ON NE DOIT PAS COMPTER SUR UN MIRACLE(juin 846)Claus Emmerich

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Poussez-vous, s'il vous plaît ! Je dois me rendre aux réserves de matériel !

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Poussez-vous, s'il vous plaît ! Je dois me rendre aux réserves de matériel !

Les couloirs sont encombrés de gens qui parlent fort et refusent de me laisser le passage. Pour l'instant, ils sont assez calmes, mais si j'en crois nos observations de tout à l'heure, cela ne va pas durer. On va bientôt devoir dégager et remettre tous les civils en rangs. Je crois que ça a déjà commencé ; des gardes indiquent des directions pour évacuer le bâtiment dans l'ordre et la discipline. Leurs visages sont fermés et professionnels mais il est bien évident qu'on va se douter de quelque chose à un moment. Pas la peine de leur dire que des titans vont investir les lieux en masse d'ici une heure environ. On a pas besoin qu'ils paniquent.

Je dois dire que je suis surpris de leur comportement. Surtout celui des nouvelles recrues. J'en ai vues certaines mener leur premier combat et en sortir vivantes. Ils prennent leur rôle à coeur... Les voir ainsi m'a redonné courage et confiance. Et puis... tout s'est bien passé jusqu'à présent. Le caporal-chef n'a cessé de dire que le plan du major fonctionnait à merveille. Il n'y a pas de raison que cela ne continue pas. Oui, si nous suivons les ordres, ça marchera.

Je ne suis pas né dans le Mur Maria, je ne me sens donc pas aussi fébrile à l'idée de retrouver mon foyer. Revenir vivant est mon seul plan d'avenir pour l'instant. Protéger mes camarades aussi. Je sais que je peux être amené à donner ma vie pour sauver un de ces civils, mais j'avoue qu'en être réduit à cette extrémité me désole un peu... Aurais-je perdu la vocation de soldat ? L'ai-je jamais eue en fin de compte ? Revoir le sourire de mes parents me semble la seule chose importante...

Non, je dois remplir mon devoir. Je suis membre de l'escouade Livaï, c'est un honneur dont j'avais oublié la valeur. En nous battant de nouveau tous ensemble, livrés à nous-mêmes face aux titans, j'ai retrouvé un peu de cette entraide si forte dans le bataillon, qui nous ferait nous sacrifier les uns pour les autre sans hésiter. Cette deuxième famille... est-elle plus importante que la première ?

Je regarde autour de moi, à la recherche d'un membre de mon escouade. J'ai envie de voir un visage familier parmi cette foule d'anonymes... On a pas eu le temps de beaucoup parler depuis le départ de Trost. Je veux savoir comment ils se sentent, ce qu'ils ont dans la tête, là, maintenant.

Au bout d'un couloir, j'aperçois Nadja, en pleine conversation avec Gunther. Hmm... j'ose pas vraiment les interrompre... Je me demande s'ils se sont rapprochés depuis... Je touche mes lèvres du bout des doigts et me rappelle alors le baiser que je lui ai volé l'autre jour. J'ai pas vraiment réfléchi à ce moment... J'ai pris sa provocation comme un jeu et j'ai pensé qu'elle jouerait aussi... Je me suis pas mal trompé, même si elle ne m'a pas réellement repoussé. Je dois dire que je suis un peu honteux en sa présence maintenant. On en a pas reparlé du tout...

C'était la première fois que j'embrassais une fille... et... je veux pas que ce soit la dernière.

Je continue de les mater du coin de l'oeil, et finalement Gunther s'en va. Nadja se dirige vers moi, Je vois qu'elle a un seau d'eau à la main. Je l'intercepte pour l'aider, mais je sais bien qu'elle a pas besoin d'aide pour ce genre de truc, elle nous surpasse tous. Je m'attarde un moment sur ses yeux foncés songeurs, qui se posent sur moi sans colère, ni ressentiment. Je lui souris et elle fait de même. Je sens mon coeur battre très fort, et un afflux d'adrénaline me parcoure le corps. Je pourrais aller buter tous les titans dehors pour ce sourire-là ! Elle a une petite écorchure sur la joue et je passe ma main sur son visage pour enlever le sang. Sa peau est sans doute plus rugueuse que celle d'une fille de tous les jours, mais je n'en connais pas de plus douce...

Elle pose son seau et prend ma main dans la sienne. Elle remarque alors que je me suis blessé au poignet, avec un bout de lame. Oh, c'est pas grand chose, j'avais oublié ! Tu allais à l'infirmerie, non ? Tu devrais te dépêcher, il doit y avoir des blessés plus graves. Elle reste fixée sur ma main, dont le sang continue de couler, mais je ne sens pas la douleur. Elle arrache un morceau de sa cape verte et la bande autour de mon poignet en serrant bien fort. J'ai pas pensé à le faire... Heureusement que tu réfléchis pour nous deux ! Et au fait... pour l'autre jour... je...

Elle pose son doigt sur ma bouche, m'intimant de me taire. Alors je ne dis pas un mot de plus. Je dois prendre ça comment ? Elle m'en veut pas ? Est-ce que ce serait possible que... J'ai pas le temps de finir de formuler ma pensée qu'elle enfile un autre corridor avec son seau. Je soupire en restant fixé sur le pan de mur derrière lequel elle a disparut si vite. Nadja... quand on sera rentrés, il faudra qu'on parle sérieusement... Je caresse le bout de tissu vert autour de ma main comme si c'était le plus précieux des bijoux. Je crois que je vais le garder.

Bon, c'est pas tout ça, mais je dois aller me chercher une bobine neuve. Celle que j'avais a été fracassée par le choc. On a pas encore l'habitude de combattre au milieu de bâtiments, et quand je me suis fait courser par ce titan, j'ai mal calculé mon coup et je me suis faufilé en vitesse dans une ruelle. Mon dispositif est entré en collision avec un mur et ma bobine s'est retrouvée écrasée. Elle a tenu le coup assez longtemps pour me permettre de revenir, mais là, elle a rendu l'âme.

Je marche rapidement vers la pièce où on garde les chariots en écartant les gens de ma main bandée, et réussit à atteindre un des véhicules stationnés. Je grimpe dedans et jette un oeil dans une des caisses. Les pièces détachées sont alignées et il me reste juste à me servir. Je choisis la première bobine qui me tape à l'oeil, même si elles rutilent toutes à la lueur des torches.

Je la garde dans mes mains un moment, teste le câble, la soupèse pendant une minute, et me dit qu'elle fera l'affaire. Si j'en crois les performances des recrues, ce matériel fait des merveilles ! C'est vrai qu'elle a l'air plus légère que l'ancienne... Bah, sans doute un nouvel alliage.

Je saute du chariot avec la bobine et me dirige vers un coin de la pièce pour resserrer quelques vis de mon dispositif. Je cherche un endroit tranquille et déniche un tas de sacs de vivres jetés dans un coin à l'écart. Je m'apprête à m'installer derrière pour qu'on me fiche la paix mais je remarque vite que je suis pas le premier à avoir eu cette idée.

Allongé sur les sacs, le caporal-chef, la capuche baissée sur les yeux, essaie de trouver quelques minutes de sommeil bien méritées. Je sais d'expérience qu'il est capable de piquer des roupillons éclairs un peu partout ! Mais je m'attendais pas à le trouver là ! Je chipe une pomme dans un sac, m'assois à côté de lui et commence à jouer du tournevis.

J'entends son ttcchh familier, alors je tourne la tête et remarque qu'il me scrute de sous sa capuche. Je vais pas vous ennuyer longtemps, juste le temps de réparer ça ! Il répond que j'ai bien bossé là dehors et que j'ai aussi bien mérité de me reposer, que je peux aller dormir dans un coin pendant un petit moment. D'accord, mais, on repart quand ? Il dit que je n'ai pas à m'en inquiéter car il viendra me botter les fesses pour me réveiller, où que je me trouve.

Haha, je suis sûr que vous le ferez ! Quoique... je préfèrerais que vous envoyiez Nadja, si vous n'y voyez pas de problème... Euh... Non ! Oubliez ça, j'ai rien dit ! Il se met à grogner à propos des "histoires de fesses" de ses subordonnés, rabat la capuche sur sa tête, puis ne prononce plus un mot.

Hmm... Je crois que rien n'échappe au caporal-chef... Il fait semblant de rien voir mais il est au courant de tous nos petits secrets... Je me demande s'il a déjà été amoureux, un jour...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant