Acariâtre. Voilà le mot que papa utilisait pour décrire mon attitude qui durait maintenant cinq jours. Exactement une semaine, depuis que je suis tombé de l'arbre, et que je me suis fait une entorse. Dire que je me rappelais exactement ce qui s'est passé serait mentir à ma propre conscience; mais ce qui était certain les yeux de l'animal me hantaient encore et encore....
Utiliser ma béquille m'était devenu insupportable. Maman est resté prendre soin de moi, mais des fois je vois bien que je l'exasperais ! J'exasperais tout le monde. Je pressai la sonnerie pour la énième fois de la semaine, maman apparut au seuil en se massant les tympans ....- Quoi encore..
- J'ai encore mal ...
- Haïs, il y a dix minutes que je t'ai donné tes calmants... pour que ça agisse faut rester tranquil.
- Je ne peux pas supporter...
Elle s'approcha de moi..
- Tu veux prendre de l'air ?
- Non.
- Tu veux sortir faire un tour ?
- Je n'ai pas envie.
-Tu veux que je t'apporte un truc à grignoter?
- Non appel tante Célia, dis-lui de te prescrire de la morphine.
Elle écarquilla des yeux...
- C'est trop pour une entorse comme celle-ci.
- Moi ...j'ai mal.
- Calme toi mon petit prince...
Rare était les fois qu'elle me gavait d'autant d'affection.Elle balaya la pièce des yeux ...
- Pourquoi il y a t-il un décor si sinistre la dans ? Simulation d'ombres rouge et noir ça fait peur.
- Je me sens bien là dans.
- Ahh...
- Appel tante Célia stp.
- Non.
- J'ai mal.
Elle garda une patience d'ange, tandis que je me trouvais moi-même insupportable.
- Ça va se calmer.
-Si c'était pour papa tu l'aurais fait. Me plaignis-je
- Haïs je t'en pries.
- Appel Lya.
- Il est dix-huit heures, on est mercredi. Je crois bien qu'elle a école demain.
- T'es nulle.
- Merci.
- Dis à papa de me rapporter quelque
Chose...- Comme quoi?
- N'importe quoi...
- Cela suffit tes caprices. S'enerva-t-elle !
Elle sortit de la chambre et referma la porte avec lassitude. Je n'ai rien dit à propos du chien. Ils me prendraient tous pour un con. Je finis par m'endormir en l'espace de quelques minutes; ce qui allégea ma douleur... je fus réveillé des secondes plus tard par maman qui toquait à la porte.
Elle apparut avec Scirsey, vêtue en hippie... On aurait dit sa copie conforme.- Haïs ton père et moi emmenons Scircey manger une glace, tu veux venir ?
- Non.
- Ok. Dans ce cas... reste allongé et ne sors pas ...
Je hochai affirmativement de la tête et refermai immédiatement mes yeux lorsque la porte se referma... Des minutes plus tard, j'étais fatigué de rester allonger. Avec peine, je saisis de mes béquilles et me dirigeai vers le couloir en grimaçant de douleur. Mes pas me guidèrent vers la chambre de curiosité, fallait que j'y retourne... j'avais l'impression que ce dreadlocks était de plus en plus présent dans ma vie. Il y prenait une place importante. D'une main hésitante, je fis tournai le poignet, mais elle était verrouillée. Je pestai pendant plus de trente seconde et finalement abandonna mon envie de satisfaire ma curiosité. J'avais à peine tourné le dos, que la porte s'ouvrit seul dans un grincement lugubre. Un peu surpris, je fronçai les sourcils puis dans un haussement d'épaules, j'y pénétrai en allumant l'interrupteur. Je me dirigeai directement vers où j'étais tombé sur le fameux tableau... il y était encore adossé dans un coin reculé de la pièce. Ses yeux me fixaient intensément. Maman était une artiste très douée, ses dessins te donnaient souvent l'impression d'être plongé dans un monde fictif et à la fois réel... je scrutai à nouveau ses traits ; sa mâchoire carrée, ses lèvres légèrement charnues et le plus captivant ce regard glacial mais hypnotisant. Je me saisis de l'album d'exposition de maman classé dans ses dossiers datant de onze ans auparavant. Je tombai nez à nez avec lui...il n'y avait que pour lui et l'océan, que pour lui et les coulées abondantes du bassin bleu. Ses toiles avaient toutes été vendues, je parcourrai la fiche de vente et là mes artères firent pomper mon sang à une vitesse irrégulière lorsque le nom de l'œuvre s'afficha sous mes yeux "Haïs"...ils portaient tous mon nom ...
Je refermai rapidement l'album, de peur d'en savoir beaucoup trop ! Ma migraine refit surface, je fis craquer mon cou en fermant les yeux... je les rouvris ma vision se brouilla. Je me ressaisis, lorsque les phares de la voiture de papa klaxonna pour faire signe au gardien de l'ouvrir.
Je refermai la porte et me glissai sous mes couvertures. Je ne m'étais pas encore remis de ma découverte et plus j'avancais sur cette piste qui me paraissait dangereuse, plus mes doutes se propageaient comme un cancer. Distrait un instant par ces ombres rouges et noirs qui jouaient dans tout les recoins de ma chambre, je ne remarquai pas maman qui s'approchait de moi avec un pot de crème glacé bleu mêlée de pépites de chocolats ...- Je t'ai rapporté ça.
- J'en veux pas..
- Comment va ton pied.
- Mal... j'ai mal... appele tante Célia...
- Non. Je t'ai dit non.
Brusquement je pris une décision dont j'ignorais le rapport...
- Je veux changer de garde-robe.
- Pourquoi ?
- Je veux du noir... que du noir.
Troublée, elle me sourit... mais quelque chose dans son regard avait changé... elle semblait affectée par ma décision.
- Tu ne veux pas du bleu?
- Non.
- Ce... ce n'est plus ta couleur préférée.
- Haïs.
- Pourquoi tu cites ton prénom ?
- Le dreadlocks il s'appelait Haïs... c'est bien cela ?
Sous l'effet de la surprise, elle laissa tomber le flacon de comprimé qu'elle s'apprêtait à m'administrer... elle se ressaisit des secondes après.
- Tu as encore fouillé dans mes affaires?
- Alors
- Tiens tes comprimés.
- Je n'en veux pas.
Elle soupira..
- Arrêtes de faire le gamin Kereem.
- Tu m'appelles rarement Kereem... Tu trompais papa ? Haïs c'était qui ? Quel rapport qu'il a avec moi... pourquoi je porte le prénom d'un demon qui hante mes nuits et mes rêves.
- Ça suffit Haïs... ça suffit.
Elle sortit de la chambre en claquant presque la porte . Sous l'effet de la colère, j'envoyai valser le verre d'eau déposé sur ma table de chevet ! La coulée de l'eau me fit sourire...un sourire qui m'effrayait moi-même.
.Haïs et son nouveau look en média
