Ania.

10 juillet 1912:Le départ d'Aïsha

"Je vous aime,mais je pars...Vous n'aurez plus d'enfant...Ce soir..."

Elle allait prendre le bateau,évidemment,mais évidemment.L'affaire Titanic provoqua une grande inquiétude de la part de mes parents,comme de la mienne.Maman essayait de convaincre mon aînée de ne pas partir,que c'était trop dangereux de prendre le bateau.Aïsha lui expliqua gentiment qu'elle avait des pouvoirs magiques,qu'elle pourrait survivre.

-Mais tu pourras pas sauver tout le monde,lui a expliqué mon père.

-T'en fais pas,ça va bien se passer.

Les parents des autres jeunes bachelières du lycée d'aïsha,issus bien entendu du même milieu social que nous,ont fait savoir à nos parents tout le respect qu'ils avaient pour un cerveau aussi puissant et pour un si bel établissement avec un homme si blanc.Celles qui l'avaient embêté exigèrent de ne pas être châtiées pour leur péché.Comme par hasard,Aïsha ne fut pas présente,elle était en train de se brosser les cheveux et de se brosser les dents.

Nous allions l'accompagner.Et devinez où ils prennent la mer?A cherbourg.Elle est sortie la bouche mousseuse de dentifrice,après s'être essuyée les yeux sanglotants de mascara devant le miroir,et je lui ai raconté ce qui se passait en bas.Elle jubilait.

Elle a d'abord dit au revoir aux domestiques.Ils étaient émus,eux aussi.La blonde en veste noire pelucheuse,avec un chapeau noir à fleurs sombres,calinait ceux qu'elle n'arrivait pas à s'imaginer quitter pour toujours.Les hommes qui vont avec la maison.Nous,on peut aller en Islande.La maison ne peut pas.

-Ton chemin s'éclaire...Naturelle est ta destinée,lui ont professé,en guise d'au revoir,le couple de polonais que nous avons toujours employé.C'est en Islande que s'accomplira ce pourquoi Bog t'as fait naître.

-Euh...oui,a-t-elle répondu en retirant sa main gantée de leurs mains jointes.

Je n'y vais pas directement,mais j'y vais.

Fifi allait beaucoup plus lui manquer,et ce sera aussi mon cas quand à mon tour je quitterais la maison,même si je ne quitterai probablement pas la France.Pendant ce temps,nous leur souhaitions un bon week-end.J'avais l'impression d'être dans un extrait de roman qu'on analyserait en cours.Elle est sortie,son mari l'attendait dehors,elle se tamponnait les yeux avec un mouchoir de poche sans chercher à contenir ses larmes.

Je me suis dit qu'elle ne deviendrait jamais indépendante.Jusqu'à sa majorité,papa s'en occupe.Maintenant,c'est Mart qui va s'occuper d'elle.Ce serait pareil avec Tristan.

Mais dans le même temps,Mart et elle formaient un couple sérieux,de longue date.L'Islande était une terre lointaine,faiblement peuplée d'humains,au-delà du cercle polaire,où elle serait en communion parfaite avec son élément,avec son mari,où elle pourrait donc largement exprimer son pouvoir.Ce pays,elle ne l'avait jamais découvert,et elle allait le découvrir,et pour elle,c'était comme si elle allait de l'autre côté de la vie.On se croirait dans un film.

Pour mes parents,c'était la fin de l'éducation de leur fille aînée,son départ,ce qu'ils avaient craint dés le jour de sa naissance.Mon père la gâtait parfois plus,et affichait clairement sa préférence pour elle,pour son pouvoir.Ce qui ne nous avait plu ni à nous les deux autres soeurs,ni même à ma mère je pense,qui était son parfait opposé.Ils n'en disaient rien,pendant tout le trajet jusqu'à la gare.Mart détesterait qu'on ressorte des vieux dossiers qui ne le regardaient pas devant lui.Mais ce n'était rien par rapport à l'aversion qu'il aurait pour Aïsha,je l'espère,si il apprenait son passé par autre qu'elle.

Il pourra bientôt se détendre.Ma mère est tellement maternante.Elle lui demandait si il voulait une pâtisserie,une boisson,un urinoir,des fleurs.Il n'a pas souri,il a remercié madame,pour éviter que sa femme ne pourrisse publiquement une mère un peu trop indiscrète.Sasha courait un peu partout sur les quais de la gare et voulait absolument que je la rattrape.J'allais enfin savoir comment était la vie sans elle.Elle me manquera pas du tout mais j'espère que tout ira bien pour elle.Le train est parti à 17 heures de cette gare lieu de vie pleine de lumière.