3.1 Mika

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Mika est de retour, nous revenons donc dans le présent. J'espère que ce n'est pas trop dépaysant !

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Quand Mika ressortit de la fac, il faisait déjà presque nuit. Il avait plu et une odeur de chien mouille flottait dans l'air, alors qu'il n'y avait pas de chiens sur Gaïa. Un bus le dépassa, faisant gicler une flaque. Il s'arrêta un peu plus loin à un arrêt avant de partir entre les immeubles banals du quartier résidentiel de Nevenoe. Ici, ils avaient deux ou trois étages et l'architecture, très récente, était simple au possible, sans chichis ni fioritures. Par contre, plus loin au centre-ville, le quartier des affaires était constitué de seize tours de verre noir et d'acier qui culminaient sur quinze étages, seize pour la mairie, juste pour qu'elle domine les autres. Mais aussi hautes soient-elles, elles n'atteignaient pas la hauteur du mur de brume qui entourait la ville. C'était une barrière blanche, immuable, dangereuse, qui était si épaisse que les rayons du soleil ne passaient pas à travers, si bien que les journées étaient raccourcies de plusieurs heures. C'était un peu comme si cette ville, Nevenoe, était installée au fond d'un gigantesque verre à whisky dont les parois seraient mortelles au moindre contact.

Mika traversa une rue silencieuse et continua son chemin, croisant d'autres personnes qui comme lui se rentraient de cours ou du travail. À pied. Bien que les rues soient conçues pour que les voitures puissent y circuler, il n'y en avait aucune, juste les bus qui sillonnaient les plus grandes artères de la ville en cercles infinis.

Les ombres s'allongeaient de plus en plus et les plus petites rues devenaient noires. L'ambiance à cette heure prenait une teinte irréelle et inquiétante. La plupart des gens évitaient de passer par ce genre d'endroits. On disait que c'était dangereux à cause des clochards, les rebus de la ville qui, parait-il, étaient agressifs. Mika n'avait jamais rien vu de dangereux à Nevenoe... Sauf ce soir. Il trainait des pieds en suivant un trottoir noirci de pluie lorsqu'il sentit comme de l'animosité dans l'air...

Il releva les yeux et se rendit compte qu'il était en train d'interrompre quelque chose. Il avait le même sentiment qu'on peut avoir quand on passe entre quelqu'un avec un appareil photo et son objectif, sauf que ça n'avait rien d'aussi banal.

À sa droite, une dizaine de types à la mine menaçante le regardaient fixement, comme figés. Tenues militaires, crânes rasés, crêtes, couleurs extravagantes et férocité... c'était les fameux rebuts, ceux qui passaient leur temps à trainer ici et là en écoutant de la musique trop fort. Mika aurait simplement passé son chemin si, à sa gauche, il n'avait pas vu plus incongru encore : quatre gothiques acculés dans une impasse attendaient, tout aussi statufiés. Ils avaient l'air en mauvaise posture... Vestes longues, tenues noires, les deux hommes ressemblaient à des assassins et les deux filles à de jolies poupées démoniaques. Mika n'avait rien vu de semblable depuis ses années au lycée sur Terre. Et ça lui manquait.

— Il y a un souci ? Vous voulez que j'appelle les militaires ? demanda Mika aux gothiques.

Une des punks éclata de rire. Avec un sourire, l'un des gothiques lui fit signe que non. Pourtant la pression n'était pas retombée.

— Non, mais c'est gentil de proposer.

— Alors... Bonne soirée, conclut Mika.

Il n'était pas du genre à chercher les ennuis, pourtant à peine avait-il fait quelques pas qu'il se retourna pour les regarder. Il recula encore un peu et les observa. Ça ressemblait à un jeu. Et puis dans ses souvenirs, les punks et les gothiques n'avaient jamais été en guerre, au contraire.

— On fait quoi ? demanda une des punkette. Je crois qu'on peut dire sans trop se tromper qu'il nous a vus, là...

À nouveau des rires dans les rangs colorés. Mika hésita. Il les gênait, mais il voulait voir. Qu'est-ce qu'ils allaient faire ? Allaient-ils se battre ? Cette manière d'attendre dans une immobilité forcée le fascinait. Pourquoi faisaient-ils ça ? Est-ce que c'était une coutume du pôle des sciences humaines ? Si c'était le cas, il était prêt à envisager sa reconversion.

CALMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant