Chapitre 4.3

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PDV Léo


Je m'assieds dans un angle d'escaliers, le regard figé dans le vide. Pour la première fois depuis que je suis ici, je ressens l'envie de me supprimer. Supprimer, un mot qui me va à la perfection. Le suicide est pour les gens désespérés, la suppression, elle, corrige une erreur. Car c'est ce que je suis, une erreur. Un enfant trop délicat, un fils décevant, différent. Honteux. Je me suis battu depuis toujours pour faire la fierté de mes parents. Aujourd'hui, ma mère dépérit par ma faute et mon père me haïra pour le restant de sa vie. J'ai causé du tort à ma famille, un tort indescriptible.

Je me décroche des marches et me dirige vers la salle commune. Je dois aller dehors. M'oublier, m'effacer. Disparaître.

Je pousse la porte extérieure et m'arrête sous l'auvent. La pluie frappe la tôle au-dessus de ma tête et dégouline en filets d'eau depuis les toits. D'un pas machinal, j'avance jusqu'au centre de la cour et lève le nez vers les nuages. Mes paupières se ferment et mes sens s'éveillent. Les gouttes dansent sur ma peau et ruissèlent sur mon visage. Le bruit blanc de l'averse m'apaise.

La douleur et le temps se mettent en pause, anesthésiés quelques instants par la nature. Mes cheveux s'écrasent rapidement sur mon front et mes vêtements imbibés me collent au corps. Serait-il possible de m'évaporer ? J'aimerais partir sans un mot. Sans violence ni souffrance, pour moi comme pour le reste du monde. Disparaître serait un soulagement. Après la vie, le néant. Et les erreurs appartiennent au néant.

« Pasquier. »

Je rouvre les yeux. Rafael.

— Qu'est-ce que tu fous là ?

Mes lèvres restent closes, je ne réagis pas.

— Qu'est-ce que tu fous là ? reprend-il plus fermement.

— Va-t'en.

Il pose sur moi un regard stupéfait. L'offenser m'est égal, désormais. Tout comme cette maudite prison et ses habitants. Il se rapproche, agacé.

— Bordel, c'est quoi ton problème ? T'es un...

— Une erreur.

Mes yeux roulent vers le bas. Mon cœur se comprime, mais je le remarque à peine ; ai-je mal au point de ne plus le sentir battre ? L'idée me vient de repousser Rafael, mais je n'en ai pas le courage. Je veux juste rester seul dans ce froid. Attendre que le temps s'écoule, que quelque chose m'emporte et m'empêche de revenir.

Je me laisse glisser sur le bitume et finis à genoux devant lui, à bout de forces. Mon esprit est vide. Je suis vide.

Il s'accroupit face à moi et s'apprête à parler quand je le devance.

— Je sais ce que je suis. Si tu es là pour m'enfoncer, vas-y. Ça me donnera peut-être la force de me...

Je laisse planer un long silence. Nul besoin de mots, il a très bien compris.

— Tu vas tomber malade et te faire engueuler. C'est ce que tu veux ?

— On peut aller à l'infirmerie quand on est malade ?

Du coin de l'œil, je le vois froncer les sourcils.

— Quand t'es en sale état comme tout à l'heure, ouais. Quoi, c'est ça ton but ? Te reposer à l'infirmerie ?

— Me reposer...

J'émets un rire léger. Mon regard se hisse dans le sien. Le bleu orageux de ses iris me magnétise, si profond que, de loin, il paraît aussi sombre que ses cheveux. La pluie dégouline entre les poils drus de sa barbe de trois jours, redessinant les traits de sa mâchoire anguleuse. La beauté de cet homme n'a d'égal que ma fascination pour lui. Pourtant, tout ce qui me vient en tête est de le rejeter.

De roses et d'acier (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant