22 Avril 1912.

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J'eus deux impressions en me réveillant ce matin.La première,c'était que ma mère allait se pencher vers moi et m'offrir un sourire blanc et radieux dont je n'aurais pas hérité.Ma mère était toujours optimiste et joyeuse.Et triste aussi.Et mélancolique.

J'ai cru que j'allais me pencher par la fenêtre,regarder les fleurs,il m'en faut pas beaucoup pour râcler quelques petits moments de bonheur.C'est pour ce genre de moments que je ne voulais pas raconter à ma mère.Son visage fut un court instant remplacé par celui de Tristan,qui se brouilla pour laisser apparaître Alizzia qui demandait si j'avais vu sa culotte bouffante.J'ai répondu non avec déception.

-écoutez-moi bien,a fait Leslie,toujours aussi gracieuse malgré son appartenance à la noblesse.Allez chercher du muesli au yaourt en bas,moi je vais pisser.

-On est toutes ravies de le savoir,a fait Katty.Sinon,on essaiera de sortir d'ici.Je pense que ça me fera peut-être un peu respirer,j'ai la poitrine comp-pressée.

L'argument,ça nous fera du bien me plongea dans une profonde réflexion.Je ne doutais pas qu'il existât une échappatoire,mais laquelle?

La Révolte.Je l'ai toujours dit à mes amies,je suis une révoltée comme ceux de ma religion.Je me révolterais peut-être,contre ce système de classe social,contre cette course au fric,contre cette dramatique prétention humaine,pendant la seule période libre de ma vie,l'adulescence.

Quand j'aurais 25 ans je m'apercevrais que je ne suis pas mariée,que j'aurais dilapidé la fortune de papa dans ce qui était le but inverse des conséquences,et j'aurais honte.Voilà ce que j'ai pensé pendant que les autres filles organisaient la journée.J'ai quitté les tenues excentriques achetées pendant les jours où je faisais un peu comme les autres,les boutiques dans la ville,pour une veste cintrée,une longue robe noire et des collants blancs,et j'ai résumé mon interminable chevelure noire reliée en des nattes de danseuse populaire à un désolant chignon.Néanmoins,j'étais soulagée qu'un guide emmène ces demoiselles en ville.Et là,il a bien fallu nous rendre à l'évidence.Même si elle a été construite par des européens (comme nous),tout est différent entre la France et les USA.L'attitude des gens,l'architecture,leurs boutiques.Je ne reconnais que les vêtements,et l'anglais,langue la plus parlée dans cette ville cosmopolite.J'ai fait semblant de chercher quelqu'un,de fixer un point dans cette atmosphère fausse et dérangeante.

Ce soir,affalée sur le lit de l'hôtel,toit pour ma lettre,je repensais à ce qui s'était passé il y a une semaine.Je sais que quand je serais rentré et que je m'allongerai sur mon lit de petite fille,ce sera pareil.Je me souviens,exactement trois jours auparavant,avoir appris qu'ils faisaient des recherches sur les lieux du naufrage et que des identifications étaient possibles.J'en revenais toujours pas.J'aimais un garçon pour la première fois de ma vie,et il mourait moins d'une semaine après.Je le dis dans chacune de mes lettres.Je me demandais aussi,après,ce que Katty avait trouvé à Brian.Je vois pas trop ce qui avait pu se passer dans l'ordre du monde du cosmos et des choses pour ce que ma fille tombe amoureuse d'un garçon aussi...génialement agaçant.

Katty est arrivée à ce moment là,claquant la porte grande ouverte sur notre chambre.

-C'est devenu une habitude d'effrayer les gens chez toi?

-C'était pas l'effet recherché Ania.Tu le sais,a-t-elle répondu tristement.

Elle était exaspérée,et elle transforma la douce lumière chaleureuse de la lampe de chevet en une criarde lumière directe.Elle est venue s'asseoir auprès de moi.

-J'ai envie d'aller m'allonger dans l'herbe comme cet après-midi,ai-je fait.

-Moi j'ai envie de rentrer à Paris,mais dieu faites que je ne prenne pas le bateau!Tout me rappellera ce qui s'est passé!

Ania.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant