MONDE, JE TE FAIS MES ADIEUX(mai 846)Erwin Smith

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J'attrape ma ration sans goût et la cale entre mes dents le temps de lire la liste de fournitures à ma disposition

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J'attrape ma ration sans goût et la cale entre mes dents le temps de lire la liste de fournitures à ma disposition. Berner me regarde avec des yeux ronds sans oser dire quoi que ce soit, et je réalise juste à cet instant l'image que je dois donner. Il m'arrive si souvent d'oublier que je suis entouré d'autres gens... Je lui donne la liste et lui demande de m'en faire la lecture pendant que je me restaure. J'ai été obligé de sauter le repas de midi car j'ignore à quelle heure le convoi de ravitaillement doit arriver, et je veux absolument être là pour le réceptionner.

Je mets ma main en visière, mâchonnant discrètement, et distingue un attroupement inhabituel devant la cour. Berner cesse d'énumérer pour se tourner lui aussi vers la source du remue-ménage et je devine que le convoi s'achemine vers nous. Il doit être très imposant, c'est pour ça que la foule s'agite. Les autres militaires aussi. Ils voient d'un mauvais oeil la cour du QGR se remplir de chariots pleins à ras-bord. Je dois aller régler ça

Je signe quelques documents que Berner doit remettre à Hanji, puis le quitte pour faire en sorte de diriger les chariots vers un coin qui ne gênera personne. J'ai conscience que ce n'est pas à moi de faire ça, mais mon devoir consiste malgré tout à m'assurer que tout est bien arrivé. La vie de ses soldats est entre mes mains et je veux qu'ils soient équipés au mieux. Nifa ! Guide ceux-là par ici ! Ils ne doivent pas gêner le passage. La jeune fille claque des bottes et fait de grands gestes afin d'amener les chariots avec elle. Plus le temps passe, plus il y en a. C'est sans doute la plus grosse commande que le bataillon ait jamais passée. Et ce n'est pas encore fini.

En queue arrivent les montures que les civils sachant chevaucher utiliseront durant l'expédition. Il y'en a un grand nombre, et toutes ne pourront pas être logées à l'intérieur ; les casernes environnantes seront réquisitionnées et changées en écuries durant les quelques jours qui nous séparent de la sortie. Dita Ness se jette presque sur les premiers chevaux afin de les examiner, et je vois à sa mine déconfite qu'ils ne sont pas de première jeunesse. Il fallait s'y attendre... Ils ont été achetés une bouchée de pain par l'Etat pour le compte du bataillon, aux quatre coins du Royaume, et ils semblent déjà épuisés... Je ne devais pas m'attendre à du premier choix. Et j'ignore comment ils se comporteront face aux titans. Mais l'essentiel est que la majorité de ces gens ait une monture ; tous ne le pourront pas, rassembler autant de chevaux en si peu de temps aurait été impossible. En comptant les chariots dans lesquels nous placerons les civils les plus faibles, les ferries... J'espère que cela ira...

Je me dirige vers la charrette de tête, garée à quelques mètres de moi. Il me semble reconnaître celui qui la conduit et qui me salue de la tête. Je crois l'avoir déjà vu à la cité industrielle, dans un atelier de la guilde. Il ne descend pas de son véhicule et me tend un parchemin roulé. Ce n'est pas la liste de retour de la guilde, mais une missive écrite de la main de Rein. Il m'envoie souvent ce genre de petit mot avec les livraisons. Cette fois, je doute qu'il soit aussi enjoué que d'habitude... Je déroule le parchemin et me mets à lire l'écriture un peu brute et arrondie de Rein, que je connais bien maintenant.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant