Il y aurait de quoi en écrire des pages de ce journal. Hé oui, je l'ai eu pour mes 13 ans et je vais sur mes 18. Il serait temps de faire le point, maintenant que je n'ai plus à me préparer pour les examens.
Mon physique a bien changé. Je me suis musclée et j'ai maigri à force de faire de la danse. Un grain de beauté est situé à quelques centimètres juste en dessous de mes lèvres noires et charnues et un autre est situé sur mon nez qui commence à devenir plus voyant qu'avant. Ma peau fonçait, je ressemblais de plus en plus à maman. Martin avait bien changé depuis lui aussi. Mais dans ma tête je ne sais pas si cette fille de 17 ans qui se retrouve là à des milliers de kilomètres de chez elle avec un garçon avec qui elle a couché qu'une fois c'est moi ça me paraît irréel c'est tout.
-Tout va bien, Anya?
-Oui je ne pensais pas travailler en Russie de toute façon.
-N'empêche tu les as bien niqué les russes, a fait Martin.
-Pourquoi tu dis ça?
-Tu dois être au courant que les juifs sont interdits dans la région. Je l'ai appris et c'est pour ça que je me suis inquiété pour toi ces derniers temps.
-C'était pas à cause de mes malaises?Tu m'intrigues là.
-Si ils découvraient ton secret ils ne se contenteraient pas de t'expulser. Peine de prison, isolement, traitements violents infligés aux femmes. Tu n'étais pas au courant?
-Je n'ai jamais dit que j'étais juive parce que je voulais me mettre personne à dos, ben j'ai bien fais. Et autrement comment auraient ils pu savoir si les profs eux même n'avaient pas vu?
-J'étais persuadée qu'au moins tes amies françaises savaient qui tu étais.
-Ce que j'étais.
Je frotte mon rouge à lèvre noirs.
-Cela ne fait que souligner ton courage. Mais c'est dans vos gênes de frôler la mort je crois.
-Nous qui ça les juifs?
-Ta famille.
-Ah bah dans ce cas merci...répondis-je gênée.
Quand on paraît si pathétique à essayer de se protéger des autres et de ce qui ne nous tuent pas, on préfère se mettre en danger. On hésite plus. C'est des forts qu'on attend la lâcheté. Des faibles qu'on espère le plus inconsciemment.
-Mais c'est vrai que ça vaut aussi pour les juifs, agita-t-il très vite.
-Tais-toi tu t'enfonces ai-je alors rétorquée.
Un écureuil passa entre nos pieds. Il n'y eut pas plus d'action tout au long de la discussion.
-Je te dois tellement n'empêche. Je trouverai un moyen de te remercier, pas plus tard que tout à l'heure.
C'est alors que j'ai dépensé une partie de nos économies dans une jolie boutiques de gâteaux. On le voit pas à sa tête mais il adore les gâteaux. Tous les gâteaux. On l'a descendu d'un même mouvement sur la pelouse , on sait pas si c'était interdit d'y jouer, je suppose que non on lit le russe quand même. Je le voyais sourire comme un enfant. En fait il avait descendu presque la totalité du gâteau, j'avais rien vu venir. J'étais estomaquée c'est le cas de le dire, et je lui ai fait une remarque sèche. Et puis on a fini par s'endormir dans le parc.
Quelques heures plus tard on s'est réveillé. Après s'être dit que s'endormir ici était une belle connerie, on s'est étonnés de la longueur de notre coma.
-On a dû être assommés par des fées ou quelque chose du genre je crois. On nous a laissé nos papiers et notre porte feuille.
Je me suis levée prudemment sur mes pieds, et j'ai reniflé l'odeur de la nuit qui tombe, quand soudain...
-Hé mais ça sent la mort?
Martin renifla à son tour comme un cocker.
-Mais t'as raison, a-t-il fait en s'avançant dans l'allée voisine, intrigué mais prudent.
-Normalement ils nettoient avant le processus de décomposition. On est arrivés en enfer?
-C'est pas l'odeur de la décomposition, ça. C'est juste du sang.
-Heuh t'as déjà eu tes règles?
C'est l'odeur d'une serviette hygiénique ça.
Maintenant ça sent le vomi.
-Personne a l'air d'avoir survécu dans cette rue. Ils vont bientôt faire le ramassage. On devrait pas rester ici.
Je pose les deux bouteilles de boissons fraîches à peine entamées sur le banc à côté de nous et je m'en sers d'appui. On ira dormir dans le métro c'est pas grave, on a la nappe et on dormira l'un contre l'autre, ils s'en prennent rarement à des couples.
-Tu crois que c'est des fées envoyées par ma mère pour qu'on fasse les morts?
Finalement nous sommes entrés dans un repère désaffecté, on tombait de sommeil donc le premier qu'on avait trouvé. J'entendais de la musique et j'espérais que ça me berce. Quelques coups à la porte d'entrée nous ont ramené à la réalité.
-On est juste des clodos complètement alcooliques on a rien sur nous...
Je ne sais pas quel mouvement j'ai effectué à ce moment là, j'étais endormie et tout est allé trop vite. J'ai dû faire un mouvement de main un peu brusque et ils se sont retrouvés congelés sur le pas de la porte. Je me suis bêtement rendormie après. C'est vous dire l'état de hors service dans lequel j'étais. Quand Martin m'a réveillé en disant qu'il fallait quitter ce repère et pas pour dormir ailleurs, je me suis aperçue que je dormais toute nue.
-On l'a pas fait.
-T'es enceinte.
-Ah oui c'est vrai , je vais me changer.
-Je peux savoir ce que tu as fait cette nuit Anya?
-Hé bien j'ai laissé mes mains agir malgré moi.Quoi ça te fait rire?Alors vous les mecs...
Une fois que je me suis changée, je lui ai passé la main dans les cheveux pour l'embrasser, mais il se détourna pour passer par la fenêtre, et j'entendis ses genoux ployer une fois au sol. J'ai fermé la fenêtre derrière moi et je me suis laissée glisser doucement. C'était un appartement gris de premier étage, avec une fenêtre très haute, étroite et rectangulaire, et il était inoccupé depuis des années. Mes vêtements sont recouverts d'un genre de poussière cimentée, ça indique à tout le monde où j'ai dormi.
-T'es en apesanteur au-dessus du sol là...J'hallucine c'est toi la fée et c'est toi que ça fait paniquer.
J'étais vraiment effrayée, et Martin a tiré sur mes vêtements pour que je revienne en bas, même si il y avait peu de chance qu'on nous repère, c'est à cette heure ci que les clochards dorment.
-C'est quoi notre but en fait?
-On doit retrouver ma mère.
-La chose la plus sage à faire ce serait de rejoindre la France. J'en peux déjà plus de ce pays.
-Je suis d'accord, mais on doit d'abord retrouver ma mère.
-Et si on échoues?
-Ne dis pas ça. Ou alors je le répéterai à ma mère.
-Hein non!
Je dois admettre qu'on avait arrêté d'agir aujourd'hui et c'était très dangereux. Je commençais à comprendre qu'avant que je vienne ici mes parents s'inquiétaient pas pour rien.
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Ania.
RandomAnia,c'est un peu un mélange entre toutes mes fictions. Ania,c'est un peu un personnage qui me ressemble tout en étant très différent. Ania,c'est un peu l'histoire dont j'ai eu l'idée le plus tôt. Ania,c'est un peu ce qui explique tout mon univers. ...