Chapitre 9

2.4K 216 115
                                    

PDV Rafael

Andres nous noie sous un flot de paroles alors que nous arpentons les couloirs pour nous rendre dehors. Je me demande s'il lui arrive d'être fatigué, par moments. En chemin, j'aperçois Léo, posté dans un coin, près d'un gang hispanique connu pour son importation de coke dans la prison. J'ai peur de comprendre... Dès que le groupe se disperse, il jette un œil autour de lui et repars l'air de rien. J'hallucine. Voilà donc pourquoi Miller l'a défendu, à midi. Il l'a transformé en informateur...

Je me pince l'arête du nez. Comment Miller peut-il imaginer qu'un nouveau soit en mesure de travailler pour lui ? Même les hommes les plus craints n'interfèrent pas dans leur trafic ! Cherche-t-il à le faire tuer le plus vite possible ? Deux types du gang se retournent pour désigner Léo. Mission accomplie, ils le soupçonnent déjà. Je secoue la tête, dépité. Lui en vouloir serait idiot, il suit juste les conseils qu'on lui donne : trouver un moyen de se protéger. Et quoi de mieux, en apparence, qu'un surveillant ? Miller me sortait déjà par les yeux avec ses pulsions d'autorité, mais maintenant qu'il fait prendre d'aussi gros risques à Léo... Une fois qu'il aura obtenu son augmentation, la vie de l'informateur lui sera bien égale.

— Je vous rejoins.

Sans attendre de réponse de la part de mes amis, je trace un crochet pour passer près de Léo et le bouscule. Perdu dans ses pensées, il relève la tête et s'excuse par automatisme avant de réaliser qui est face à lui. Je lui lance sur un ton acerbe :

— Tu peux pas faire attention ?

J'appuie sur lui un regard insistant, me détourne, puis lui jette une œillade base pour l'inciter à me suivre discrètement – invitation qu'il comprend aussitôt. À défaut de savoir survivre, il est vif d'esprit. Je file dans un petit couloir et me glisse dans un minuscule débarras dédié à l'entretien, dont je laisse la porte entrouverte. Dès l'instant où j'entends ses pas, je sors une main pour le saisir par le bras et le tire vers moi avant de nous enfermer dans le réduit. Il atterrit contre moi, coincé entre deux sceaux et les étagères, et prend appui contre mon torse. Même dans la pénombre, je devine son air ahuri et ses joues rosies.

— P-pourquoi tu...

— Tu ne peux pas faire ça.

— Pardon ?

— Être l'informateur de Miller. Tu vas te faire planter avant même que Davis ne s'occupe de toi.

À l'évocation de ce nom – et d'une potentielle nouvelle agression –, il se décolle de moi et tourne la tête. Je lève les yeux au plafond et soupire. La délicatesse et les sentiments humains n'ont jamais été mon fort.

— Tu m'as dit de me débrouiller pour être protégé.

— Oui, mais pas comme ça. Deux gars de Suarez t'ont déjà dans le viseur.

— Si je ne peux pas être informateur, qu'est-ce que je dois faire ? Je fais de mon mieux, mais rien ne va jamais !

— Moins fort... !

Il grommèle.

— Vous me dites tous de ne pas me laisser m'écraser, ensuite que je dois me taire... dois-je te rappeler que je suis ici depuis à peine deux semaines ? Tout ce qui est acquis pour toi ou pour Elie est une découverte pour moi.

— Je sais.

Le tourment s'inscrit sur ses traits.

— Certaines nuits, je me réveille encore en pleurant quand je me souviens d'où je suis... murmure-t-il. J'ai envie de hurler, de me terrer dans un coin sans un malade capable de me trancher la gorge en plein sommeil, de pouvoir exprimer mes émotions comme un être humain. Mais je ne peux rien faire de tout ça ou je me ferai tabasser.

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant