UNE PERSONNE IRREMPLACABLE(octobre 845)Moblit Berner

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Attendez, chef, pas si vite !

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Attendez, chef, pas si vite !

Je suis obligé de foncer presque à l'aveugle dans les couloirs menant aux entrepôts car la grande bonbonne que je transporte me cache la vue ! Je dois faire attention de ne pas blesser quelqu'un mais heureusement, les gens s'écartent sur mon passage. Je suis le bruit des pas de chef Hanji qui me précède au pas de course et la question qui me taraude depuis quelques temps me revient : pourquoi marche-t-elle si vite ? J'ai l'impression qu'elle ne fait que cela depuis que le major et le caporal sont revenus !

Chef Hanji est souvent survoltée mais pour des raisons bien précises que je connais bien maintenant. Elle ne se presserait pas autant pour la gestion du matériel. Et depuis quand doit-elle s'occuper de ça ? Normalement, c'est au major de s'assurer que les fournitures correspondent aux listes. A moins que cela ne fasse partie de la restructuration de Smith...

Je l'entends donner un ordre à quelqu'un sur un ton autoritaire qu'elle utilise peu souvent. Sa voix est plus dure et sérieuse que d'ordinaire, cela doit changer les soldats ; ils n'ont pas l'habitude de la voir comme ça... Ouf, vivement que nous arrivions aux réserves, je commence à peiner, moi ! Je dois manquer d'entraînement, il est vrai que je passe plus de temps à la seconder qu'à m'exercer... Je devrais y remédier avant notre prochaine sortie.

Les échos familiers sur les murs de l'entrepôt m'indiquent que nous sommes arrivés. Je m'éloigne un moment afin de poser ma bonbonne dans un coin. Je constate alors que le second convoi vient d'arriver. Tout le monde s'est mis au triage des différents types d'équipement afin de faciliter leur vérification. C'est très bizarre... Je sais que le major est censé être absent la journée, mais c'est tout de même une tâche qui lui est réservée en temps normal. En tout cas, Shadis ne s'en dispensait jamais.

Chef Hanji déroule alors un long parchemin couvert de pattes de mouches, ajuste ses lunettes et commence l'inspection. Elle arbore une expression concentrée presque comique. Elle ne peut que rarement se focaliser sur une seule tâche trop longtemps, son cerveau se lasse vite. Elle me tend un encrier avec ordre de le tenir bien droit afin qu'elle puisse y tremper sa plume sans problème. Je vais servir à ça aujourd'hui ? Bon, et bien si c'est pour la bonne cause...

Nous passons devant les caisses d'équipement ouvertes et elle se met en devoir de compter le nombre de pièces ; puis elle raye la ligne correspondante, tout en marquant les éventuelles erreurs afin de refaire une demande de livraison. C'est un travail fastidieux qui demande en général la journée pour être effectué. Je me prépare mentalement à y faire face...

Chef Hanji a des problèmes de vue qui l'obligent à lire et écrire lentement. J'en suis à me demander si je peux me risquer à lui proposer de la remplacer quand une voix joyeuse nous interpelle. La chef, le nez presque collé sur le parchemin, a le réflexe d'envoyer balader cette distraction d'un geste de la main, mais il s'avère qu'il s'agit de Sofie Maja. Elle se fraie un chemin vers nous, tape sur l'épaule de chef Hanji et abaisse le parchemin de devant ses yeux afin qu'elle puisse la voir.

Sofie se met à parler avec animation et l'attention de chef Hanji est petit à petit détournée de sa tâche initiale. Je comprends vite qu'elle préfèrerait parler avec son amie plutôt que de s'occuper de l'inventaire... Chef, je peux peut-être... Elle me regarde alors, comme si elle notait ma présence pour la première fois de la journée, et je constate qu'elle a l'air fatiguée. Chef, je peux m'occuper des listes ; pourquoi n'iriez-vous pas discuter avec Sofie ailleurs ?

Un éclair dans ses lunettes m'aveugle un instant et je la sens prête à accepter... mais elle décline ma proposition en affirmant que c'est un travail qui lui revient. Sofie siffle entre ses dents et s'étonne que notre leader ne s'occupe pas de cela lui-même. J'avoue attendre avec impatience une réponse sensée de la part de chef Hanji, car je me pose les mêmes questions.

Elle reste silencieuse un moment, se contentant de rayer des lignes et de raturer des marges. Sofie attend les bras croisés, et chef Hanji finit par rétorquer que le major est très occupé à l'extérieur de Trost et ne peut pas superviser la réception de fournitures. Mais chef... cela fait trois jours que personne ne l'a vu, je vous assure que cela m'inquiète... Je suis étonné que vous ne le soyez pas...

Elle hausse les épaules et passe à la livraison suivante. Sofie nous suit tout de même et tout en marchant, elle informe chef Hanji qu'elle a réussi à dénicher le bois idéal pour fabriquer sa captureuse de titans. La chef hausse un sourcils rapidement et un sourire familier apparaît sur son visage. Ouf ! enfin, je vous retrouve ! Vous m'avez fait peur avec votre sérieux si soudain ! Elle trempe sa plume dans l'encrier que je tiens, et il devint vite évident qu'elle aimerait parler avec Sofie plutôt que de rester à mener ce travail rébarbatif.

Chef, laissez-moi faire. Allez donc prendre une pause avec Sofie. J'essaie de lui prendre le parchemin des mains mais elle proteste, avec peu de volonté cependant. Elle finit par se laisser faire. Ne vous inquiétez pas, le major n'en saura rien. Elle grommelle dans sa barbe que le caporal risque de l'engueuler s'il l'attrape en train de lambiner. Le caporal, mais qu'est-ce que... ? Est-ce à lui de donner les ordres ?

C'est vrai qu'on le voit moins que d'habitude ; en général, je le croise en train de nettoyer quelque chose ou d'entretenir son matériel, et quand il n'est pas là, c'est qu'il est à l'entraînement. Il a fait quelques apparitions, mais pour retourner aussitôt à l'étage accomplir je ne sais quel travail fastidieux...

Je m'attelle à l'inventaire et barre les listes les unes après les autres. Apparemment, il ne manque plus grand chose, c'est rassurant. J'attaque la dernière série quand une main particulièrement insistante vient s'abattre sur mon épaule. Je sursaute de surprise et entends la voix caverneuse du caporal me demander en grondant où se trouve chef Hanji. Euh... elle est partie prendre une pause, j'ai pris sa place afin que le travail ne soit pas ralenti ! Et j'ai fini !

Je lui tends le parchemin, et il se met à l'enrouler lentement sans y jeter un coup d'oeil. Il émane de lui un air de faiblesse extrême, ce qui ne lui ressemble pas. Même quand il est détendu, on sent en lui une énergie toujours prête à jaillir, et je ne la décèle pas aujourd'hui. Il est affreusement pâle, ses épaules sont voûtées, et quand un explorateur fait tomber une lourde caisse sur le sol juste à côté de lui, c'est à peine s'il réagit.

Il finit par s'apercevoir de l'affaire et fait reculer le soldat afin de s'occuper lui-même de redresser le chargement. Auparavant, il aurait soulevé cette charge d'un seul bras sans transpirer une goutte, mais aujourd'hui, il paraît peiner à la tâche. Je vois qu'il a du mal à soulever cette caisse et cette difficulté m'inquiète plus que tout le reste ; je me suis habitué à le voir déployer une force surhumaine...

Il repousse mon aide et parvient finalement à remettre le chargement à sa place tout seul. Je lui demande si je dois aller chercher chef Hanji, et je réalise alors que je me comporte comme s'il était le major. C'est très troublant... Il répond que ce n'est pas la peine, qu'il la verra plus tard, mais que je peux quand même lui rappeler que le travail qui lui incombe n'est pas censé être refilé à d'autres... Oui... je lui dirais... Vous êtes sûr que vous allez bien ?

Il s'éloigne avec lenteur en se massant l'épaule. Je devrais peut-être parler à Gratia de son état, il a l'air malade...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant