Ania.

Dernier jour d'école.

24 juin 1912.

Ceci est vraiment le dernier jour de mon année de 4ème.Après,ce sont de nouveau les vacances à la montagne,près de la ville de Grenoble où allait également Katty.Sauf que cette fois,elle ne part pas.Avec tous les cours qu'elle a séché il n'est pas permis qu'elle parte en vacances.

En tout cas,il était hors de question qu'on aille à la mer une seconde fois.

-Moi je vais en Sicile,s'est vantée Leslie.

Elle eut en réponse droit à mon petit regard narquois qui signifiait:

-Tu crois que tu me blesses?

Car il fallait en convenir:Leslie et Alizzia partaient conjointement en Sicile mais dans les deux cas en compagnie de leurs parents.

Cette fin d'année fut pourtant l'une des plus belles périodes de ma vie.Nous étions moins couvertes,le soleil baignait de ses rayons les fenêtres ouvertes des salles du lycée et surtout,Christine a été punie.Cette jeune fille de bonne famille fut chargée de remplacer le papier toilette,ayant en sa possession la petite clé dorée du placard remplie de papier toilette blanc.Le clou fut atteint lorsque je vis la belle blonde empoigner une brosse à chiotte et réussir à rester digne et méchante,et condescendante avec ça:

-De toute façon toi tu sais même pas t'en servir!

-Ok,je vais t'aider.

Cette fille est une génie.Nous avions donc récuré les chiottes ensemble,et avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit,je lui ai dit:

-T'es vraiment maligne toi en fait!

A travers les vitres du couloir,après notre sortie,nous marchions dans une des galeries vitrées du lycée,silencieuses à cause du malaise.A travers les vitres parallèles,nous voyions cinq ou six cuisinières préparer notre repas du midi.L'une d'entre elles,protégée par une charlotte,riait à pleines dents en préparant les saucisses de porc dont je ne profiterais pas.C'était ce qu'on appelait un repas de fête ici pourtant.Car ici c'était un jour de fête.Et la blonde s'était faite belle pour l'occasion,avec un superbe chignon à cran et gros noeud de velours noir dans ses cheveux.Mais elle s'est transformée en souillon ce jour là tant pis pour elle.

C'est alors que j'ai retrouvé mes deux amies,et qu'elle retrouva les siennes.J'ai préféré ne pas savoir si Christine a eu la décence de se moquer de moi auprès de ses amies ou alors si elle a ignoré ma générosité.

-Qu'est-ce que tu faisais?m'a demandé Leslie,assise sur le banc de bois ciré.

-Rien d'important,bon on va manger?J'ai vu qu'aujourd'hui c'était saucisse et pommes de terres frites.

-C'était la même la fois dernière,râla Alizzia.

-L'année dernière j'étais même pas venue,donc je ne peux pas savoir,ai-je murmuré.

Toutes les promotions étaient réunies dans la cantine pour manger exactement le même plat.

-Franchement,a avoué Leslie,hier je suis allée dans un grand restaurant avec mes parents pour conclure un accord sur leurs terres en Gironde et franchement ça ne valait pas la nourriture de Ste Hildegarde.

-Les frites de Ste Hildegarde sont les meilleures du monde!a continué Alizzia en trinquant un verre de limonade à l'orange.

Plus la journée avançait plus la chaleur augmentait.Katty ne nous a plus fait la grâce de sa présence mais elle s'est mise à sortir de chez elle,accompagnant sa mère à chacune de ses sorties mondaines où elle racontait comme un scandale aussi croustillant que nos frites le drame de sa fille.

-Et si on sortait ce soir?a demandé Leslie.

-Je pense que nous avions atteint un tel degré de maturité que ce n'est pas la peine de demander à nos parents,ai-je répondu.

L'après-midi s'écoula avec des jeux et des goûters sur les tables de la salle de classe pendant que Madame Spencergates lisait un bouquin.Chaque groupe s'était reparti par des petits ilôts de pupitre collés ensemble,jusqu'à ce que la sonnerie de la cloche nous libère sans plus de cérémonies et que chaque fille hurle sa joie avant de se diriger vers un bus qui mène sur les grands boulevards,où chaque groupe pourra s'accaparer une terrasse où elles boiront des diabolos aux fruits rouges,à la menthe ou au citron.

Car c'est ce que nous avons fait toutes les trois.Nous avions fait exactement ce qui était décrit au-dessus.Cette ville étouffait littéralement l'été,de jour,alors que de nuit l'hiver ou l'automne,cette ville est la plus belle du monde.

-T'es sûre qu'on pourra rentrer quand il fera nuit?redemanda Alizzia.La nuit va pas tomber avant 22 heures...

-Demandons plutôt à nos parents d'aller dîner en effet,ai-je acquiescé.

Cela ne nous a même pas déçu.Car difficile de ne pas penser à ce moment où tu te loveras dans le canapé de ta maison,pendant que tes amis font la même chose que toi.J'ai sonné à ma porte et j'ai lancé mon sac au fond du couloir.

-C'est les vacances!

-Chut!!!Souffla Aïsha très fort.J'ai pas encore fini mes épreuves!Je peux avoir tout bon à mon bac moi!

Personne n'a osé lui dire que c'était techniquement impossible,même pour Aïsha Pietroucheka.Mais il ne faut pas oublier que c'est Aïsha Pietroucheka,donc je me suis contentée de m'excuser.

-Si on allait au restaurant toutes les deux ce soir?ai-je proposé à ma mère,puisque Rysard et Aïsha ont du travail?

-Ne l'appelle pas par son prénom;dit papa.

-Et sinon?

-Pourquoi pas,mais on emmène Sasha.

-On m'emmène où?

-Au restaurant!

-Ouiii!

Les restaurant seront sans doute pris d'assaut,comme pour les terrasses,en ce début d'été.La rue était bourrée de couleurs,des lampions et des ampoules teintées des restaurants.

J'aimais ma ville.Je trouvais mon lieu de vie d'une remarquable beauté.Ses couleurs,ses parcs,ses canaux et ses lampadaires.Paris c'est l'âme d'un pays.Paris c'est ce restaurant de lumière jaune rouge et bleue et de salades composées qu'on mange pendant que la nuit tombe sur des trottoirs étroits de vie.Où nous mangions finement tout en riant,conformément à un rang auquel je ne m'identifie pas du tout.Avant d'aller dormir,et de me dire que je n'aurais plus cours avant deux mois.