Ania.

Lettre du 7 septembre 1911.

-Je peux entrer,ai-je demandé à ma soeur,enfermée dans sa chambre à lire un livre.Elle avait mis un écriteau interdisant l'accès aux petites soeurs mais qu'importe,je voulais montrer ma nouvelle tenue.

-T'as pas vu le panneau?Mais bien sûr entre.

-Et puis...Je n'ai pas à te demander la permission,regarde...Tadam!

Je m'étais achetée une petite robe noire légère avec des fleurs bleus en perles brodés dessus,me laissant les épaules à nu,et un décolleté plus que plongeant,laissant voir une partie de ma poitrine.

-Qu'est ce que c'est que ça?demanda-t-elle en rigolant.

-Il m'a coûté une fortune,mais c'est génial non?j'étais tout sourire.

Elle s'est énervée.Elle allait donc trouver un moyen de me faire de la peine.

-Ouhlà,faudrait me payer cher pour que je me balade habillée comme ça!

Je me souviens qu'à une soirée,elle hurlait sur un invité,lui disant d'aller voir ailleurs,qu'il fallait se trouver une autre compagne que sa soeur(moi).

-C'est si moche que ça?

-Mais ça ne cache rien du tout!Si tu te balade habillée en fille de joie comme ça je vais changer de nom de famille!

-Très bien dans ce cas merci pour ce bel avis...Je vais le garder quand même.

-Bon,maintenant sors d'ici de suite.Tu empestes le parfum de prostituée!Je vais le dire que tu t'habilles comme ça!

-Tu penses qu'il y a matière à ma dénoncer?

-Je compte pas te dénoncer.Je compte te convaincre d'arrêter de t'habiller comme ça.Rien que pour la réputation de la famille,tu vois...

-Pas la peine d'être méchante.

-Même si ça me rend heureuse?Arrête de brailler.Tu me demande mon avis,attend toi à une réponse franche.

Je me suis mise à pleurer.J'étais harcelée dehors,je suis harcelée chez moi.Pourquoi donc faut-il que ma vie soit si chiante à vivre?

-Arrête de t'apitoyer.Ce n'est pas dans notre monde qu'il faut se montrer sexy comme ça.Nan mais t'as treize ans s'il te plaît.

J'ai descendu à toute vitesse les escaliers en pleurant pour rejoindre ma mère.

J'avais bel et bien raison.Elle était là.Avant qu'elle ne dise un mot je me suis précipitée dans ses bras.Le souci c'est qu'Aïsha avait raison aussi.

-Regarde comment tu t'habilles s'il te plaît.

-Aïsha m'a déjà comparée à tout un tas de truc.

-Avec sa délicatesse légendaire c'était pas surprenant qu'elle te dise ça.

Je me reprochais intérieurement de la mêler à ce qui ne la regardait pas et à parler avec elle dans le dos de ma soeur.Mais pas de pitié pour elle,elle m'énerve trop.En vérité,je ne me sentais pas du tout coupable et j'essayais de me convaincre du fait suivant:Aïsha était aussi sa fille,maman devait être au courant.Mais trouvant que mon petit numéro avait assez duré,maman m'a demandé de la lâcher.

-Il y a plein de filles qui se dénudent plus que ça dans la haute société j'ai fait.

-Mais elles n'ont pas treize ans.Et ce sont des toilettes de bien meilleures qualités.

Piquée au vif,j'ai dit que je savais parfaitement ce que je faisais,que c'était juste des fringues et que je détestais l'humanité.Ma mère a levé les yeux au ciel.C'est vrai que je suis agaçante par moment,on peut pas le nier,je le suis tellement que même ma mère s'en est aperçue.

J'ai donc pris un livre et j'ai tenté de m'immerger dans l'histoire pour oublier ce qui m'arrivait.Puis un truc est tombé à mes pieds.J'ai regardé,une simple boulette d'étoffe qui a fini sa destinée au fond du local à poubelles.Faut pas déconner.

Ah là l petit journal tu sais que j'ai attendu impatiemment de t'écrire toute la journée?Sachant qu'il est 23Hpassée et que tout ça s'est passé l'après-midi?Franchement je te le dis je sais pas ce que ferais sans toi.