9 avril 1912 Partie I

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Ania,le grand jour est arrivé.C'est ce que m'a annoncé peu après 5H du matin Fifi,posant la main sur mon visage endormi.Ma joue était collée à mon oreiller.Et pour la première fois de ma vie,je me levais tôt pour aller au collège avec enthousiasme.J'étais encore un peu tremblante,ne réalisant pas ce qui allait m'arriver.La preuve était que je n'avais même pas à combattre le stress ou l'intimidation,étrangement ils avaient disparu,il ne restait plus que l'idée même de ce qui allait se passer.

J'ai négligemment avalé quelques gâteaux ce matin.Je manipulais un bouton de chemisier trouvé au bas de mon lit,en trempant des spéculoos dans un verre de lait que m'avait apporté la cuisinière polonaise.J'avais les yeux collés et le lait trempait sur ma comissure.M chemise de nuit blanche à fleurs roses remontaient sur ma chaise,et sous la lumière artificielle,le spéculoos se collait au fond du verre.

-C'est pas très classe,me dit mon père en s'approchant,et moi je grognai bruyemment en levant les yeux au ciel.Ici ce type me rendait dingue,mais après trois semaines sans lui je serais trop heureuse de le revoir.J'inspirait profondément avant d'amener les verres dans la cuisine,et de remonter dans ma chambre pour m'habiller.Une robe bleue marine,avec de belles broches fleuries aux couleurs vives comme l'orange ou le rose.Des bruits sourds,dans le Paris encore obscur et déjà debout qui m'attendaient dehors,me faisaient sursauter.Les trois domestiques étaient déjà au travail.

Puis je suis montée dans les trois chambres.Ma mère,d'abord,étendue à côté d'une place vide,dans son grand chemisier blanc,je l'embrassai.Ma petite soeur aussi.Mais pas la grande.Au retour,peut-être.Je les ai regardées dormir,en me disant que pendant trois semaines elles ne me verront plus.

Et puis la porte claqua derrière moi,et elle ne s'ouvrira que dans trois semaines.J'avais ma gouvernante française avec moi,il me fallait m'en détacher.Je me voyais déjà pénétrer derrière la grille de l'école comme une actrice de cinéma.Un air détaché,la tête haute,le regard loin à gauche.

-Ne sois pas non plus absurde Ania,me conseilla ma gouvernante,regarde-toi un peu tu es toute excitée!

Elle n'arrêtait pas de frotter son vêtement,de sa main libre,celle qui ne tirait pas ma valise.Il y avait une tâche qu'elle essayait d'enlever.

J'ai croisé mes amies alors qu'on arrivait près de la cloison qui annonçait la gare Saint Lazare,qui nous amènerait à Calais.Je leur ai grand ouvert les bras.Mes "Mes amies je vous adore"s"amenuisèrent petit à petit que Fifi me regardait avec un regard sévère qui pourrait être de la jalousie.

-Je te laisse,fit-elle avec un grand sourire finalement.Personne ne sera pas là quand j'agiterais mon mouchoir.Mes amies aussi étaient seules.

Très peu de temps après,il était 6H45,et nous sommes entrées dans le hall désert de la grande gare,afin que Madame Spencergates,accompagnée de son gamin qui travaillera dans l'équipage,en première classe,pour nous dire:

-A partir de maintenant,vous êtes en voyage scolaire.

J'avais l'impression d'être essoufflée par le trajet jusqu'à la gare.Je fixai mon billet,je fixai les autres élèves qui ne me prêtaient plus aucune attention.Leslie semblait bien déterminée à défendre les meilleures places du train.Les muscles de sa mâchoire commençaient à se contracter à cause du stress,et enfin,elle dit à Katty:

-Tu as oublié de me dire quelque chose,je suis désolée.

-Oh bonjour Leslie!fit-elle,réalisant son oubli.

Les autres se mirent alors à nous regarder un peu de haut.Leslie plongea la main dans ses poches,étirant le tissu qui montrait à quelles point elle avait de belles jambes.En attendant d'embarquer dans ce train,on discutait.La situation commençant à se normaliser.On avait l'impression qu'on allait rentrer chez nous d'un moment ou à un autre mais on savait qu'on allait devoir attendre longtemps.

Ania.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant