1.1 Mika

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— Tu ne dors toujours pas ? 

Mika releva les yeux vers sa copine qui se levait tout juste. Amandine était belle, même au réveil, avec son maquillage de raton laveur et les cheveux en bataille. Son déshabillé rouge craquant, ses courbes sexy, elle était à la fois jolie et adorable. Et tellement patiente...

— Je finis mon donjon et j'arrive, répondit-il d'une voix lointaine

— Tu as toujours quelque chose à finir, hein ?

— Je ne peux pas laisser tomber la...

Concentré sur son objectif, il perdit la fin de sa phrase et ne chercha pas à la retrouver. Les yeux rivés sur l'écran, il vivait entièrement la scène qui se jouait devant lui et sous ses doigts. Un dragon immense, une équipe de super guerriers prêts à le recevoir... Son rôle était de retenir le monstre loin des mages tout en faisant un maximum de dégâts. Sa vie était entre les mains de ses coéquipiers et il leur faisait parfaitement confiance.

Amandine bâilla.

— Tu tacheras d'avoir fait les courses, ce soir, remarqua-t-elle en ouvrant le frigo. Il n'y a plus de confiture.

— Il reste du Nutella dans le placard.

— Mais ce n'est pas de la confiture.

— C'est pareil, c'est de la confiture au chocolat.

— Ce n'est pas pareil, c'est gras, c'est plein d'huile de palme qui déforeste la Terre.

— On s'en fout, on vit sur Gaïa.

— Argument débile. Et ce n'est même pas bon.

— Tu n'as pas de gout, rétorqua-t-il.

— Tu as des gouts de gamin.

Mika sourit.

— Peut-être bien. La confiture, c'est un truc de vieilles.

— N'importe quoi.

— C'est bien de la confiture de grand-mère, la marque, non ?

— N'importe quoi, répéta-t-elle.

— Tu détestes avoir tort.

— C'est ça, retourne jouer avec tes camarades, petit Mika, et laisse les grands déjeuners en paix.

La lumière du soleil matinal entrait dans le studio, colorant doucement le lino imitation bois de jaune et d'orange. Dans le coin-cuisine, Amandine faisait chauffer l'eau de sa chicorée en regardant la bouilloire, hypnotisée par le compteur de la température qui augmentait progressivement. Immobile entre l'évier, où somnolait la vaisselle à faire, et la poubelle qui débordait de boites de nouilles, elle avait l'air d'une nymphe mal réveillée.

Voilà... la bête était affaiblie, elle commençait à lancer les attaques plus puissantes qui lui valaient sa réputation meurtrière. Mika et sa guilde étaient assez rôdés pour le battre, c'était même la dixième fois qu'ils le tentaient pour essayer d'obtenir une récompense rare sur laquelle ils n'avaient toujours pas eu la chance de tomber.

Le monstre hurla et s'effondra. Son corps vert couvert d'écailles subsista un instant avant de disparaitre, laissant apparaitre un coffre que toute l'équipe se dépêchait déjà d'ouvrir. Mika fouilla son inventaire, fébrile, et passa en revu tout ce qu'il avait gagné. La déception lui fit donner un petit coup de poing sur son bureau.

— Dites-moi que quelqu'un l'a ! écrivit-il dégouté.

— Non.

— Putain non

— Et merde.

— Bon, ce n'est pas grave intervint le chef, confirmant que toute l'équipe avait fait chou blanc. On recommence demain à la même heure. Ne soyez pas en retard, on démarrera tout de suite, cette fois.

— Bien, chef. À ce soir, répondit Mika.

Les autres saluèrent aussi. Il ne resta pas pour écouter les derniers commentaires, toute l'équipe devait être aussi fatiguée que lui. Il coupa le jeu, et rangea rapidement son bureau pour tout remettre en ordre avec un soin presque maniaque.

— Ça y est, tu as fini ? demanda Amandine en touillant sa chicorée d'un air morne.

— Ouaip. On reprends ce soir. On n'a pas eu l'artefact qu'on voulait.

— Autrement dit, ce n'est même pas la peine que je vienne.

— Mais si ! Ça ne commencera qu'à vingt-deux heures, tu seras déjà couchée.

— Et tu comptes dormir quand, au juste ? Tu sais que tu es censé partir dans un quart d'heure ?

— En cours, répondit-il. Ne t'inquiète pas pour moi, je gère.

— Tu ne gères rien du tout, rétorqua-t-elle. Si c'était pour jouer aux MMO, tu aurais dû rester sur Terre.

— Tu es de mauvaise humeur parce que tu n'as pas de confiture, c'est ça ? demanda-t-il en s'asseyant à côté d'elle.

— Ça, c'est bien possible. En plus, je sais très bien que tu ne penseras pas à en racheter.

— J'en prendrai plein, promit-il.

— On verra bien.

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