3 avril 1912

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Je me suis endormie,un lundi soir,sous l'effet de l'épuisement,sur une des dalles qui décorait le sol de la maison,me blotissant en boule,en serrant mes deux longues nattes noires,comme une petite marmotte.

Brusquement,je me suis réveillée avec l'impression d'avoir trop dormi,alors que je ne savais ni combien de temps j'avais dormi en réalité,ni l'heure qu'il était.Mon pied était gonflé parce que j'avais réussi à dormir avec des souliers très étroits,et une vilaine teinte violacée a commencé à se propager sous ma peau.Je bondis sur mes pieds,arrachant les chaussures pour en mettre des nouvelles,et je cours voir Fifi pour qu'elle me conduise à l'école.Cela ne la gêne pas plus que ça évidemment,non,elle semble plus honteuse de ne pas m'avoir mise au lit et de ne pas s'être réveillée à temps.

Ce qui est dérangenant aussi,c'est que je ne remarque pas que le soleil est à peine en train de se lever,et que les ouvriers vont encore au travail en passant par nos beaux quartiers sous les regards condescendants des parents de mes "amies".Ils doivent se demander pourquoi je boîte et comment j'en suis arrivée à me lever si tôt.

Le ciel était une masse sombre et opaque,de ce bleu qui laisse présager un jour qui se retenait de luir.Quelques nuages oranges se frayaient un chemin.

La grille était fermée.Serais-je donc tellement en retard?D'autant que la voiture est déjà repartie...

Une autre voiture arriva devant l'école,mais elle n'appartenait définitivement pas à un enseignant.L'homme ouvre la grille,qui grince,me faisant sursauter du banc où épuisait j'attendais qu'on m'ouvre.

-Eh,me cria l'homme avec une gouaille toute parisienne,tout va bien?

-Oui,monsieur,pourquoi?

-Tout va bien pour moi,mais je n'ai jamais vu une élève aussi pressée d'aller à l'école!Je ne m'attendais pas à voir une fille sur qui on tape se présenter en cours à 7H du matin!

-Super,je suis bonne pour rentrer,alors!

Mais j'étais bien trop épuisée pour le faire.Cet homme travaillant à l'école était un des nombreux amis de la famille d'Alizzia.Elle m'a montré des clichés de lui en noir et blanc,sous la pluie,sur son fier déstrier.Alizzia est magicienne,elle connaît tout le monde tout en ne connaissant personne.

J'ai beau être une jolie fille,cela revenait pour moi à me jeter au bord d'un précipice que de dormir comme ça sur un banc,devant tous les regards des autres gens.Ils riaient à cette fille dormant sur un banc comme un clocharde ou une immigrante,me regardant onduler au rythme du sommeil sur un banc dont je pouvais glisser à tout moment.J'inspirai profondément par le nez,et expirai par la bouche.Alizzia arriva enfin et jeta un rapide coup d'oeil à son poignet.Il est déjà sept heures et demi.Tu as encore devant toi 25 minutes de sommeil.

-Mon petit doigt me dit qu'au lieu de dormir comme moi lors de ma première nuit en france,tu préfèrerais plutôt aller prendre un verre de jus de fruit ou deux,non?

-Ma foi,je pense que tu n'as pas tout à fait tort,lui répondis-je d'une petite voix ensommeillée.

Ja lève les yeux au ciel en me maudissant profondément.Au bar,il y a sûrement presque toutes les filles qui m'embêtent...

J'attendais midi avec impatience,pour le compte à rebours de la semaine juste avant d'embarquer sur le Titanic.

Il y a quelques mois,dans un grand magasin,accompagnée de nos deux servantes principales,j'avais rencontré une de ces pestes,et même en présence de deux adultes elle n'hésitait pas à glisser à sa copine des remarques désagréables.Mais la pauvre jeune fille,qui ne me connaissait pas,semblait plus ravie de faire ma connaissance qu'autre chose,mais elle ne voulait pas trahir l'admiration qu'elle entretenait à l'égard de ma persécutrice.Depuis,j'ai repris un peu plus confiance.

Ania.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant