Vitesse et neige.

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1er mars

-Vizille!dit bruyamment Mara,en tapant des mains comme une enfant,du haut de ses six ans.

-Oh mon dieu,soufflai Zygmunt,agacé par sa petite soeur,en appuyant sa tête sur le dos du siège de la navette qui nous emmenait dans cette ville.

-Veux-tu bien te calmer,le réprimanda doucement sa mère.Soit calme,mon grand,laisse ta petite soeur innocente prendre du plaisir à ça...

-Oui,ajouta son père,Zdzich,chacun son tour d'avoir six ans.

Zygmunt a un peu râlé,puis il s'est penché vers moi:

-Elle s'amuse beaucoup trop avec ses petits jeux,mais bon,faut dire qu'elle est vraiment trop gentille.

-Ok.

J'ai regardé son regard,j'ai vu qu'il était sournois,puis on s'est arrêté sur une petite place enneigée,bordée de bâtiments aux murs crèmes,et c'est là que j'ai compris comment les choses fonctionnaient ici:tout ce qui n'est pas sublime est moche,heureusement que presque tout est sublime.

Ewa,la mère blonde aux yeux bleus un peu naïve,était tellement émue et fière que sa fille accède à la sacro-sainte éducation,qu'elle dut s'excuser de se tamponner les yeux pour essuyer ses larmes.C'est à ça qu'on voit qu'on a affaire à une maman juive et à un papa juif,leur attache à l'éducation,à ce qui fait leur grande spécificité:être le peuple du livre.De toute façon,Mara sait lire depuis bien longtemps,mais elle a l'occasion de le montrer à sa classe de petits illéttrés.

-Peut-être que vous trois,commenca à proposer mon père aux trois adolescents,vous pouvez aller au magasin au bout de la rue au lieu d'aller acheter le gâteau avec nous.

-Bonne idée,fit Aïsha.Par contre les deux gnomes ils dégagent de mes pattes dés qu'on entre.

Je tiens à rappeler que elle est de la haute société...

-Arrêtez,vous ne pourrez pas vous disputer comme ça pendant tout le voyage.Il ne nous reste que deux jours.Personne ne serait capable de le supporter s'il vous plaît arrêtez,supplia mon père,qui ne voudrait pas prendre le bord de sa fille contre le seul héritier mâle.

-Ok,j'ai soupiré.

-D'accord,souffla Aïsha.

Zdzich a commandé u mille-feuille chez un très grand patissier,et nous avons fait du lèche-vitrine entre toutes les dames de la bonne société qui allaient en montagne mais qui voulaient quand même profiter un peu de la ville,comme nous.

2 mars

-Le quai est un peu instable,mais assez solide,dit Zygmunt alors que nous faisions notre dernière sortie à ski de l'année,et qu'encore une fois il témoignait d'une connaissance louche de ce domaine où il ne se rend que pour la toute première fois...

Ce pont mène directement à une sorte de promontoire d'où la vue est incroyable.Une immensité fraîche et pure,où la neige camouflait toute la montagne,réalisant l'exploit de la rendre à la fois limpide et mystérieuse.

-Génial,remarque Aïsha,non ironiquement.

-La température d'aujourd'hui est incroyable,j'ai constaté en enlevant mes épaisseurs,on se croirait en juin.

J'avais vraiment trop chaud,pourtant il avait neigé les journées précédentes.

-Tu vas travailler ton bronzage,demanda Zygmunt,voyant à quel point j'étais pâle.Nous l'étions tous.

-Je n'aurais pas besoin d'un bronzage à Paris.

Ce qui revenait à dire que là-bas presque tous les garçons étaient hideux.Pas comme lui.

-Ah là là,j'ai fait,dire que c'est le dernier jour et qu'on part demain...

-On redescend?demande Aïsha.

-Pourquoi?Tu veux rejoindre des adultes dans une pièce fermée à clé pour parler de trucs ennuyeux,comme la politique?

J'adore la façon dégoûtée que Sasha a de dire le mot politique.

-Non.

L'opinion d'Aïsha avait déjà changé.Sasha est dominatrice.

Je regarde ses yeux innocents alors qu'elle me fixe en train de me rhabiller.Qu'elle s'occupe de ses affaires.

L'après-midi consistait à un grand atelier rangement,largement secondés par une domestique.

-Tu es certaine de ne pas vouloir revenir?demandait mon père à ma grande soeur.

Elle ne prend même pas la peine de lui répondre.A la place,elle pose les coudes sur ses épaules,et elle lace ses cheveux blonds d'un ruban.

J'ai entendu cette conversation alors que j'étais dans mon bain.J'avais les cheveux noirs et longs pleins de shampooing blanc,au milieu des valises pleines de parfums,d'exfoliants et de cosmétiques,avec la lumière des lampes d'or sur la baignoire.Cela ne donne rien de perdre du temps pour les valises.

J'étais une vraie beauté du monde.J'aime me regarder danser,j'aime m'écouter parler.Dire que la plupart des gens n'aiment pas mes origines,ni mon comportement,ni mon physique,et que leur haine est telle que j'en secoue la tête avec incrédulité.

A chaque fois que je me fais agresser,je me dis que ce ne serait pas la première fois qu'une folle me ferait ça.

3 mars.

Le paysage enneigé défile face à moi,derrière moi.Mon visage légèrement souriant fait face à la lumière blanche des montagnes,cachant un cerveau cherchant à oublier ce qui l'attend la semaine prochaine.Mais je ne peux quasiment pas m'en rendre compte.Je cherche une chaise à bras dorée,et je m'enroule dans une couverture,une fois que les montagnes ont disparu,et là tout disparut,et tout ce qui m'attendait revint.

Un garçon est venu nous voir,il était intéressé,par nos glaçons et par un de nos appartements.Il était écossais,et je n'ai rien dit,je n'ai même pas fait l'effort de tourner le visage vers lui.J'ai trop la haine et la rage qui m'envahissent à l'idée de remonter vers la capitale.

J'entends déjà dehors un martèlement de poings qui signifie que mon père est énervé.Dans notre compartiment,on entendait seulement le bruit des oreillers contre les corps de femmes de la haute société.Les femmes,c'est le silence,magnifiquement sourd,et les hommes,mon père,c'est le marteau qui détruit tout sur son passage,alors qu'il est à la tête d'une famille et d'une entreprise qu'il est censé édifier.

Ania.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant