MONDE, JE TE FAIS MES ADIEUX(mai 846)Hanji Zoe

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L'ingénieur m'indique d'un air gêné que je tiens le plan à l'envers

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L'ingénieur m'indique d'un air gêné que je tiens le plan à l'envers. Oups, désolée ! Je tourne vite le parchemin dans le bon sens et me concentre sur les lignes tracées par des mains plus expertes que les miennes. L'ingénierie de ce type, c'est pas vraiment ma spécialité, je sais pas trop comment je dois juger ces propositions...

Erwin m'a collé la tache visant à améliorer les ferries afin d'en faire des perchoirs flottants, mais j'avoue que je serais paumée sans tous ces gens de bonne volonté qui m'épaulent pour presque rien. Presque tous sont des réfugiés qui se sont montrés bien contents de pouvoir contribuer à l'effort de guerre. Ca leur profitera à eux aussi. Mais je m'inquiète de l'équilibre des bateaux...

J'ai potassé des bouquins sur le sujet ces derniers jours afin de pas passer pour une gourde absolue, mais mes collaborateurs ont l'air sûrs d'eux. Moui, mais ça n'a jamais été tenté avant. Il faut que les bateaux tiennent le coup si des titans font des remous ; et les mouvements des explorateurs pourraient peut-être les faire tanguer, c'est très puissant, les jets de gaz...

Je lève les yeux du plan et contemple les trois hauts mâts de bois renforcés d'acier qui ornent dorénavant le pont du ferry numéro un. Hérissé de tiges servant de reposoirs, le tout est assez large pour permettre une visée optimale des grappins. Des ouvriers harnachés sont à l'oeuvre sur chaque tige et les coups de marteaux et de cognées résonnent dans tout le quartier. Ca attire des curieux, les docks sont bondés... J'aimerais qu'on soit un peu plus tranquilles, il manquerait plus qu'un scribouillard se pointe !

Je scrute plus attentivement les travaux depuis les quais. Tout a été mesuré et calculé afin que les ferries puissent transporter à la fois ces modifications, des réfugiés en nombre, mais aussi du matériel nécessaire à l'évaluation des dégâts du Mur Maria, et même à son éventuelle réparation si elle se révèle possible. Selon les témoignages, j'en doute, même si aucun témoin n'a été capable de nous livrer une description claire des brèches.

C'est comme si on se rendait de nouveau en territoire inconnu... J'en ai des frissons, mais j'arrive pas à déterminer si j'ai peur ou pas. Et comment ils se sentent, tous ces civils ? Je suppose que là, tout de suite, ils pensent surtout à terminer leur ouvrage. Mais comment seront-ils sur le terrain ? Mike et Livaï entraînent les plus courageux d'entre eux en ce moment - j'aimerais pas être à leur place -, mais tout ceux-ci seront sans défense... Il faudra les protéger en plus de nous battre, c'est flippant... Erwin a eu beau se montrer rassurant quant aux futures feuilles de route, ça peut pas se passer sans problème... Ils sont trop nombreux, et ils semblent avoir déjà oublié ce que ça fait de fuir des titans...

Mais on doit le faire, sinon le bataillon disparaîtra, c'est une certitude. Tant d'années, d'expéditions et de morts pour un résultat si décevant ! Jeter l'éponge serait manquer de respect à nos camarades tombés ! Pourquoi seraient-ils morts alors ? Je sais qu'Erwin doit pas en dormir de la nuit, et je sais pas ce que je ferais à sa place. A y penser, ma position est facile, je suis pas exposée comme lui... Je soupire en réalisant la chance que j'ai.

Je me demande où en sont Mike et Livaï avec les recrues. Les rangs du bataillon sont au grand complet - trois cents soldats, pas un de plus - mais je me fais pas d'illusion sur les résultats. Ces têtes brûlées qui ont tenu à nous rejoindre ne seront pas d'une grande aide, tout au plus serviront-ils d'appâts... Pour être passée dans les parages du terrain d'entraînement où on testait leur sens de l'équilibre, ça avait pas l'air fameux. Enfin, si je me souviens bien, mes propres tests ne l'avaient pas été non plus, à l'époque...

Un cri retentit du ferry et j'aperçois une silhouette chuter d'une poutrelle. Heureusement, ils sont équipés de harnais semblables aux nôtres, adaptés pour les travaux de construction en hauteur. Il se met à se balancer au bout de son câble tout en indiquant à ses collègues qu'il va bien. J'interpelle Moblit qui discute avec un ouvrier ; dis-leur de faire gaffe, quand même, un accident est vite arrivé et je veux pas avoir des morts sur la conscience avant même qu'on ait décollé !

Moblit me regarde avec des yeux ronds et je devine sa question muette. Oui, je veux qu'ils fassent attention à pas se tuer, ça m'arrive d'exiger la prudence de temps en temps, alors pas de commentaire !

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant