Houlà, excusez-moi, madame ! Je fais le geste de retirer mon chapeau pour paraître courtois mais je me rappelle alors que je le porte pas ce soir. Messire voulait que je sois discret et avec mes fringues habituelles, on aurait vu que moi. C'est pas la première fois. Mais ce costume gris perle me plaît pas trop, j'aurais préféré du rouge, ou du brun, plus dans mes goûts...
Y a un de ces mondes ! Heureusement que le vieux richard de Zackley a de la place ! Ca empêche pas qu'on se marche dessus dans certaines pièces. Messire m'a envoyé espionner un parlementaire favorable aux expéditions afin de savoir s'il paraîtrait suspect de le supprimer ou non. Si j'en crois ce que j'ai entendu, il serait pas contre un changement de régime non plus, donc j'imagine que ce serait pas mal de le faire tomber de cheval sur une épée... ou un autre accident du genre. Je suis pas un assassin moi, donc si ça doit se faire, ce sera pas mon boulot.
Je me glisse derrière les rangs de dames parées de bijoux, rasant les murs afin de ne déranger personne. J'ai une sacrée mémoire des visages et c'est une des raisons pour lesquelles Messire m'a engagé ; et aussi le fait que ses petits plaisirs ne chamboulent pas ma moralité. Je dois faire en sorte d'écouter discrètement ce que disent ceux que nous connaissons pour leurs positions politiques. Là-bas, j'aperçois le ministre des finances royales, c'est un allié ; ici, à quelques pas de moi, un notable qui a épousé une nièce du roi et qui s'est engueulé récemment avec son beau-père, à tenir à l'oeil. Et il y a la grande dingue de Sybille Tabea, qui parade et parle fort, de peur qu'on risque de l'oublier. Quelle pimbêche, celle-là, Messire ne la supporte pas. Je pense pas qu'elle soit une menace mais...
Ouais, c'est bien ça, la voilà qui sort d'une pièce avec le major Erwin. Je m'en veux de pas avoir écouté leur conversation, la donzelle sait comment s'isoler... Ils ressortent de là comme de bons vieux amis et je sens que Messire sera d'une humeur massacrante s'il apprend que le major Smith a réussi à obtenir du soutien... Trop tard, de toute façon.
Dans le sillage de la pimbêche et du major, je devine la silhouette sombre et un peu traînante du caporal Livaï. Ah ! ouais, le Livaï ! J'en reviens toujours pas qu'il soit là ! Qu'il ait réussi à sortir de la merde des bas-fonds pour baiser les mains et cirer les pompes des richards, v'là bien un miracle ! Comment il a fait pour arriver là ? Je me souviens très bien de lui et de la raclée qu'il a collée aux trafiquants en bas. Un phénomène. Il a pas trop changé ; il a pas pris un centimètre et paraît toujours prêt à arracher des oreilles avec les dents, haha ! Il doit se défouler sur les titans, je suppose. Ouais, sa réputation est pas si invraisemblable, quand j'y pense...
J'essaie de m'éclipser pour éviter qu'il me repère. Je sais pas s'il se souvient de moi lui aussi mais au cas où... Ca fait quand même une sacrée paye ! Je me tourne à moitié vers une fenêtre en faisant semblant de regarder dehors mais je continue de fixer son reflet. Je le vois passer son doigt sur un vase, et je me demande s'il en juge la propreté ou la valeur. Le voilà qui se décide à suivre son supérieur. Le dîner va être servi, j'avais oublié. Messire doit se trouver aussi dans la salle à manger. Je devrais lui faire mon rapport plus tard.
En tant que simple assistant, je suis pas convié au repas, j'irai me servir un petit quelque chose aux cuisines. Et pourquoi pas maintenant, j'ai la dalle ! Je me dirige vers le sous-sol de la maison en traversant le vestibule et les bonnes odeurs de bouffe me parviennent. Je vais faire sensation parmi les cuisinières mais du moment que je peux grailler...
Je pousse la porte des cuisines et jette un oeil. Sur une longue table, des dizaines d'assiettes attendent d'être présentées aux invités. J'en reviens pas de la quantité de nourriture que contient cette pièce... Même quand Messire reçoit, c'est pas aussi extravagant. Faut dire qu'il préfère les petits comités, même quand l'oncle royal est là, hé !
Les cuistots ne me remarquent pas tout de suite alors je plonge mon doigt dans une marmite de sauce. Une louche en métal me martèle la main et je suis bien obligé de signaler que je suis au service de Messire. Ouais, le neveu royal, alors un peu de respect. Je m'assois sans plus de gêne sur un banc et demande si je peux avoir une assiette de ce merveilleux pigeon au cresson.
La chef-cuisinière - une grosse bonne femme qui ressemble à ma vieille - ronchonne un peu avant de se décider à me nourrir et me voilà en train de me régaler de délicates ailes nappées de sauce. Apparemment, les convives ne doivent pas être tous attablés, car les entrées sont pas encore parties. Rien que de voir tout ça, l'indigestion me guette...
Pendant que je ronge un os, j'essaie d'imaginer le plan de table. Messire sera sans doute assis avec ses principaux amis, et Zackley aura fait attention de ne pas placer les explorateurs et les anti-monarchie à côté. A mon avis, ça va jacter sec et peut-être même chier dans les rideaux ! Messire maîtrise l'art de la conversation et sait comment se moquer de quelqu'un sans en avoir l'air. Tiens, mais... pourquoi pas...
Après le dîner, j'irai lui parler du caporal. A l'époque il ne m'avait pas cru quand je lui ai dit qu'un seul homme avait réussi à mettre par terre tous ses fournisseurs. J'ai juste récolté une bonne savate dans les fesses pour ne pas lui avoir rapporté un nouveau jouet et j'ai pas insisté. Il a vite oublié, Messire a trop de passe-temps pour s'ennuyer, mais si je lui dis que c'est lui le responsable, le grand héros des Trois Murs, il me croira enfin, je suppose. Et avec un peu de chance, il trouvera un truc bien gênant à lui balancer dans la gueule, hé !
Ouais, bonne idée. Mais d'abord, je vais me régaler de ces pêches en gelée.
VOUS LISEZ
Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]
Fanfic(LISEZ LES TOMES 1 et 2 AVANT !!) L'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité... Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a f...