MONDE, JE TE FAIS MES ADIEUX(mai 846)Mike Zacharias

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Faudrait penser à vous réveiller, parce que les titans vous feront pas de cadeaux dehors ! D'après ce que je vois, la moitié d'entre vous se fera bouffer en moins de deux ! Vous avez voulu porter l'uniforme ; maintenant il faut assumer !

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Faudrait penser à vous réveiller, parce que les titans vous feront pas de cadeaux dehors ! D'après ce que je vois, la moitié d'entre vous se fera bouffer en moins de deux ! Vous avez voulu porter l'uniforme ; maintenant il faut assumer !

Les recrues, penchées en avant et le souffle court, ne me répondent pas. Ils ont beau être encore jeunes, ils ont pas l'endurance des explorateurs. Quand je repense aux tests d'équilibre, je suis étonné que tant d'entre eux soient là. Mais Erwin a tenu à ce que nos critères soient abaissés afin de leur laisser une chance. Autrement, ils auraient été presque tous recalés. Il y'en a quelques-uns qui sortent du lot, mais dans l'ensemble, ils ont pas le profil. C'est la volonté de récupérer leurs terres qui les fait tenir.

Je leur accorde une courte pause, que je peux à peine me permettre. Nous avons si peu de temps et avec eux, il faut voir les bases les plus élémentaires ! Le planté de grappin a déjà été toute une histoire, j'en suis à leur apprendre à atterrir et à pas se fracasser contre les parois. Je compte plus les contusions et les bobos mineurs, mais j'ai pas de gros blessés à déplorer encore.

Je lève les yeux et aperçois un escadron de novices en train de voler dans les arbres. Et le nain à leur tête. Il leur montre déjà les changements de direction ? Il va pas un peu vite en besogne !? Mon groupe est en retard, on dirait ! J'ai à peine le temps de me dire que je dois me filer un bon coup au train quand j'entends un gémissement plaintif quelque part au-dessus. Eh, Livaï, je crois que l'un de tes protégés s'est pris un arbre ! Tu devrais faire gaffe, ils ont pas le niveau encore !

Livaï vient se poser à côté de moi et les autres tentent de l'imiter avec beaucoup moins de grâce. Ils se rentrent dedans ou se retrouvent les quatre fers en l'air, et je sais pas si c'est une bonne chose, mais j'ai presque envie de rire. Livaï ose même pas regarder, il reste face à moi, les traits crispés, uniquement occupé à écouter les jérémiades de ses recrues jusqu'à ce que tout le monde se taise.

Je sais, vieux, c'est la merde. On pourra pas faire grand chose d'eux mais ils sont motivés... Alors autant donner tout ce qu'on a, non ? J'entends une fille s'extasier sur la sensation du vol et réclamer un nouvel essai. Tu vois, ils sont pleins de bonne volonté. Avec un peu de chance, ils nous gêneront pas. J'ai un autre groupe à entraîner après celui-ci, donc j'y retourne. Le nain soupire bruyamment, actionne ses gâchettes et emmène avec lui la nuée de recrues qui parvient difficilement à décoller.

Bon, vous avez vu ? Vos copains ont de l'avance, si vous voulez leur montrer de quoi vous êtes faits, il va falloir accélérer ! Ils produisent un salut militaire convenable, mais une jeune femme reste courbée, la main sur son ventre. Qu'y a-t-il, le mal de l'air ? Elle me répond que non mais qu'elle doit s'arrêter pour aujourd'hui car elle a mal quelque part ; demain ça ira mieux, qu'elle dit. C'est une journée de perdue, ça ne se rattrape pas dans ces circonstances. Elle lève les yeux vers moi et j'y lis une détermination à toute épreuve. Je la reconnais ; c'est elle qui m'a interpellé avec son homme le premier jour de tout ce merdier. Ils ont été les premiers à réclamer de rejoindre le bataillon. Je l'imagine mal jeter l'éponge maintenant...

Ok, tu auras double entraînement demain. Va te reposer. Ah... je sais que les femmes ont de ces indispositions contre lesquelles ont ne peut rien faire, si c'est pour qu'elle se tue, c'est pas la peine. Elle s'éloigne alors, la tête basse et la main toujours pressée sur son abdomen. Je me demande où est son compagnon... Les groupes ont été formés un peu rapidement et personne n'a protesté. Il est peut-être dans le suivant, j'essaierai de le repérer et de lui dire de s'occuper un peu de sa femme.

Je réalise que je suis un peu crevé moi-même... On enchaîne les exercices tous les jours avec Livaï depuis un moment, sans compter les réunions tous les soirs avec Erwin. Mais je vais pas me laisser distancer par le nabot ! Je vais lui montrer que je suis pas encore si vieux que ça ! Allez, les bleus ! On y retourne ! Pas de plaintes ni de protestations ! Vous allez me réussir vos atterrissages de façon impeccable, et vous ne partirez pas d'ici tant que chacun d'entre vous ne m'aura pas contenté ! Ici, on mérite sa pitance et son lit quand on a donné tout ce qu'on a !

Ils ne râlent pas, et se dispersent pour se mettre en position parmi les arbres. Demain il faudra leur apprendre la manipulation des lames ; ensuite les mannequins... Y a encore tant à faire... Ils n'auront qu'une très vague idée de la véritable terreur qu'un titan peut procurer à des novices. Ces gens n'avaient pas comme projet de vie de devenir soldats. Ils voulaient une vie simple et tranquille, élever leurs enfants, tenir leur commerce, labourer leurs champs... Tout a basculé pour eux ce jour-là.

Et j'ignore combien d'entre eux survivront. Je préfère même ne pas y penser...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant