ON NE DOIT PAS COMPTER SUR UN MIRACLE(juin 846)Livaï

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Doucement, ma belle, il va falloir s'économiser si on veut tenir toute la nuit

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Doucement, ma belle, il va falloir s'économiser si on veut tenir toute la nuit. Ma jument secoue l'encolure et je la gratte derrière les oreilles en me tendant sur mes étriers.

Je suis en train de redescendre au trot la file vers le sud après m'être assuré que tout le monde était sorti de de Trost. Ca a pris une bonne heure et je crois que ça y est, on est vraiment en marche. La lueur des torches que tiennent les réfugiés éclaire ma route, mais notre meilleure alliée reste la pleine lune ; elle éclaire presque comme en journée, et pour l'instant pas un nuage n'est venu la masquer. C'était la bonne nuit, Erwin. Pourvu que ça dure...

Je me sens pleinement éveillé et prêt à faire face à cette nuit qui sera très longue. La plus longue de ma vie, peut-être ; la dernière aussi... Non, je dois pas penser comme ça. J'ai pas l'intention d'y rester. Ca va mal se passer, c'est quasi certain, mais on peut peut-être sauver quelques-uns de ceux-là. Je sais pas comment mais on le fera. On peut pas laisser ces connards de richards gagner leur pari.

Je suis presque à mi-parcours. Je repasse au pas et scrute les alentours afin de chercher mon escouade. Ils doivent être quelque part par là. La formation n'est pas encore totalement déployée, Erwin nous donnera le signal sous peu. J'ai encore le temps de les briefer sur la feuille de route ; ils la connaissent par coeur mais un petit rappel en situation réelle ne fait jamais de mal.

J'aperçois Nadja et lui fais signe du bras. Elle réagit en faisant de même vers le centre de la colonne et je vois émerger les trois autres. Ils devaient être en train de palabrer avec l'escouade de quat'z'yeux, qui est pas loin. J'espère qu'ils ont bien profité parce que bientôt, ce sera chacun pour soi. Nous serons tous séparés et comme on ne peut prédire ce qui se passera... Venez par ici, tous.

Ils se mettent à marcher au pas près de moi, en se plaçant tout autour. Les chevaux continuent leur route, l'encolure basse, détendue, mais prêts à détaler à la moindre alerte. On dirait que ça va pas se produire tout de suite. Aucun titan à l'horizon, ni debout ni par terre. Rien de mieux pour donner de l'espoir aux civils... Faut pas qu'ils comptent trop là-dessus...

Ecoutez tous. Dans quelques minutes, nous allons devoir nous appliquer la formation exactement comme la feuille de route le prévoit. Vous vous placerez à cent mètres les uns des autres tout le long de la colonne en marche. Tous les quarts d'heure, vous vous déplacerez de cent mètres vers le nord afin de couvrir la zone à risque de façon optimale. Pensez toujours à bien regarder autour de vous s'il n'y a pas une alerte. On est pourvus de fusées éclairantes pour cette sortie et les soldats de la garnison qui nous accompagnent les utiliseront en cas de besoin.

Si une alerte est donnée, le plus proche d'entre vous devra s'en occuper. Dans l'idéal, vous n'y aller que un par un. Vous aurez des militaires sur place pour vous donner un coup de main. Claus me demande si on ne peut pas s'en remettre aux recrues du bataillon aussi. C'est exclu. Ne comptez pas sur ceux-là, ils portent l'uniforme mais ce ne sont pas des soldats ; en situation réelle, ils ne feront pas le poids. Votre mission principale, c'est de ne laisser aucun titan franchir les deux premières lignes de défense. Parce que... regardez-les bien.

Mes quatre subordonnés se tournent sur leurs selles et observent la marche des civils. Quelques-uns sont à cheval et les moins rapides dans les chariots, mais l'essentiel d'entre eux avance à pied. Ils reportent leur attention sur moi et leurs expressions me laissent entendre qu'ils ont compris. Oui, ces gens-là n'auront aucune chance de survie si des titans nous forcent à augmenter l'allure. La colonne doit garder cette vitesse constante, ni plus ni moins, sinon tout sera désorganisé. Les civils risquent de paniquer et de faire n'importe quoi. C'est ce qu'on ne veut pas. Vous devez garder le contrôle de la situation, au moins jusqu'à l'avant-poste. De là-bas, Erwin nous fera un topo et changera le plan en fonction de ce qui se présentera. Vous devez être un mur infranchissable entre ces mochetés et les réfugiés, compris ?

Ils hochent la tête à l'unisson. Vous avez bien intégré que vous devrez combattre seuls la plupart du temps ; pas de travail d'équipe si on peut l'éviter. Oui, je sais, c'est nouveau, mais on va pas se cacher que tout ce qui se passe n'a rien d'habituel. Vous devez être partout sur le flanc droit. Quand vous aurez fini le ratissage vers le nord, vous redescendrez vers le sud selon le même principe, et vous recommencerez autant de fois qu'il le faudra. Je patrouillerai moi-même sans arrêt le long de cette zone et je ferai des rapports réguliers à Erwin. Ensuite... quoi, qu'est-ce qu'elle a ?

Je vois la bigleuse - enfin je la repère surtout au reflet sur ses lunettes - qui me fait de grands gestes au loin, près du centre de la colonne, en m'indiquant un truc du doigt, qu'elle tient dans la main. Je vois pas ce que c'est mais je peux le deviner. Elle nous en a glissé un mot à la dernière réunion. Ouais, bon, Hanji a fabriqué une nouvelle arme apparemment, un truc qui pète, je crois. Je sais pas ce que ça donnera mais si ça peut vous aider, elle en fera usage. Son escouade est dispersée un peu partout donc ça peut être utile en cas de danger immédiat.

Erd me demande à son tour ce qu'ils devront faire une fois arrivés à l'avant-poste. Je viendrais vous trouver pour vous le dire, on est pas encore arrivés. Alors concentrez-vous sur ce tronçon de route pour l'instant. Ne pensez à rien d'autre qu'au présent. Vivez chaque minute comme la dernière car il se peut que ce soit le cas. Je ne peux pas vous garantir de revenir vivants, vous le comprenez ? Ils me signifient que oui, sans avoir besoin de prononcer un mot.

J'ai toute confiance en vous. Je sais que vous donnerez tout ce que vous avez. Votre coeur, c'est le minimum. Je ferais comme vous. Si c'est notre dernière sortie, alors je veux qu'elle soit digne du bataillon et de ses idéaux. Je vous remercie, au nom du régiment, d'être ici...

Ma voix s'éteint une seconde... Je ne sais pas quoi leur dire de plus. Leur silence est pourtant réconfortant ; aucun ne va s'écrouler au moment crucial. J'aimerais les sauver... Si je le peux, je le ferai. Je leur permettrai de fuir... mais leur fierté ne l'acceptera peut-être pas.

Je force l'allure en les saluant de la main. Je ne les regarde pas me répondre. Sont-ils tous au garde-à-vous, debout sur leurs étriers, la main sur le coeur ? J'en sais rien, je ne veux pas savoir. Je suis presque tenté de me retourner quand un signal lumineux jaillit dans l'obscurité. Erwin a ordonné la formation. Cela veut sans doute dire que des titans ont été repérés. Ou pas. Je dois aller à l'avant de toute façon avant de commencer ma patrouille, j'en aurais le coeur net.

Il est encore un peu tôt pour le p'tit dèj, mais il faut savoir le prendre quand il se présente.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant