UN PARFUM DE CULPABILITE(juin 846)Mike Zacharias

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Je sors de l'hôpital où Lynne est encore en convalescence

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Je sors de l'hôpital où Lynne est encore en convalescence. La pauvre a beaucoup souffert lors du retour ; elle a du tenir à elle seule une bande de titans tandis que les civils couraient vers la porte de Trost. Je m'en veux de ne pas avoir pu l'aider mais mes autres hommes avaient fort à faire de leur côté, et la situation nous a séparés sur le terrain. Elle a un bras plâtré et une jambe en mauvais état mais le médecin m'a certifié qu'elle se remettrait. Lynne a souri à travers le bandage qu'elle avait sur le visage en entendant ces mots. Les explorateurs ont une volonté si inébranlable... Même après avoir traversé un tel enfer, ils ne peuvent simplement rester sur le côté. Je suis fier de mon escouade.

Gelgar, Nanaba et Henning se portent mieux et sont sortis hier. Ils étaient bien contents de retourner à leurs devoirs, même si je leur ai donné des jours de congé supplémentaires. Ils m'ont répondu qu'ils s'étaient assez reposés et que je devais avoir trop de travail administratif barbant, alors ils se sont proposés pour m'aider. En vérité, c'est surtout Erwin qui croule sous la tache. Les courriers de toutes sortes - réclamations, menaces, félicitations - s'accumulent dans son bureau, et s'alignent même sur les meubles contre le mur. Il ne sort presque plus... Les mauvaises langues disent qu'il se cache pour éviter les journalistes curieux.

Nous seuls - Hanji, Livaï et moi - savons ce qu'il en est. Il est fatigué et gérer tous ces problèmes avec le public en plus de son travail d'administration, c'est trop pour lui. On veille scrupuleusement à sa tranquillité. Il a refusé de nous donner un peu de son boulot, et il nous chasse même de son bureau la plupart du temps. Il ne veut pas de réconfort... mais j'ai dans l'idée qu'il nous cache des choses. Une intuition. Il s'est mis récemment à trimballer une odeur... suspecte. Je l'ai remarquée car il n'en a pas d'habitude. Et quand j'essaie de m'approcher pour comprendre ce qu'elle veut dire, il fait en sorte de s'éloigner ou de me claquer la porte au nez. Il veut peut-être me le casser pour que je cesse de le fourrer partout... mais il ne m'aura pas comme ça.

Je suis bien décidé à en savoir plus. Alors je monte à son étage en espérant pouvoir me glisser dans son antre quelques instants.

Les marches défilent et me voilà dans le couloir. J'avance à pas de loup vers la porte d'Erwin et colle mon oreille contre le bois. Je perçois de subtils grattements sur du papier. Il est là, évidemment. Où pourrait-il être ? Il a toutes les commodités attenantes à son bureau, il n'aurait besoin de sortir que pour manger. Même pour ça, il ne se montre plus guère... Je m'inquiète pour mon vieux camarade.

Je toque du doigt et pousse le battant. Je glisse ma tête à l'intérieur. Il ne lève même pas les yeux sur moi. Je saisis tout de suite au vol un parfum épais, tout à fait inhabituel, qui n'est pas d'origine humaine. Ca ressemble à de la citronnelle, mêlée à une odeur de vin éventé... Je n'ai jamais senti ça auparavant. Oh, toi... tu me caches quelque chose. A nous tous.

J'avance lentement, les mains dans le dos, faisant semblant de ne rien remarquer. Des perles de sueur coulent sur le visage d'Erwin. Il fait très chaud aujourd'hui. Mais même dans ces conditions, Erwin n'est pas du genre à transpirer. Et je doute que seul le travail de bureau le mette dans cet état. Et c'est cette odeur que j'ai sentie la dernière fois et qui m'a retourné. Celle de sa transpiration. Cela m'évoque immédiatement un signal d'alarme, et allume quelque chose en moi.

Ne me dis pas que tu as placé cette fragrance épaisse dans le but de masquer cette odeur parce que tu savais que je la remarquerais et que je trouverais ça étrange ? Tu n'es pas un stratège à ce point-là ? Et bien, cela ne marche que partiellement. Le parfum de sa nervosité flotte tout de même jusqu'à moi, car je suis capable de l'isoler des autres. Tu ne m'auras pas comme ça, vieux.

Il relève enfin la tête. Une goutte tombe sur son parchemin. Je fouille dans ma poche et lui tends un mouchoir qui y traînait. Il le prend et se tamponne le visage. Tu devrais lever le pied, prendre l'air un peu... Tu ressembles à un mort vivant. En vrai, tout en lui paraît plus pâle et éteint. Malgré sa transpiration, on ne sent pas la chaleur émaner de lui. Il semble froid et dur, comme de la pierre. C'est l'effet qu'il fait aux nouveaux, mais pas à moi d'habitude. Je me demande si les autres ont remarqué ou si je suis le seul...

Il ne dit rien, et retourne à la lecture de son document, mais je me doute qu'il ne lit pas vraiment. Cependant, il ne m'a pas demandé de sortir, dois-je le prendre comme un signe de... quelque chose ? Je me cale contre le bureau et croise les bras. Tu veux me parler ? Tu nous as pas dit grand chose depuis notre retour. Tu as des tas de raison de te tracasser, pour sûr. Mais ça me paraît plus compliqué que ça, pas vrai ?

Il pose ses papiers et pose son menton sur ses mains. On a échoué, ok ? Tous ensemble. C'est pas quelque chose que tu dois porter seul. On était tous partants sur ce coup. Ouais, j'étais pas chaud, c'est vrai. Mais personne te reproche d'avoir essayé. Si tu as... autre chose sur la conscience dont tu veux te décharger... tu sais, nous ne sommes pas seulement tes subordonnés, mais surtout tes amis...

Il se lève de son fauteuil et son mouvement mêle de nouveau le parfum de sa transpiration et celui de la citronnelle. Je crois que c'est la seule odeur que je pourrais lui associer maintenant. Elle n'est pas désagréable, mais elle ne m'évoque rien de positif... Je sens qu'il retient quelque chose de grave et qui le ronge... Qu'est-ce que ça peut être ?

Il dit enfin qu'il va organiser une réunion spéciale, pour nous quatre, et qu'à ce moment il aura quelque chose à nous dire. Quelque chose d'important. Quand ? Bientôt. Ok... Prends le temps qu'il te faut mais tarde pas trop. Tu te sentiras mieux après. Et... aère un peu la pièce aussi. On sent que tu es pas sorti de là depuis un moment. Si Livaï rentre là-dedans, il va nous faire un malaise !

Je ne parviens pas à lui arracher un sourire. Mentionner le nain pour plaisanter y parvient toujours d'habitude. Mais pas cette fois... Je crois même qu'il s'est renfrogné davantage au moment où j'ai prononcé son nom...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant