SAVOIR, C'EST SE SOUVENIR(juillet 846)Ada Barrett

154 27 5
                                    

Bon sang, je ne vais jamais réussir à pénétrer dans cette pièce ! La serrure a été changée ! J'avais confectionné un passe-partout efficace mais maintenant, ça ne sert plus à rien ! Ca veut dire que

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Bon sang, je ne vais jamais réussir à pénétrer dans cette pièce ! La serrure a été changée ! J'avais confectionné un passe-partout efficace mais maintenant, ça ne sert plus à rien ! Ca veut dire que... le bureau du major a déjà été fouillé et on s'en est rendu compte... Fais chier... je devrais faire profil bas, mais... le temps presse !

Ce que j'ai donné à mon maître chanteur l'autre jour - la date et l'endroit où trouver le capitaine Hanji Zoe - n'a pas suffi à me débarrasser de ma dette ; ils veulent que je leur rapporte autre chose, de plus utile. C'est de ma faute, à moi, s'ils ne savent pas assassiner quelqu'un ?! Je ne veux pas partir en expédition ! Cela fait si longtemps que je n'ai pas vu ma famille ! Ils doivent réellement s'inquiéter !... Mais si je ne fais pas ce qu'on me demande... je pourrais bien ne plus les revoir du tout ! Allez, foutu mécanisme ! Tu vas t'ouvrir, oui ?!

Je jette un oeil à l'autre bout du couloir pour m'assurer que personne ne vient. Le major est dehors pour quelque chose que j'ignore, et le caporal doit aussi être à l'extérieur pour les entraînements. J'ai dû faire très attention à ne pas me trouver là pendant ses rondes. Mais cette porte semble devenue un obstacle infranchissable... Et si... j'essayais le labo du capitaine Zoe ? Elle doit y entreposer des documents importants, en rapport avec ses recherches... Ce serait toujours ça.

Je donne encore quelques tours de clef en vain, et m'apprête enfin à rendre les armes, quand je sens un regard braqué sur moi. C'est une sensation tout à fait concrète, et pendant un moment, je suis terrifiée à l'idée de me retrouver face à ce nabot aux yeux perçants... Il me surveille de plus en plus étroitement... Il se doute de quelque chose ! Mais en tournant légèrement la tête, je me rends compte qu'il s'agit d'un soldat que je connais de vue. Un membre de l'escouade d'élite. C'est pas aussi mauvais que je le pensais ; je vais peut-être pouvoir le manipuler pour qu'il me laisse quitter les lieux sans histoire.

Je retire ma main de la poignée, commence à me diriger vers lui le long du couloir - il fait de même - et me retrouve à sa hauteur. Je lui demande d'un ton tout à fait neutre si la major est dans son bureau. Il me répond qu'il n'en sait rien, tout en m'observant intensément. Ce n'est pas poli de reluquer les femmes ainsi, jeunot... Il me demande à son tour pour quelle raison je veux le voir et je réponds que ça ne le regarde pas, que c'est personnel. Si c'est si important, je devrais en référer au caporal, qui se chargera de lui en parler. Non merci ! Je sais m'occuper de moi-même, et tu devrais faire pareil. Tu n'es pas mon supérieur, tu n'as pas d'ordre à me donner.

Je comprends trop tard que je suis allée un peu loin. Ma rebuffade lui paraît suspecte, évidemment... Mais je déteste qu'on me paternalise comme ça... Sous prétexte qu'il a des couilles, il doit pas se croire permis de me dicter ma conduite ! Je reprends contenance et l'informe que je repasserais plus tard pour voir le major en personne au lieu d'avoir affaire à ses sous-fifres. Je le dépasse sans un mot de plus mais je sais qu'il m'observe toujours. Je vais disparaître au plus vite de sa vue ; je me force à ne pas dévaler les marches au pas de course...

J'atteins le rez-de-chaussée et laisse la chaleur d'été me caresser le visage quand je passe le seuil. Ce serait une si belle journée à passer avec eux... au lieu d'être coincée ici à jouer les espionnes ! Je dois me dépêcher... Je retenterai le coup demain, je trouverai bien un moment opportun pour...

C'est alors que j'entends une voix crier derrière moi "elle a tenté de forcer la porte du major !" Je me retourne lentement, dans un état second, et vois de nouveau la face du freluquet croisé dans ce maudit couloir. Sa bouche est ouverte, il gueule d'autres choses, mais je ne les entends pas. Tout le monde autour de moi me scrute, me juge, ou me montre du doigt... Le sang me monte au visage... Tout semble soudainement ralenti, comme embourbé dans de la mélasse, le temps aussi...

Mais cela ne me masque pas l'ultime vision d'horreur qui se dirige vers moi. Le caporal Livaï fend la foule - lui se déplace à vitesse normale, ce qui le rend encore plus monstrueux - et avance vers moi avec les plus grandes enjambées qu'il est capable de fournir. Son regard de carnassier à l'affût me transperce de part en part et je titube... Pas longtemps. J'ai de la ressource. Et il ne me reste qu'une option, cernée comme je le suis pas cette foule suspicieuse...

J'attrape les poignées vides de mes épées et actionne le grappin. Il se déploie au-dessus des têtes et avant que quiconque ait pu réaliser, je m'envole en direction des toits du QGR. Je n'ai pas plus réfléchi que ça ; ma couverture est foutue. Je peux juste tenter de m'échapper et éviter l'interrogatoire ! Je ne veux pas tomber entre les griffes de ce nabot !

Le vent siffle à mes oreilles tandis que j'essaie de m'orienter. Je peux prendre l'avenue nord et bifurquer dans une rue étroite afin de m'y perdre. L'alerte ne sera pas donnée tout de suite, ça me laisse du temps ! Mais j'ai à peine échafaudé mon plan de fuite que le son d'un autre câble retentit dans les airs ! C'est lui ! Il est à mes trousses, je le sais ! Pas besoin de le constater de mes yeux ! Je rembobine mon câble et m'élance de toit en toit afin de lui échapper !

Il me colle aux fesses ! Je dois le perdre vite ! J'effectue des manoeuvres totalement nouvelles et audacieuses pour moi, et je sais qu'il n'a aucun mal à les suivre ! Cette demi-portion ne me lâche pas ! Je vais si vite que je manque entrer en collision avec une cheminée qui me barrait le passage ! Pourvu qu'il se la prenne !

Un voeu pieu... Il est toujours derrière moi. Il joue ou quoi ? Dégage ! J'ai à peine formulé ce souhait que son câble vient siffler juste à côté de moi et se plante à l'endroit exact où je comptait me poser pour reprendre de l'élan. Je n'ai pas le temps de le faire ! Un poids lancé à pleine vitesse m'atteint dans le dos et m'envoie bouler sur le toit le plus proche ! La marque de ses bottes me semblent imprimées à jamais dans ma peau... J'ai le souffle coupé... J'essaie de me relever péniblement, mais sa poigne impitoyable agrippe mes cheveux ! Arrêtez ! Je ne suis... qu'une faible femme ! Non ! Je ne le suis pas, mais si ça peut m'aider...

Il plaque mon visage sur les tuiles rugueuses et je sens des câbles s'enrouler autour de mes poignets. Il grogne à mon oreille "je savais bien qu't'étais pas nette", et j'ai presque envie de rire devant cette ultime humiliation ! Il ficelle aussi mes bottes et bientôt, je n'ai plus aucun moyen de bouger, le métal acéré m'entrant dans la peau à chaque mouvement... Il me retourne sur le dos et je peux enfin le contempler, au-dessus de moi, très fier de lui, tandis que d'autres militaires le rejoignent. Il leur donne l'ordre de me faire descendre tandis qu'il va prévenir l'état-major de ma capture... Ma "capture"...

Et après ?... L'interrogatoire ? Ils n'auront rien ! Si je parle, je suis morte ! Et les miens aussi ! Je me mets d'ores et déjà en condition mentale pour ne pas lâcher le moindre mot. Cela me demande toute l'énergie qu'il me reste...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant