L'EAU QUI MENE A LA MER(février 846)Nadja Rosewitha

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La journée d'hier a été rude

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La journée d'hier a été rude. Le caporal-chef nous avait assuré que ce serait facile et vite réglé, mais tenir notre position plusieurs heures face aux titans était éreintant. Ils étaient moins nombreux à la fin, nous avons pu souffler. Et apparemment tout ceci a été fructueux.

Je brosse la croupe de mon cheval en fredonnant un air de mon enfance. Je suis seule dans l'écurie et j'apprécie cette solitude temporaire. C'est beaucoup plus difficile de se trouver du temps à soi dans le bataillon ; dans la garnison, tout le monde reste dans son coin hormis pour boire ou jouer aux dés, mais ici on est très souvent sollicité car ce régiment est basé sur l'entente et le travail d'équipe. Je ne pense pas que nous retournerons en expédition tout de suite, alors je suppose que nos supérieurs vont nous donner quartier libre, le temps d'analyser les rapports.

Je pense que faire un tour en ville pour aider la garnison plaira à tout le monde. Je demanderait à Erd et Gunther s'ils veulent le faire aussi. Quant à Claus... Mmh, il n'est pas dans son assiette depuis hier. Le caporal-chef l'a un peu engueulé, et je me suis sentie désolée pour lui. C'est vrai qu'il a laissé ce titan dépasser nos lignes afin de m'aider à achever le mien, il n'aurait pas du. Mais du coup, je me considère comme un peu fautive dans tout ça... Je ne devrais pas, mais...

Bah, il a de la réserve, il ira mieux bientôt. Il a besoin de se vider la tête ; ce n'est pas la première fois que le caporal-chef nous réprimande, c'est pour nous rendre meilleurs. Nous accompagner pourrait être une bonne thérapie. Il fait souvent bande à part mais j'aimerais qu'il s'implique davantage dans nos activités, au lieu de rester ici à éplucher des patates ou récurer les sols...

J'entends un pas sur le pavé de l'écurie. Je cesse de chantonner et essaie de déterminer de qui il s'agit. Quand on parle de lui... Je reconnais aussitôt sa manière très énergique de faire claquer ses bottes par terre. Bon, au moins, il se remet ; il traînait les pieds hier. Cela me redonne le sourire malgré moi. Hors de question que mon partenaire broie du noir !

Je lève la tête par-dessus le dos de mon cheval et je le vois s'accouder à la porte du box. Il ne sourit pas comme d'habitude mais son air semble plus enjoué. Je lui demande s'il n'a pas des chevaux à étriller et il me répond qu'il n'a plus de bras à force de passer le balai. Tu le fais sans même que le caporal-chef te le demande maintenant ? Tu veux qu'il soit fier de toi, c'est ça ? Il grommelle dans sa barbe que c'était la seule chose qu'il pouvait faire pour se faire pardonner le fiasco d'hier. N'exagère pas, personne n'est mort. Ca arrive de faire des erreurs ; le caporal-chef lui-même a du en faire un jour.

Il retrouve le sourire, attrape un bouchon et entre dans la stalle. Il se met à démêler la queue de ma monture sans dire un mot, mais insensiblement il se rapproche de moi. Ce n'est pas que ça me gêne mais il ne faut pas qu'il imagine que je ne vois pas son manège. Je ne sens aucune... menace émaner de lui... mais... aah, j'ai passé trop de temps dans la garnison avec des hommes sans gêne. Claus est à peine un adulte, il ne s'abaisserait pas aux mêmes méthodes. Je ne le repousse pas mais cela me rappelle quelque chose dont je voulais l'informer.

Le caporal-chef m'a dit hier qu'il est dangereux pour deux explorateurs de voler trop près l'un de l'autre, comme nous l'avons fait. Il vaudrait mieux que tu gardes tes distances la prochaine fois, sinon il va encore t'attraper. Il hoche la tête sans me regarder, il semble vexé par mes propos. J'essaie de changer de sujet.

J'ai cru comprendre qu'il avait déjà eu un accident de ce genre, tu imagines ce qui a pu se passer ? Si ça a pu arriver à quelqu'un d'aussi doué que lui, je pense que nous devrions réellement faire attention. On s'aidera mieux en restant à distance, en se concentrant sur nos propres objectifs. Il murmure qu'il ne veut pas que je sois en danger, et sa prévenance me touche plus que je ne l'aurais pensé... Il a l'air si triste et gêné de me dire ça que ne je sais pas comment réagir sur le moment... Je choisis de rester neutre.

Je ne risque pas plus ma vie que toi, tu sais. Je sais me battre. Je pourrais même mettre n'importe quel type à terre d'un seul geste si je voulais ! Il rigole et demande une preuve, sinon il ne me croira pas. Ca ferait désordre si je te couchais sur ce tas de paille ! Mais si tu veux, tu peux venir avec nous, en ville. Je vais demander à Erd et Gunther s'ils veulent filer un coup de main à la garnison sur la voie publique. Il y aura peut-être des malfrats à arrêter, et je te montrerai !

Il se remet à bouchonner les flancs du cheval, sans énergie, la tête ailleurs. Tu devrais le faire, tu n'auras pas le caporal-chef sur le dos, pour une fois. On ira boire un verre tous les quatre, c'est pas si souvent. Je vous montrerais des coins de Trost que vous ne connaissez pas.

Mes mots doivent lui faire du bien car il accepte finalement l'invitation.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant