Et après l'amour.

4 1 0
                                    

Ce qui se passe après l'amour, ça plaisante beaucoup dessus mais quand on se retrouve dans la présente situation on a pas vraiment envie d'en rire. On a envie d'en pleurer, on a envie de se moquer de nous, on se trouve stupide, on sait qu'il n'y a pas de solution , mais on a pas envie d'en rire, on aurait même plutôt envie d'hurler sur ceux qui se moquent de nous.

Bah oui, va dissimuler une grossesse dans une école de danse. Fais croire que t'as grossi avec tout le sport de haut niveau que tu fais. Je t'en prie, ça a commencé à l'infirmerie.

-J'espère que je suis pas enceinte, ai-je dit au bord des larmes.

J'espérais que de là où elle était elle ne m'entendrait pas. Elle m'a dit de parler plus fort car elle ne comprenait pas le français. Me voilà soulagée. Elle a quitté l'infirmerie sans ajouter quoi que ce soit, me laissant seule avec des vêtements que j'aurais encore à enfiler. On était le 14 avril 1916, et déjà 4 ans que j'avais perdu Tristan. Je plonge le visage dans mes mains pour y laisser couler mes larmes. Je suis épuisée. C'était il y a 4 ans et pourtant je n'étais même pas encore majeure. Puis je me suis souvenue de ce que ce fier chevalier Tristan m'avait fait promettre. Des gosses. C'était un peu tôt pour avoir des gosses mais j'allais tenir ma promesse; et puis je me suis montée le bourrichon quand même assez vite. On a aucune preuve que je sois enceinte.

Mais à nouveau on est dans une école de danse les amis. Ici ce n'est pas un secret que tu gardes très longtemps. Une semaine plus tard avait lieu une représentation de danse classique, ce qui expliquait mon passage à l'infirmerie de tout à l'heure. Mais pas n'importe quelle représentation. Elle était celle qui même avant d'avoir lieu devait tout changer et effectivement elle changea tout. C'était une représentation dans un théâtre national, devant cette haute bourgeoisie qui croyez-moi n'en avait déjà plus pour longtemps. Et ce qui leur importait c'est que des membres de la famille royale, euh non, impériale, était présente.

-Tu peux avec ton rayon de glace les...

-On a dit qu'on allait arrêter ça Martin.

Sans mauvais jeu de mot, je le lui avais parlé très froidement.

C'était un peu la dernière fois ce spectacle. Le plus haut où je sois monté pour l'instant, et je ne risquais pas d'aller bien loin après tout ça.

Si vous me cherchez, je suis à nouveau à l'hôpital. J'ai des plaies sur les bras, la partie la plus exposée du corps. Et j'ai deux côtes fêlées. Donc ils ont dû m'examiner. Je sais que si on resitue notre première fois à tous les deux ça remonte à y a un mois. Mais ils ont dû sentir une grosseur. Comprendre que c'était pas une tumeur. En russe, un médecin dit amusé me reconnaître, se moque de moi parce que j'ai la poisse, soupçonne pas une seconde pourquoi j'attire les ennuis comme ça.

-Ils ont encore échappé à l'attentat?

Non mais c'est un sketch au bout d'un moment.

Rien que le fait de parler, de rire me fait mal. Car oui je rigole je pleure pas , je ne me prends pas au sérieux. J'ai juste envie de leur claquer un grand sourire avant de m'en aller. Mais comme je le dis j'ai trop mal. Je redeviens sérieuse, il redevient sérieux lui aussi. Il a quelque chose à m'annoncer qui ne va pas me plaire.

-Il faut que je vous explique aussi ce qu'impliquent vos blessures...Je parle en terme d'examens. Non en fait ça ne veut pas dire ça du tout.

J'étais encore un peu sous le choc. Je savais où on allait. Je sentais un poids dans mon ventre. Un poids qui me rappelait à quel point les filles me détestaient et cette idée me terrifie. Ce n'est pas bien lourd non plus un enfant dans un utérus.

-On vous a fait une analyse?

-Pourquoi vous m'avez fait une analyse? Je suis blessée qu'est-ce que vous voulez savoir de...

Je me suis interrompue, parler me fait vraiment mal. Alors que ma personnalité habituelle l'aurait remercié pour tout ce qu'il avait pour moi.

-Nous avons crû bon de consulter votre infirmière, que croyez-vous? Apparemment vous leur rendiez souvent des visites au beau milieu de vos répétitions. Pour des nausées,je crois?

Je fermais les yeux. La sentence était irrévocable, mais je voulais que ce soit lui qui le prononce. En fait, je voulais laisser entendre combien j'avais souffert. Même en accomplissant mon rêve. Même en étant enfin admise dans mon pays d'origine et reconnue comme une de ses ressortissantes. (Vaut pour la France comme pour l'Empire russe). Mon mérite ne me revenait pas ici. Ils vivent dans une monarchie, mais ils gagneraient à être peut-être plus individualistes.

-Vous pouvez le dire.

-Vous avez un copain?

-La question n'est pas très adaptée.

-A quand remonte votre dernière...

Une énorme boule se créée dans mon ventre, mais j'avais dit aux autres que je faisais partie des grandes.

-Un mois.

En un mois il y a le temps de...

J'arrive plus à respirer. Et l'autre avec son détendez vous. On voit qu'il se retient de me traiter de salope mais qu'il avait suivi une bonne formation médicale.

-Vous allez avoir des ennuis.

J'aimerais qu'il le dise mais je vais pas lui dire de le dire, parce que c'est trop ridicule. Et soudain je ne me vois plus d'avenir. Et dans le même temps il semble garanti que j'en ai un. Alors que je n'étais pas ce genre de femme.

-Je pense que ton académie de danse tu peux l'oublier.

-Je n'ai pas été violée! ai-je lâché, je voulais pas qu'il me prenne en pitié et je voulais que ça soit clair entre nous à ce niveau là.

Et puis le son disparaît et enfin je me détends et regarde autour de moi. Un tableau est accroché aux murs. Décidément ils ont de bonnes écoles de peintures en Russie. Ma tête tourné doucement afin que je détaille la pièce. Les flammes avaient épargné , et encore relativement, cette partie de l'hôpital. Un petit couloir semble mener à deux pièces mais il se perd dans l'obscurité.

Non disons le , ce pays est violemment arriéré. J'ai juste l'impression de me retrouver dans une peinture du XVIIème moi maintenant.

Ania.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant