Pour toi Tristan.

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-Tu te souviens des statistiques, après le naufrage du Titanic? ai-je alors demandé à Martin.

-Oui je me suis renseignée j'ai quand même fait mon stage dessus pour que j'ai une excuse de voyager en première. On sait bien qui est mort en masse. Mais va pas raconter ça aux révolutionnaires tu vas les exciter.

-T'as pas recommencé à y penser depuis qu'il y a toutes ces manifestations? J'y pense sans arrêt moi et le plus bel hommage que je pourrais faire à Tristan ce serait de les rejoindre . Je suis sûre que ça permettrait d'aider les juifs d'ici.

-Alors ça j'en suis pas si sûr. Mais concernant le Titanic j'ai fait un rêve cette nuit. Mais ça ressemblait plutôt à un souvenir. J'avais froid alors qu'il faisait une chaleur épouvantable.

-Normal je te rafraîchissais.

-C'est donc à cause de froid que j'ai revu les morts.

Je t'ai revu te coiffer dans la chambre des parias où vous logiez tes amis et toi et je passais déjà vous voir.

Je n'eus pas la force de m'en offusquer. J'étais attendrie.

-Pas mal pas mal.

Silence.

-Il faudrait qu'on te trouve un médecin Anya. Pour qu'on sache si c'est un garçon ou une fille et si il ne se développe pas n'importe comment dans ton ventre pendant qu'on parle.

Il me sourit. Et me prend par la main pour que j'aille voir un des membres des équipes de médecine qui soignaient les victimes de la manifestation d'hier, dans des tentes. On prenait un risque à s'y rendre alors qu'il ne se manifestait rien d'anormal dans mon corps. C'était un étalon blond aux yeux bleus et son sourire était absolument magnifique. C'est lui qui allait palper mon ventre au milieu de gens qui avaient de vraies blessures.

-Vous feriez plus attention la prochaine fois, a-t-il fait en me tapotant de ventre.

-Y a rien de grave.

-Nan rien du tout. Après tu sais on a vu tellement pire ici.

Alors tout cessa, tout se cassa, chaque élément du décor sembla se décomposer autour de moi. Le monde vu par mon enfant? Non ce serait juste des sons troublé par le liquide amniotique. J'entendais des voix autour de moi. Je me revoyais au collège et j'imaginais mes camarades de classe de l'époque dans un contexte géopolitique totalement différent du mien. Je voyais ma mère et je réalisais à quel point elle m'avait fait souffrir, elle.

Je voyais ma mère me reprocher de me rendre malade , elle le voyait bien mais me reprochait, alors que je ne pouvais pas faire autrement. Elle me disait que je devais me rendre compte qu'il y aurait pire dans la vie. Avec la voix douce de celle qui croit bien faire et blesse par inadvertance.

Tu ne peux pas m'interdire de souffrir alors que ces filles m'ont enlevé mon adolescence, prononçai-je à voix haute. Je me suis vengée. Les problèmes que j'ai valent le coup. Toutes les aventures que j'ai vécu m'ont enlevé une belle-famille, des soeurs et des parents.

Je me suis jetée sur mes pieds. Et je trébuche sur un petit sac à dos.

-Qu'est-ce que c'est?

-C'est pour vous. Vous êtes étrangères et sans ressource ici de ce que j'ai compris.

Tout a disparu. Je suis restée avec un sac contenant des bouteilles de vodka, de la nourriture à base de pâte à pain et nos papiers d'identité. C'était une illusion. Jamais l'état russe ne me reconnaîtrait. Tout s'était décomposé. J'avais manipulé une illusion de réalité.

-Martin? Tu es là?

Je regarde autour de moi. Tout va se décomposer autour de moi ainsi que cette nourriture dans mon sac.

-C'est le bébé lui même qui a fait ça! Martin je suis enceinte d'un être surpuissant!

Il allait se les créer lui même ses purées de pommes de terres et de petits pois et il allait nourrir toute la population des ponts de Paris.

-T'aimerais bien ça non une purée de pommes de terres et de petits pois a fait Martin en haletant.

-J'en rêve. Et des cheesecakes aussi. Rhà là là les cheesecakes de ta maman.

C'est complètement contre-productif ce qu'on fait là en fait. J'allais lui rappeler qu'il était tout ce que j'aime en lui mettant une main sur mon ventre mais on arrivait à peu près au même niveau de productivité ici. Je ne trouvais pas la source de l'illusion, qu'était-ce si ce n'était pas mon bébé? Mon père m'a répété que j'étais moins puissante que Waysa. Je bégayai, j'avais très peur, et je refusais qu'encore une fois mon homme aille me consoler.

-C'est qui...qui a fait ça?

Martin me rassura alors:

-C'est moi.

-Non, tu mens.

-Est-ce que tu as une preuve du contraire? Dans ce cas tu es obligé de me croire.

Mais ce n'était pas lui. Il allait bien falloir admettre que j'allais devoir contrôler ce besoin maladif de savoir tout tout de suite. J'ai attendu d'avoir 14 ans pour savoir que j'avais des pouvoirs magiques et que je pouvais gérer ma vie de tous les jours avec. Mes parents ont donné de leurs organes pour que je naisse mais ne m'ont pas confectionnée. Je n'ai pas répondu. Martin m'a alors conseillée avec une voix maussade d'écrire un courrier.

Il est donc allé à la poste chercher de quoi rédiger une lettre à sa mère. La dernière qu'il lui ai écrite consistait à lui expliquer à quel point cette école était superbe, et que leurs cours l'étaient tout autant. Maintenant il allait falloir lui raconter la vérité.

C'était la vérité pour lui. Ses potes étaient supers mais il était très difficile pour eux de nous apporter de l'aide. On en a croisé un dans la rue avant la poste et il regrettait notre situation. Nos costumes de scène étaient sobres mais vraiment magnifiques et c'était un bonheur de danser avec ça. J'espère que ça sera la même chose à Paris. Parce qu'en Russie cette période est terminée et sa mère devait en être averti. Il fallait dire que rejoindre un shtetl constamment attaqué au fin fond de la Russie ne serait pas si compliqué.

Ania.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant