Ania.

6 avril 1912.

Nous savons désormais que c'est une cabine du quatrième niveau qui nous est attribué.J'adore grapiller comme ça des petites précisions.Avec mes amies,nous ne cessions de nous interroger sur nos bagages,demandant les unes aux autres si on avait fini de les faire ou pas.Moi,elles sont déjà bien prêtes sur le carrelage du hall d'entrée.

Ce jour-là,ma mère a pleuré.De ne pas m'avoir chez elle pendant trois longues semaines.Je l'ai vu,en train d'arroser un vase chinois d'alcées rouges,mélanger ses larmes à l'eau de l'arrosoir.Plus tard,nous reçûmes également un bouquet de jasmin rose.

Oui,pendant que j'étais à l'école,depuis neuf heures,donc,on ne cessait de recevoir des fleurs.Enfin,cessait semble largment exagéré,mais pour une personne normale.On en a reçu deux,vous vous rendez compte de la surprise que j'ai eu en rentrant chez moi ce midi?Mais pour qui nous prenait-il?Et puis surtout pour qui se prend-il?Ma mère est une femme mariée,ma soeur est avec un islandais,moi j'ai 13 ans et...Eh oh,ce n'est pas parce que je suis une fille esseulée en soif d'amour qu'il faut me faire craquer comme ça!Des clins d'oeils charmeurs,des souvenirs dévastateurs,quelques fleurs et c'est gagné?C'est ce qu'il faurdrait à d'autres conquêtes d'un soir de bal pour céder à ses avances.De toute façon dont trois jours je m'en vais.

Je pris,perdue dans mes pensées,une des fleurs et je la humai longuement en fermant les yeux,pour un peu ma langue affamée la lècherait.Me reprenant immédiatement devant les regards de pitié des autres,je m'éclaircis la gorge comme un homme:

-Mais...qui nous a donné tout ça?je fis en jetant un coup d'oeil à Aïsha qui ne me quittait pas des yeux,ne cessant de se moquer de moi.

-Je ne sais pas,fit maman,je pense qu'il s'agit du facteur.

J'ai un court instant imaginé que j'étais une princesse à qui on offrait des cadeaux parce qu'elle allait manquer à son peuple.Ensuite,ma famille passa à table.

-C'est de la part de qui ces roses?demanda la petite puce surexcitée pour la énième fois de la journée,qui n'en était qu'à sa moitié.

-Je suis désolée,c'est confidentiel,répondit maman en soupirant,insistant ainsi sur le caractère paraphrasé de son discours.

Ma petite soeur fit teinter quelques pièces sous la table,qui brillaient sous les chandelles.

-Ah là là ma fille,tu reprendras notre commerce avec ton mari,toi!lui dit mon père comme un lion qui apprenait la chasse à son fils.

C'est donc la tête pleine de questions que je suis retournée à l'école.Qu'est-ce que les élèves allaient penser de moi à présent que comme eux je participais au trip?

Les cours se terminaient à 15H30.Il me suffisait d'incliner légèrement la tête contre la planche de bois pour m'endormir aussi facilement que sur un sofa.Eh bien non,je ne me suis pas endormie,et heureusement!car il fallait suivre les cours attentivement.L'enseignante allait bien nous le faire comprendre.A propos d'elle,son fils était présent au cours,car il nous accompagnerait.

Quand la sonnerie retentit,je retins mon souffle.J'ai eu l'impression de n'avoir vécu que pour ce moment depuis mon réveil,à 7H30 du matin.Contre toute attente,nous avons réussi à finir le programme à temps.C'est le moment qu'avaient donc choisi mes amies pour prendre les paniers de goûters préparés avec tout l'amour dont les domestiques étaient capables,et nous nous rendîmes à l'adresse d'un square conseillé par la servante de la famille Millet,française et parisienne elle aussi,comme sa mère.Je lus brièvement l'adresse et haussait un sourcil surpris.Pas le quartier le plus riche de Paris,ça.

Quel était le but de la manoeuvre en m'amenant ici,manger des gâteaux sous une statue de carotte en pierre?Me faire venir chez elle de force passer la nuit chez elle pour être présente demain matin?Pendant que ma mère se faisait belle à la lueur des bougies?Fantastique!

Bien sûr,d'abord ça commence par le goûter,ensuite on partage le dîner,suivi d'un dessert,et sans savoir comment on se retrouve à partager la même chambre,c'est comme ça que ce genre de chose arrive.

-Pas forcément dans cet ordre mais oui c'est à peu près ça sourit Katty.

Seulement,le comique de la situation m'échappait complètement et je me sentis bouillir de colère de m'être faite manipuler.

-Et c'est tout ce que vous avez trouvé?M'obliger à venir chez vous?Si tu crois que ce genre de chose marche sur moi,Katty,tu te fourvoies!Ma meilleure amie,déprimant,non?

-Oh,accepte juste de dîner chez moi!Tu voulais bien que je t'apporte quelque chose à manger,non?

Elle.C'était elle,toujours elle,ma meilleure amie,la fille la plus proche de moi.Pourquoi je refuserais,en donnant ma religion comme argument?C'était d'accord.

-Eh bien!Si tu veux on va essayer mes habits mais n'ai pas peur d'être surprise!On passe chez moi avant récupérer ton journal?

-Oui!Là,tu vois,tu fais quelque chose que je ne te pensais même pas capable de faire!

-Oui,c'est une proposition qu'il t'es impossible de refuser.

A chaque fois que je men sentais redevable envers Katty,il y avait toujours ce petit quelque chose qui me rappelait pourquoi j'avais envie de faire partie de ce groupe.Katty était tellement intelligente qu'elle s'avérait être en plus une fine stratège,un peu calculatrice,mais c'est parce qu'elle manquait d'amour.Toute sa vie on l'a obligée à jouer des rôles qui n'étaient pas le sien.Alors que lorsque son âme est épurée on n'y trouve que de la sincérité.

Elle commença déjà à déboutonner les boutons de sa chemise,avant qu'on entre chez moi.Un bouton,puis deux bouton.ZZZ.Trois boutons.Elle se croyait chez elle et elle n'avait pas totalement tort.Tout cela n'était qu'une question de temps avant qu'on emménage ensemble pour étudier la musique pour elle la danse pour moi.J'étais prête à passer la nuit avec elle,et un dîner.De toute façon,on allait en passer plus de 20 ensemble.On en a jamais passé autant d'affilé.Notre record c'est un.Mais ils sont tellement nombreux ces dîners qu'on a savouré ensemble.

Je ne vais pas vous raconter dans les détails ce qui a suivi le dîner avec Katty.

-Un café?me demanda-t-elle dans notre chambre alors qu'il y avait un temps mort,histoire de détendre l'atmosphère noire qu'elle avait créée.

Je lui lançai un regard froid qui eut pour effet de la glacer sur place,avant de rire.Mais j'avais déjà effacé son sourire et elle partit chercher le café sans un regard.Oops.

Nous nous retrouvâmes seule,car des mannequins envhairent le rez-de-chaussée suivit d'un photographe de rénommée mondiale.C'était les parents de Katty qui surpervisaient tout ça pour faire plaisir à leur fille.Je suis toujours vraiment étonnée de trouver tant d'âme dans une fille aussi riche.

-Vraiment?je m'exclamai.T'es si riche que ça?Espèce de petite veinarde!

Je  lui adressa une petite tape sur l'épaule qui signifait bien joué alors même qu'elle n'avait rien fait.

-Eh,Ania,je suis une humaine.Une humaine,pas une valise avec des gros billets verts dedans.

-Et un très beau spécimen,très intelligent.

Et là,si elle avait été garçon,je l'aurais embrassé.

-A qui le dis-tu,toi qui est si belle et qui danse si bien.

Elle avait une voix romantique elle aussi,et je fronçai les sourcils.

-Je parie sur mon sac  à main,continua Katty,que j'arriverai à chopper un garçon avant la fin du voyage.

La grande rousse avait des petits yeux verts soudain perçants et malsains.

-Tu as l'air très sûre de toi!

Moi,je ne m'en  sentais ni la force ni le courage.Mais c'était pour elle sa dernière offre de passer à autre chose.Plus d'Amy,plus de Christine,plus de Radegonde.