil, surpris de me voir ici.

— Léo ? Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

— Rien.

Je jette une œillade basse à Emma et elle acquiesce en comprenant que je souhaite être au calme. En temps normal, je me serais intéressé à l'état d'Elie, mais en ce moment, c'est tout juste si je saurais prononcer mon nom.

— Allons par là.

Une cloison scinde la pièce en deux. Je la suis de ce côté de l'infirmerie jusqu'aux lits brancards, séparés les uns des autres par des rideaux amovibles. Elle m'invite à m'assoir sur l'un d'entre eux. J'ôte mon t-shirt avant même qu'elle ne me questionne. Je ne suis pas en mesure de communiquer avec un autre être humain, en cet instant. Au regard qu'elle pose sur moi et à son silence, j'en déduis qu'elle comprend et respecte mon choix. En silence, je l'en remercie. 

Le degré de mes douleurs varie en fonction des zones qu'elle palpe. Je grimace sous ses paumes.

— Rien de cassé, conclut-elle en appliquant sur mes côtes un gel frais. En revanche...

Elle me fixe de longues secondes, comme si elle sondait mon âme et entendait mes pensées. Peut-être même les maux de mon passé. Elle dépose le tube sur un plateau métallique et se tourne vers moi.

— L'esprit est plus atteint que le corps.

Son air compatissant évoque mille sentiments. Le message se passe de mots. Elle me sourit et hoche la tête pour me signifier qu'elle m'accorde un temps de repos, à l'écart des autres.

Je me rallonge et ferme les yeux. L'écho de nos cris, les bruits sourds de mon corps contre le mur, de ses poings dans mes joues... 

« Si tu parles, je te tue. »

Je les rouvre sur le plafond blanc avant de m'enfoncer trop loin. Dans les douches, j'avais envie de pleurer. En ce moment, je me sens juste vide.

Pourtant, mon esprit déborde, vomit la douleur que tout mon être a contenue pendant des années, car j'étais trop fort et fier pour être affecté. Parce que si la façade tombait, je ne me serais plus jamais relevé. En public comme en privé, je ne m'autorisais aucune faiblesse. Du matin au soir, j'étais un lion. Le déni est un poison plus facile à ingérer qu'une réalité cinglante et destructrice.

Les bribes de leur conversation parviennent à mes oreilles. Je les capte et m'y attarde malgré moi pour échapper à mes pensées.

« Je ne te laisserai pas aller là-bas... moi qui suis compétente. »

« Je ne veux pas te faire courir de risques alors que tu portes... »

« ... mais si tu n'es plus là, on deviendra quoi ? Je t'en prie... ! »

Un murmure, quelques souffles étouffés, des frottements de vêtements puis des baisers légers. Je devine qu'Emma s'est lovée entre les bras d'Elie et qu'ils partagent un moment d'amour.

« Je t'aime »

Une chaleur douce-amère me noue la gorge. Ce genre de relation est tout ce que je rêvais de vivre. De la sécurité et de la tendresse, quelqu'un qui m'aimerait pour qui je suis, avec mes qualités et mes failles, sans me tourner en dérision, qui me soutiendrait et sècherait mes larmes. Un homme que je ne craindrais pas d'offusquer par mon honnêteté et que je ne redouterais jamais.

Je prends une profonde inspiration et expire de longues secondes.

— Léo ? Ça va mieux ?

— Oui, Elie.

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant