Ania.

9 avril 1912 Partie II.

Nous avions repris le train pour Southampton,la maison était bien loin désormais.La question de la cohabitation avec les autres ne se posait plus,nous avions notre chambre particulière.Un souvenir,incroyable,vivace comme une vision du future,continue de me hanter,mais je dois attendre avant d'en parler.

Les autres filles avaient chacune des chambres séparées,et à part quelques résidents irlandais et notre enseignante,nous étions les seules de notre étage.Ces irlandais n'avaient aucune raison de nous tenir pour ennemis.Aux autres étages résidaient des Romains,de la ville de Rome,que les filles essayèrent de séduire,vu que ces étrangers restaient chez eux à manger leur propre caviar,et qu'il est de bon ton de séduire des italiens.

On est pas arrivé très tard,14H30.Et l'enseignante,à part une visite de l'établissement,n'est pas intervenue dans notre temps libre.On est arrivé devant cet élégant manoir anglais de pierres noires,située dans une rue ombragée près d'une grande place.Il faisait bien plus chaud,mais les côtes anglaises sont connues pour leur météo changeante.Je me suis un peu déshabillée,alors.

On est d'abord entrés dans un hall carrelé d'une terre cuite fauve.Les murs étaient peints d'un beige étrangement sauvage et sablonneux,où étaient accrochés des citations,des maximes,qui ont du plaire aux propriétaires.

Un grand escalier avec une élégante rampe en fer forgé d'inspiration,mon chemisier blanc marine dans ma main,et qui s'arrachait quand je passais dans cet escalier.La chaleur était réellement torride,étouffante,comme si la météo était déreglée.Ou alors était-ce parce que mon rêve était devenu réalité...

En réalité,j'avais quitté le monde de la logique pour atterir dans celui de l'absurde.Notre chambre était vraiment nue,même pour nous quatre.J'avais l'impression d'avoir intégré un couvent de province.

-Tu as raison,fit Alizzia,ça n'a pas de sens,et surtout,j'ai l'impression d'être chez moi à paris.

-C'est la première fois que tu te dis que tu te sens chez toi à Paris lui glissa Katty.

Nous avions,dans cette chambre à quatres lits blancs et simples,un bureau sombre en bois tropical certes,mais également une armoire en tissu de mauvaise jute,et une fenêtre unique,qui allait du sol au plafond,sans balcon.

Notre voisin d'en face était d'origine irlandaise,comme pas mal de gens.Ce qui fait qu'à première vue il semblait assez ordinaire.Mais non.Il était vraiment beau,le genre de gens dont les regards se tournent sur son passage.Mais j'avais assez de respect pour ne pas lui adresser la parole.Même si il était si beau,un visage très fin et des cheveux très bruns,bref l'homme idéal,parfait.On est restées pas mal de temps enfermées dans notre chambre,sur le parquet clair devant la fenêtre,avant de se décider à sortir pendant la soirée,juste avant de manger.

-Pourquoi vous voulez sortir?nous demanda Alizzia,qui ne voulait pas parce que la température avait baissé de manière spectaculaire.

-Je ne vois pas pourquoi je devrais me justifier,j'ai fait en réajustant la veste de mon tailleur bleu marine,ainsi que les broches fleuries,auxquelles je faisais très attention.

-Dans ce cas,tu ne vois aucune objection à ce que je fasse ça alors?fit leslie.

Elle s'approcha dangereusement de moi et me souleva dans les airs,comme si elle voulait que je glisse de mon tailleur.Je la repoussai violemment,et dans cette chambre d'hôtel commune éclairée par une lumière déjà vacillante,je voyais déjà le spectre d'une scène de viol conjugal.Instantanément,je sus que le voyage dresserait une barrière entre les deux couples d'amies qui constituaient ce groupe d'amies.

-Tu penses vraiment qu'on va se faire agresser?Alors qu'on s'est baladée seules pleins de fois?renifla Katty avec dédein.

Si quelques instants,la ville anglaise m'avait paru accessible et conquérable,comme dans un roman du XIXème siècle,elle me sembla à présent aussi inaccessible qu'une planète du système solaire.Et pourtant nous sommes sorties.Je me sentais littéralement fébrile.Si fébrile et malade que soudain je vacillai dangereusement.Alarmée,Katty m'attrapa brusquement par les épaules,avant de m'entraîner dans un coin sombre à l'abri des regards.