5 avril 1912.

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J'ai été en décalage par rapport au reste de notre bande des quatres.Ce décalage a duré trois ans,tellement j'étais renfermée sur moi-même.

Pensaient-elles qu'elles valaient mieux que moi ces filles là?Assurément,plusieurs fois elles m'ont prises de haut,m'ont fait comprendre très clairement que j'étais inférieure aux autres.

Ce décalage a pris fin.Car toute une ère prend fin.

La voiture arrive à la maison,et demain,ce sera ma dernière journée d'école avant le voyage.Puis le dernier shabbat et enfin le dernier jour.Il fallait pourtant encore que je fasse le fameux sac des effets personnels,mon préféré.

Mes parents sourirent un peu plus à mes réactions incontrôlées d'impatience,que je n'arrivais pas à dissimuler.Ma mère dit que cela recomposait mon visage habituellement dénué de toute expression,visage maussade qui se barricadait face aux souffrances.En définitive,ils me confortaient dans l'idée arrêtée depuis des mois que ce voyage était une bonne idée.Il faudrait beaucoup de malchance pour que je n'y gagne rien.

Pourrais-je réellement faire en sort que mes ennemis oublient un peu jusqu'à mon prénom?Qu'est-ce qui m'avait retenue jusque là de les assassiner de mes propres mains?

Ce serait plutôt leur genre.Un jour,elles pourraient organiser contre l'une d'entre nous un meurtre parfait,de sang froid,sans témoins ni caméras.Heureusement pour elles que les couloirs et les classes ne sont éclairés que par des pâles lumières.

Comme ma chambre,où de discrètes lumières éclairent les murs récemment peints en cramoisi.Chambre parfaite pour acceillir ce qui sera un jour mon partenaire de sexe,si la maison ne s'écroule pas de vieillesse avant,bien sûr.Bon,il était hors de question que je m'aventure sur ce terrain là encore moins à mon age.Je passerais du statut de célibataire honteuse à pet.

-Est-ce que tu veux que je t'apporte une boisson?me proposa la cuisinière en passant devant ma chambre.

-Oui,dziekuje.

-Oh mais tu es en forme dis-moi!J'arrive tout de suite.

Elle était surexcitée que je lui parle dans sa langue natale.Ce qui n'arrivait pas très souvent.Un peu plus tard,je dus la rejoindre dans sa cuisine afin de faire en sorte qu'il ne reste pas avant mon départ une tâche de chocolat chaud sur ma moquette beige.J'ai trouvé un chemin assez rapide,oui on découvre des nouvelles choses dans sa propre maison tous les jours,en contournant le petit couloir entre le garde-manger et la salle à manger.

Je n'allais pas faire ma diva en réclamant qu'on nettoie mes bêtises.Du moins pas encore,j'aurais tout le loisir de me lâcher en première classe.Bon,peut-être pas,puisque premièrement je ne pense pas que la prof serait ravie,deuxièmement j'aurais honte.Je ne suis pas une pintade,une dinde,ou je ne sais quel autre animal de basse-cour.Je suis la fille qui sera sur tous les tableaux de chasse des harceleuses du collège,ce tableau qu'elle se sont constiuée avant même d'avoir un cahier de texte.Comment pouvaient-elles si mal me juger?Je veux dire,je ne suis pas méchante,j'ai un cerveau et de l'humour,on ne demande même pas autant de moi.

Mais j'ai des amies avec qui nous avons un programme totalement superficiel pour la totalité du week-end:relooking complet.Nous poussons l'impression d'accéder à une ère nouvelle à l'extrême.Nous étions loin d'être à la pointe de la mode sans pour autant être has been,Katty ressemblait plus à une lycéenne plus âgée et plus modeste,avec ses pulls en coton sur ses jupes.C'est d'ailleurs l'attirance qu'elle notait chez des garçons du collège d'en face qui avait surpris leslie,qui comme elle est idiote pense qu'il n'y a que les filles comme elle qui peuvent séduire.Finalement,je finis par voir Katty un jour rentrer chez elle avec un million de paquet de marques françaises,italiennes,anglaises et américaines.Ces dernières,nous pourrions les ramener en grands nombres de New York.Nous nous disions que tout ce que nous achèterons sera de trois à quatres fois plus larges que notre garde-robe actuelle,y compris les vêtements qu'on ne met plus depuis la primaire,trois à quatres fois plus beau aussi,et qu'ainsi nous prendrons notre revanche sur les garçons.Leslie va me laisser une partie du samedi soir de libre pour être avec ma famille,avant de me faire recommencer le lendemain aux aurores.On se croirait vraiment dans ces petits romans que lisent nos ennemis,pour peu qu'elles sachent lire,sauf Amy.

-Tu vas faire du shopping seule?me demande maman.

-Non,en compagnie de mes amies.

-Oh,je me disais aussi...

Papa me dit ça de manière extrêmement surprise,presque insultante.

-Tu ne vas pas avoir le toupet de me demander de me débrouiller seule?

-Non,mais en même temps,c'est pas compliqué de retenir le prénom de tes amis,ils sont si peu.

Je bouillonais d'indignation,mais il ne me restaient que quatres jours à tenir.J'ai conservé des violettes séchées dans mes linges,afin de parfumer mes valises,et ainsi ma cabine lorsque je les ouvrirais.Ensuite,on verra si un beau blond voudra bien nous offrir un verre,haha.

Maman trouva rapidement un prétexte pour détourner la conversation.Un qui plaisait à papa apparemment,vu qu'ils ont discuté de façon tellement intéressant qu'ils n'ont même pas remarqué que j'étais partie me coucher.J'ai réajusté mon chemiser avant de partir,et je suis partie vers la salle de bains sans le moindre regard vers la table à manger.Il devait être vexé cet homme,car je le sentis sourire bêtement,tant il était gêné.Comment devrais-je m'y prendre moi alors?

Eh bien,espérons alors qu'il me reconnaîtra avec mon nouveau style de grande fille,de vraie touriste new yorkaise.Ma journée du dimanche va vraiment être bien remplie,encore un bon week-end qui se prépare.A huit heures tapantes,c'est Katty qui va m'emmener chez elles,la matinée sera consacré à un changement d'attitude,la première étape consistera à ne pas avoir l'air trop excité et à montrer que nous ne sommes pas impressionées par le bateau,et les gens ne le supporteront pas,blessés dans leur orgueil que des gens n'y voient que le gros tas de feraille qu'il est d'ailleurs.Chez Katty,se faire une nouvelle conquête devint d'ailleurs une obsession.

-Un garçon acceptera bien de dîner avec moi autrement qu'en repas d'affaire!Je serais prête  à en mettre ma main à couper!

Etrange de voir cette intellectuelle devenir superficielle et sûre d'elle,ça nous change en tout cas.Parce que je ne suis pas sûre que Catherine voudrait perdre une main si jeune,la pauvre.Quand je le lui ai dis,elle m'a tiré la langue comme une gamine de cinq ans qui ne veut pas partager les bonbons à la cour de récré.

Plus que quatres nuits en France.Où j'étais un papillon à qui on avait brûlé les ailes.Où j'étais comme coincée dans une réserve,comme une indienne.Oui ceux là même qu'on a viré pour que nous puissions faire notre voyage de classe.Cette idée me surprit tellement que mon nez fut éclaboussé par le jus de fruit que j'avais tracté à mon nid.Je fus prise,étrangement,d'une longue quinte de toux qui rendit mon visage cramoisi,et j'eus peur d'avoir contracté une maladie,ce qui avait figé mes traits dans l'anxiété la plus totale.Mais je n'avais rien,en fait.

J'étais juste arrivée à la conclusion suivante.Quoi qu'on en dise,dans la vie c'est chacun pour soi.

Ania.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant