Sans ambition, il n'y a pas de talent(août 846)Erwin Smith

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Mon rapport enfin rendu, je peux respirer librement de nouveau

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Mon rapport enfin rendu, je peux respirer librement de nouveau. Nos résultats ont satisfait le généralissime ; comme si la reprise d'un simple avant-poste était suffisante pour eux... Ca ne l'est pas pour moi, mais faute de grive, on mange des merles. Je dois continuer à endormir leurs exigences le temps d'avoir de nouvelles idées.

Je vais définitivement allouer un budget plus conséquent à Hanji pour ses recherches, cela ne peut qu'être bénéfique au bataillon ; mais cela me contraindra à des expéditions moins risquées avec peu de soldats pour équilibrer les comptes. Pendant encore combien de temps se contenteront-ils de ça ? Et les explorateurs, ne vont-ils pas se lasser eux aussi de cet immobilisme ?

Je me dirige vers mon bureau après avoir traversé tout le QGR et, comme à son habitude, Livaï m'attend dans le couloir. Le dos nonchalamment appuyé contre le mur, en équilibre sur une jambe, les bras croisés, il semble dormir, le visage baissé vers le sol. Il ne faut pas s'y fier, Livaï ne dort jamais vraiment. Il est toujours sur le qui-vive, prêt à bondir à la moindre alerte. C'est étrange mais cela me rappelle... un autre jour, dans un autre couloir, lors d'une triste expédition. Il attendait exactement dans la même position, montant la garde pour signaler à ses amis mon arrivée. Je l'ai tout de suite deviné. C'était la première fois que nous nous parlions sans violence... Je me souviens d'avoir tenté une approche plus amicale, l'interrogeant sur sa vie dans le régiment ; je l'ai aussi félicité pour ses exploits. Je ne suis pas sûr encore aujourd'hui de ce que tout ceci a provoqué en lui... mais après tout, il est là, n'est-ce pas ?

Je me doute de l'objet de la discussion que nous allons avoir. Il ne m'a pas échappé qu'il est revenu à Trost à la tête d'une petite troupe de recrues et son regard ne les a pas quittés plus d'une minute. Je déverrouille la porte, entre, et il me suit sans attendre d'invitation, comme mon ombre. Il vient s'asseoir sur le bureau avant même que je n'y prenne place. C'est le signe qu'il a pris une décision importante, autrement il serait allé se caler dans le divan ; il adore ce divan...

Je me demande toujours avec inquiétude pour qui je passerais si un de mes pairs pénétrait dans la pièce et voyait ainsi mon subordonné dans cette attitude dénuée de tout protocole... Je suppose que je serais encore obligé de l'excuser en prétextant que son talent compense largement ses mauvaises manières, ou que je privilégie le bien-être de mes camarades avant celui du mobilier... Espérons que cela n'arrive jamais, j'aimerais éviter ce désagrément...

Tu ne vas pas prendre un bain ? Je pensais que ce serait ton premier geste... Dois-je comprendre que notre petite sortie n'était pas si éreintante ? Il hoche la tête sans mot dire. Tu as raison. C'était assez pitoyable mais au moins personne n'a été tué et mes supérieurs sont satisfaits. Ils nous laisseront tranquilles un moment. De ton côté... s'il te plaît, dis-moi que tu as trouvé des recrues pour ton escouade, ce serait la meilleure nouvelle depuis plusieurs jours.

Il hausse un sourcils et grince des dents, maugréant que je gâche tout avec mon intuition. Ne me dis pas que cela t'étonne encore. Alors, j'ai vu juste ? Tu as déjà des noms et tu viens me les soumettre ? Tu as discuté avec les jeunes ? Qu'as-tu vu durant l'expédition ? Il me confie qu'il n'est pas encore sûr de lui mais que deux candidats assez exceptionnels lui ont tapé dans l'oeil. Il ne leur a pas demandé leurs noms car il ne sait pas encore s'il va leur faire rejoindre l'escouade, mais qu'il va observer leurs entraînements avec attention. Ah ! tu as repris goût à ton rôle de caporal, bien, très bien ! J'ai confiance en ton jugement...

Il me regarde de travers, comme si je lui avais volé quelque chose qui lui appartenait en propre, puis se met à triturer mon encrier. Il y a un problème ? Tu sais que je donnerais mon aval pour n'importe quel candidat que tu me présenteras, tu n'as pas à t'en faire. Il me répond qu'il y a effectivement un problème et pas des moindres.

L'un des deux "élus" est muet.

Mmh, ah oui ? J'admets que c'est particulier, mais s'il a eu son diplôme, c'est qu'il est apte, n'est-ce pas ? Il me confirme qu'il est très doué, et qu'il lui a presque volé les titans qu'il comptait tuer ! A ce point ? Ce serait dommage de s'arrêter à cette infirmité alors. J'ai déjà entendu dire que les brigades d'entraînement acceptaient les handicaps légers à condition qu'ils n'empêchent pas le soldat de faire son devoir. Je suppose que travailler avec lui te demandera d'adapter ta méthode mais si tu l'as repéré, c'est qu'il a quelque chose qui vaut le coup. Je peux te donner des idées, j'ai du le faire avec toi à un moment, tu te souviens ?

Il fait mine de m'envoyer son poing dans le visage mais j'arrête sa main sans problème. Ca ne sert à rien de renier le passé, Livaï. Nous nous en sommes bien sortis, finalement. Tu feras de même avec tes recrues. Observe-les bien, renseigne-toi sur eux, et reviens me donner tes conclusions. Si tu les choisis, et qu'ils acceptent bien sûr, je les rencontrerais personnellement pour les féliciter et les mettre au courant de leur nouveau statut.

Il saute à bas du bureau, apparemment satisfait de moi. C'est toujours un soulagement de constater que je ne le déçois pas. La considération qu'il a pour moi me semble si précieuse que je crains à chaque fois de la voir s'envoler... Je ne dois pas en devenir dépendant, j'ai un rang à tenir, je suis son supérieur... Mais lui comme moi savons que cette hiérarchie n'est en partie que façade. Je ne peux faire autrement que le considérer comme mon égal.

Je l'ai toujours fait, dès le premier instant où j'ai posé mes yeux sur lui.

Il me demande avant de sortir si je compte rester enfermé le reste de la journée. J'avise la minuscule pile de feuillets qui trône sur le bureau. Mmmh, non... j'ai presque tout réglé avant l'expédition, il ne me reste que quelques petites choses à lire ; je pense aller faire un tour plus tard. Si Mike est libre, nous irons peut-être en ville...

Il fait la moue. Tu as du travail de ton côté, chacun son tour ! Caporal, je veux des résultats ! Ton escouade doit être au complet avant la prochaine sortie ! J'ai terminé. Tu peux disposer. ll me fait une fausse révérence obséquieuse et referme la porte derrière lui.

Ce genre de petit jeu me mettrait hors de moi face à n'importe qui d'autre ; mais avec lui, cela me détend de façon miraculeuse...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant