Ania.

1er avril 1912.

Le voyage commence dans huit jours,et ce n'est pas une blague.Mon armoire commence déjà à se vider de mes plus belles affaires,si bien que dans une semaine,il n'y aura plus rien.Je partirais en Amérique,avec mes plus beaux vêtements.

Cela fait maintenant deux heures que je suis réveillée,et que je fixe mon armoire encore ouverte,comme si elle était une plaie qui saignait des vêtements.J'attendais patiamment le réveil de ma bonne.Donc,sachant très bien que je ne me rendormirais jamais,je me suis habillée,je suis descendue dans la cuisine déjà propre,j'ai voulu prendre deux médicaments pour me débarasser des crampes qui m'avaient tenue éveillée,et mes maux de têtes,puis je retourne dans ma chambre pour sonner les clochettes,ce que je ne fais d'habitude jamais.Puis,je secoue délicatement son bras et chuchote son nom,ça ne fonctionne pas,ça m'inquiète.

-Très charmante,fit-elle,énervée d'être tirée d'un si bon sommeil.

Elle roule les yeux.

-Maintenant que tu m'as réveillée,je dois me mettre au travail...

Pour le petit-déjeuner,on me préparait des biscuits à l'érable,des petits gâteaux à l'érables,des carrés d'érables,des muffins à l'érable.Elle me tirai doucement pour que je la suive dans la grande salle à manger.Sasha était recroquevillée dans un coin,une grimace sur son visage fin et blanc,je l'ignorai.Je regarde ma petite soeur à nouveau,incertaine quant à la manière dont je devrais lui parler.

-Que fait-elle ici?je demande,ma voix est rauque dûe au manque de sommeil.

-Tu devais le savoir en venant,j'imagine,non?répondit ma petite soeur.Je suis punie.

Je prends la liberté de m'asseoir au bord du sofa où elle avait dû passer la nuit.Elle semblait vraiment vexée,peut-être même se sentait elle trahie parce que maman n'avait pas pris sa défense.

-Non,ce n'est pas possible,maman n'est pas comme ça,elle n'a pas pu laisser faire ça,comment aurait-elle pu?Comment aurait-elle pu?

-Il faut parfois que les parents prennent à contrecoeur ce genre de décisions pour le bien de leurs enfants,soupirai-je.

Heuh,je n'aurais pas dû dire ça,là.

Elle se met à pleurer,en répétant le nom de sa mère et en se frottant les yeux,ce qui déclenche  chez moi une réaction spontanée,je pose la main sur son épaule:

-Désolée.

C'est là que maman arriva,comme si elle nous avait entendue,mais elle dit juste:

-La cuisinière aurait aimé que vous y goûtiez.

Elle dépose l'assiette sur le bureau,et me regarde avant de se tourner rapidement vers son autre fille,l'oeil vif.

-Essaie les carrés en premier,Fifi vient de me montrer comment appliquer le glaçage,regarde les jolies petites fleurs.

-Je veux plus te parler,répondit Sasha.

-Bien,mais je ne vais pas à la cérémonie à la synagogue,donc je pensais que nous resterions ensemble,toutes les deux à la maison...

Je savais que Sasha s'en souvenait très bien,j'espérais donc qu'elle changerait d'avis et que maman redeviendrait son petit jouet adoré.

-Que voulais-tu dire par tu ne vas pas aller à la cérémonie?demanda soudain Aïsha,qui était réveillée,maintenant,toujours au bon moment.

La fourchette de maman,qui tripotait déjà le plat de Sasha,tombe de ses mains et se fracasse contre l'assiette de porcelaine.Les trois soeurs,dont moi,la regardent,s'attendant à ce qu'elle réponde.