ON NE DOIT PAS COMPTER SUR UN MIRACLE(juin 846)Mike Zacharias

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Je lève les yeux et les garde fixés sur l'arche qui glisse lentement au-dessus de nos têtes

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Je lève les yeux et les garde fixés sur l'arche qui glisse lentement au-dessus de nos têtes. Les mâts de bois bardés d'acier passent de justesse, comme prévu. Je respire un bon coup l'air frais de la nuit afin de me dégager les poumons et être plus à même de détecter nos ennemis dans le noir. Si Erwin a vu juste, nous ne devrions pas être trop ennuyés jusqu'à l'aube. Nous serons moins exposés que nos camarades au sol, qui risqueront constamment de tomber sur des titans endormis.

C'est étrange d'être si loin d'eux, mais il était nécessaire de diviser nos forces ; ces gens sont ni nombreux... Je sais quelle responsabilité je dois assumer, en gérant toutes les manoeuvres sur les ferries. J'ai délégué le commandement aux chefs d'équipe sous mes ordres car je n'aurais pas la possibilité de passer de l'un à l'autre. Mais mes subordonnés restent à mes côtés. Je les entends chuchoter dans le noir, perchés sur les poutres en bois que Hanji a fait monter. C'est plutôt du bon travail ; nous nous sommes entraînés dessus la dernière semaine et tout a parfaitement tenu.

Le grincement des tôles d'acier troublent de temps en temps notre avancée sur l'eau qui brille sous la lune. Les passagers sont silencieux et bien tranquilles. Et pourtant nous sommes déjà en territoire ennemi... Je sens les effluves caractéristiques des titans flotter jusqu'à moi, mais ils sont loin. Je ne sais pas si le bruit est susceptible de les réveiller, mais au cas où, autant en faire le moins possible.

Plutôt confiant, je me laisse glisser à terre. Nous allons essayer d'économiser le matériel et éviter les exercices inutiles. Nous aurons sans doute tout le loisir de nous activer quand le soleil se sera levé, dans quelques heures. Me faufilant parmi les réfugiés, je constate que beaucoup piquent un roupillon. Ils ont raison, ils ne pourront sans doute plus dormir bien longtemps, car Erwin nous a assuré que notre halte à l'avant-poste serait courte ; le temps de changer le matériel et de reposer les chevaux, je me doute. Nous n'y arriverons pas avant l'aube, et mes troupes devront rester parquées ici. En clair, notre seul ravitaillement est celui qui se trouve sur ce bateau.

Je scrute les visages endormis ou fermés, aux regards lointains, qui m'entourent. Essentiellement des vieux, ou des infirmes. Ceux-là n'ont pas échappé à l'opération ; le gouvernement veut garder les jeunes comme future force ouvrière ; ces anciens ne leur servent à rien... Erwin n'est pas dupe, il sait que ce sont des sacrifiés, que l'Etat n'espère pas les revoir... Ils n'espèrent pas nous revoir non plus, j'imagine. J'étais contre cette expédition, mais vraiment, quelles options avions-nous ? Tout a poussé Erwin à prendre cette décision, et maintenant je dois le soutenir quoi qu'il en coûte.

Il me semble entendre Gelgar vers l'avant du bateau. Je m'y dirige en marchant lentement et découvre alors le gaillard, un gobelet à la main, écoutant un vieil homme lui raconter une histoire, avec d'autres personnes tout autour. Un petit réchaud brûle au milieu et illumine leurs visages de lueurs chaudes. Pendant un moment, je reste à l'écart, un peu ému par cette scène touchante. Gelgar a l'air captivé, à tel point qu'il en oublie de boire son verre, ce qui en dit long. Je me demande bien ce que ce vénérable personnage lui raconte pour le subjuguer comme ça. Alors je m'approche et constate qu'il s'agit d'une suite d'anecdotes sur sa famille. Certaines sont drôles, d'autres plus tristes mais Gelgar a l'air de les aimer.

Pour nous, qui n'avons pas de vie de famille réelle, ni de descendants, c'est toujours quelque chose de nouveau à entendre. Je le laisse en profiter quelques minutes puis lui signale que je vais tenir un petit conseil afin de m'assurer que tout le monde a compris la marche à suivre en cas d'alerte. Gelgar vide son verre d'un trait, remercie le vieil homme - celui-ci lui tient la main une minute avant de le laisser partir - puis nous rejoint vers l'arrière. Nanaba, Lynne et Henning nous y attendent déjà et je répète alors le brief de mission.

Bon, comme vous le savez, vous n'avez pas à vous soucier de la trajectoire, la feuille de route est claire et facile : le fleuve est notre guide. Nos camarades à terre ne s'éloigneront pas de plus de deux kilomètres de la rive. Nous sommes les défenseurs du flanc gauche ; il est bien évident que nous serons moins exposés mais ne vous croyez pas à l'abri pour autant. Les manoeuvres seront risquées. Si vous tombez à l'eau, vous coulerez à pic presque immédiatement à cause de votre dispositif. J'ai fait placer des échelles de cordes un peu partout au cas où ça arriverait, mais j'espère que vous n'aurez pas à vous en servir.

Si les titans viennent faire joujou avec nos embarcations, elles ne tiendront pas longtemps ; elles sont très chargées et peuvent tanguer facilement. Votre premier objectif est d'abattre les ennemis avant qu'ils ne puissent nous atteindre. Les poutrelles sont là pour ça ; elles sont assez hautes pour nous permettre de couvrir une large zone entre les deux berges. Repliez-vous dessus dès que c'est possible mais ne laissez aucun de ces monstres approcher ! Concentrez-vous sur la rive gauche, ce sera la plus exposée ; aucun titan n'est censé se promener sur notre droite. Votre travail reposera sur la rapidité et la précision de vos plantés de grappin. Si vous vous loupez, ça peut mal tourner très vite.

J'espère que vous êtes bien réveillés. Ils hochent tous la tête pour me répondre. Bien. Pour l'instant, le danger est minimal mais gardez un oeil ouvert. Nous ne pouvons pas nous permettre de dormir tous alors je vais instaurer un tour de garde. Nanaba, tu viens avec moi là-haut pour les deux heures qui viennent ; ensuite Lynne et Henning, puis Gelgar. A ce moment, l'aube sera proche et nous nous remettrons tous en mouvement pour accueillir nos invités.

Gelgar se met à râler et demande pourquoi il doit veiller seul. Ne te plains pas, tu as passé la première partie de soirée en bonne compagnie à la proue. Si tu t'ennuies, tu pourras toujours aller demander la suite de l'histoire. Mais pas d'alcool, je compte sur toi !

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 3 [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant