Kaddish.

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"A mi-chemin entre la vie et la mort...

Et dans leurs yeux mi-clos,le soleil,le soleil,brille encore...."

Gold,Un peu plus près des étoiles.

J'étais donc seule.Je me suis donc retrouvée seule,ici,à 14 ans.J'étais encombrée par l'angoisse,par le sac qui contient ce journal que j'ai réussi à sauver,par la tristesse,par une solitude terrifiante et rassurante à la fois,par la peur primaire aussi.Parée comme une princesse comme je l'étais,je devais étonner tout le monde ici.J'ai fixé mes mains gantées,me suis adressée à moi même et me suis obligée à continuer.Je devais aider cette famille si nombreuse à trouver la sortie.Leurs agissements présents m'étaient totalement inconnus et cela contribuait encore plus à  ces larmes attenant ma dignité.Je pleure très facilement,vous savez.Mes petits pas sont très ralentis par une force contraire à l'adrénaline.Je regardais autour de moi pour voir si il y avait des gens,ne serait-ce qu'une personne.

Je me demandais aussi s'il y aurait des enfants qui ne survivraient pas.Genre des gosses perdus laissés sans surveillance.Parce que la vie c'est une pute,donc par conséquent la mort l'est aussi.Je sentais l'eau glacée se rapprochait,je sentais encore la glace,il ne fallait pas rester là.La Glace,le froid,m'avait toujours inspiré de l'admiration,de la peur et du respect.Et bien évidemment,comment ne pas croire au destin après ça.

-Tristan!!!

-Ania??!!

C'est alors que mes cheveux,éclatants de noirceur,ont volé dans l'air comprimé des coursives,car je courais vers l'origine de ce bruit,comme si j'avais été emprisonnée pendant des dizaines d'années et que je retrouvais soudain la liberté.Mes robes se déchiraient alors que mes chaussures piétinaient dessus,je me sentais presque m'envoler.Il se détacha alors du groupe compact de sa famille,pour me rejoindre,j'avais les lèvres qui se détachaient sous l'émotion,j'étais déchaînée par l'amour présent et l'angoisse passé.J'avais retrouvé Tristan,j'avais retrouvé les Sage.C'est alors que je vis Alizzia.Et que j'entendis le bruit du petit peuple comme on dit,un bruit terrifiant.

-Ils nous enferment,les cons,ils ont osé,carrément!

Plus tard,Alizzia me dira que c'était tout spécialement troublant pour elle.Et pour cause.Un court instant en Troisième Classe la ramenait à sa condition de pauvres immigrantes,enfermée au péril de sa vie pour être séparée des riches.C'est alors que je conseilla à Alizzia,l'une de mes meilleures amies qui attendait depuis longtemps,de prendre la fuite vers le petit escalier qui montait à la cuisine.J'espérais qu'il ne serait pas grillagé.J'espère que d'autres passagers de Troisième classe,la mauvaise herbe,la rascaille irlandaise,les êtres inférieurs,trouveront un chemin.Il y avait tant de gens dont je ne pourrais changer le destin.Des gens qui allaient se briser sur la surface de béton de l'océan,qui aillaient se noyer en compagnie de leurs enfants.Je vois ces mères courageuses,ces femmes étrangères à qui on avait vanté,comme à moi,comme à la famille Sage,les vertus de l'Amérique,consoler leurs enfants avec lucidité.Faîtes que la famille Sage ne connaisse pas le même destin...

-Famille Sage,Unissez-vous,ne prenez surtout pas chacun des chemins différents...

-C'est ce que nous pensions faire,expliqua l'aînée de sa famille.A 21 ans elle habitait toujours avec ses parents.D'autant que je ne sais toujours pas où est papa...

Je ne lui ai pas dit que de toute façon il allait mourir.

-Tristant,je ne vous abandonnerai pas,lui ai-je dit en tremblant face à l'intensité et l'importance de ce que j'étais en train de faire.C'est toi qui m'a faite me sentir belle...Tu m'as faite me revigorer avec l'énergie de tous les étés du monde...

Ania.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant